Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation aux outre-mer, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, depuis le début de la législature, le Gouvernement a soumis au Parlement pas moins de six projets de loi concernant, à titre principal, l’une ou l’autre des douze collectivités d’outre-mer, et a inscrit à l’ordre du jour quatre propositions de loi d’initiative sénatoriale qui ont été discutées dans les deux chambres.
Qualifié par certains d’inventaire à la Prévert, le présent projet de loi s’inscrit avant tout dans une dynamique d’actualisation du droit des outre-mer et se veut pragmatique pour accompagner les mutations importantes qui ont affecté les collectivités ultramarines depuis la dernière décennie.
Ces mutations ont abouti à un éventail de statuts élaborés avec des degrés d’autonomie divers et un partage hétérogène des compétences entre les collectivités et l’État selon les territoires.
Pourtant, tous ont en commun d’avoir besoin que le législateur national assume ses propres compétences afin de pouvoir exercer les leurs, ce que votre rapporteure considère en dernière analyse comme le seul véritable fil directeur de ce projet de loi.
Ce texte, qui comprenait initialement 27 articles, puis 49 après son examen au Sénat, en compte désormais 76 dans le projet adopté par la commission des lois, et s’inscrit dans cette démarche.
Le législateur est aujourd’hui conduit à réguler l’activité des opérateurs de l’État présents et indispensables dans les territoires d’outre-mer, comme le proposent les articles 1er à 4 quater du présent projet de loi ; à affiner ou amender les partages de compétences en matière foncière ou les répartitions domaniales, comme le proposent par exemple les articles 5 à 8, ou encore en poursuivant l’adaptation du droit national dans certains territoires ; à exercer également sa compétence propre dans les domaines qui lui ont été réservés par les statuts ou par la Constitution afin de faire évoluer certaines situations matérielles et juridiques, par exemple en ce qui concerne la fonction publique, avec les articles 9 à 12 bis, le droit électoral ou institutionnel, avec les articles 13 à 15, la sécurité intérieure ou encore le droit pénal, avec les articles 16 à 24 ; à permettre les ajustements institutionnels autorisés par la Constitution, par exemple en accompagnant la naissance des collectivités uniques de Guyane et de Martinique, avec les articles 15 bis et 15 ter ; enfin, la Constitution commande aussi au législateur d’intervenir dans les exercices partagés de compétence prévus par les articles 73 et 74 afin de valider ou d’homologuer les initiatives des assemblées délibérantes ultramarines.
Votre rapporteure estime, avec plusieurs de ses collègues de la commission des lois, que le caractère incontournable de ce type de projet de loi pourrait amener le Gouvernement à envisager une forme de rendez-vous législatif annuel clairement identifié pour les outre-mer et le Parlement national.
Sur le fond, je souhaiterais concentrer mon propos sur les principaux apports introduits en commission des lois par rapport au texte adopté en première lecture par le Sénat, en procédure accélérée.
Dans le domaine économique et social, d’abord, la commission a adopté plusieurs amendements, visant notamment à renforcer les pouvoirs des présidents des observatoires des prix, des marges et des revenus créés à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy, à rétablir la composition initiale du conseil d’administration de LADOM proposée par le projet de loi, à étendre dans le code du travail applicable à Mayotte les règles régissant les services à la personne, et à favoriser l’intervention de l’agence Business France dans les Caraïbes.
Dans le domaine de l’aménagement et des réserves foncières, ensuite, la commission a clarifié les conditions de fonctionnement des deux établissements publics fonciers et d’aménagement de Guyane et de Mayotte. Elle a également modifié l’approche du projet initial concernant les agences des cinquante pas géométriques pour proposer un projet d’ensemble qui aboutira, dans un délai de cinq ans, au transfert, à la région de Guadeloupe et à la collectivité unique de Martinique, des parcelles de la zone des cinquante pas géométriques et des compétences des agences en matière de régularisation des occupations et d’aménagement de la zone.
Sur proposition de M. Serge Letchimy, la commission a introduit deux nouveaux articles additionnels, tendant à compléter la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer. Ces amendements, qui résultent du bilan des trois premières années d’application de la loi, visent, d’une part à clarifier les responsabilités respectives des élus locaux et de l’État en matière de démolition de l’habitat insalubre et, d’autre part, à renforcer l’information des occupants de quartiers d’habitat indigne sur les procédures de consultation auxquelles ils peuvent prendre part.
Enfin, la commission a supprimé l’article 5 bis, introduit par le Sénat, qui prévoyait d’exonérer les forêts communales de Guyane placées sous le régime forestier des frais de gardiennage dus à l’Office national des forêts. En effet, sans méconnaître les enjeux qui s’attachent au développement des forêts communales en Guyane, la commission a considéré qu’il n’était pas souhaitable d’organiser des prestations à la charge d’opérateurs publics, tout en en supprimant le financement.
Dans le domaine institutionnel, la commission a aligné sur le droit commun les conditions de durée d’exercice de fonctions municipales pour prétendre, en Nouvelle-Calédonie, à l’honorariat des maires et des adjoints. Elle s’en est également remise aux conclusions attendues d’un groupe de travail local sur les modalités d’élection des maires délégués en Polynésie française. Elle a par ailleurs inséré quatre articles additionnels relatifs aux nouvelles collectivités uniques de Guyane et de Martinique et précisé, notamment, la répartition des compétences entre l’État et la Polynésie française, s’agissant de l’application du régime de la prescription quadriennale dans les relations avec les citoyens.
S’agissant des relations entre les usagers et l’administration, la commission a étendu aux usagers polynésiens la possibilité d’effectuer leurs démarches administratives par voie électronique auprès des autorités administratives indépendantes de cette collectivité. Enfin, suivant la proposition de votre rapporteure, elle a précisé que les langues kanakes font partie du patrimoine linguistique de la nation.
Dans le domaine de la sécurité publique et de la sûreté intérieure, la commission a notamment renforcé l’extension dans le Pacifique du dispositif de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le financement du terrorisme. S’agissant de la détention d’armes en Nouvelle-Calédonie, la commission est revenue sur le renforcement des sanctions pénales votées au Sénat. Elle a par ailleurs introduit une dérogation à l’obligation de recourir à un transporteur de fonds pour les bijoux montés sur perles en Polynésie française, compte tenu des spécificités géographiques de ce territoire.
Sur l’initiative du Gouvernement, la commission a adopté deux nouveaux articles relatifs, respectivement, à l’exploitation des bases d’informations et au contrôle des personnels navigants.
Sur l’initiative de Mme Sage, de M. Gomes et de M. Tuaiva, elle a renforcé le pouvoir des agents chargés de la santé publique et de la santé vétérinaire en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, pour les aligner sur les pouvoirs des agents compétents en métropole.
La commission a également complété le nombre des homologations de sanctions pénales instaurées par les lois du pays en Polynésie française. Concernant, enfin, les ordonnances en matière de droit des outre-mer, la commission a considéré que, dans le cas d’habilitations consenties au Gouvernement, pour la deuxième fois et sur un même sujet, et alors qu’un délai initial supérieur à un an avait été prévu, il n’y avait pas lieu de fixer à nouveau un tel délai.
Afin de répondre aux préoccupations exprimées par M. Aboubacar, la commission a toutefois adopté un amendement du Gouvernement insérant un nouvel article habilitant celui-ci à étendre le code de la voirie routière à Mayotte.
Compte tenu, mes chers collègues, de l’ensemble de ces éléments, et considérant que ce texte, largement enrichi par les débats parlementaires, vient conforter un certain nombre d’avancées pour nos concitoyens des outre-mer, je vous invite à l’adopter.