Intervention de Thierry Benoit

Réunion du 8 juillet 2015 à 18h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit :

Monsieur le président, je vous remercie d'avoir organisé ce débat qui tombe à point nommé. En effet, en Bretagne, nous avons vécu, il y a une semaine, des mouvements violents qui nous interpellent au plus haut point.

Je suis très surpris des propos de nos trois invités. Et j'ai envie de les emmener en Bretagne. Après y avoir passé une nuit, leur discours aura changé.

J'ai entendu que notre agriculture ne serait pas adaptée, que certains agriculteurs ne s'en sortiraient pas parce qu'ils sont mauvais. Monsieur Amand, il faut tordre le cou à cette idée car nous avons les meilleurs agriculteurs du monde. Si les Chinois viennent investir 80 millions en centre Bretagne pour collecter et transformer le lait avant de l'exporter chez eux, c'est bien parce que nous avons en France les meilleurs éleveurs qui garantissent la sécurité sanitaire et la sécurité alimentaire, respectent les exigences sociales et s'adaptent à toutes les conditions environnementales posées par la France et par l'Europe depuis quarante ans. Il ne faut plus nous expliquer que nos agriculteurs ne s'adaptent pas au marché. Au contraire, ils s'adaptent en permanence.

L'un d'entre vous a dit qu'il fallait conserver les meilleurs. Non il faut tous les garder. Nous ne voulons pas des exploitations de plus en plus grandes avec une ou deux personnes seulement, ce qui poserait le problème de la transmission des outils de production.

Monsieur le médiateur des relations commerciales agricoles, votre propos m'a heurté en tant que député d'une circonscription rurale, élu du pays de Fougères, premier bassin laitier de France et d'Europe.

Lorsque je suis aux côtés des éleveurs de ma circonscription, je comprends mieux pourquoi l'on aboutit à cette situation. Monsieur Chalmin, vous nous avez expliqué que c'est le consommateur qui est le grand gagnant. Mais je n'y crois pas du tout. Les quotas laitiers existent depuis 1983. Mais personne ne nous dit que depuis, les centrales d'achat et la grande distribution se sont organisées. Vous nous parlez de sept grandes chaînes. Mais en réalité, elles ne sont que quatre. Tout à l'heure, le président Brottes a expliqué quel était le rôle des centrales d'achat. J'estime pour ma part qu'il est déterminant.

Madame la rapporteure générale de l'Autorité de la concurrence, on devrait encourager davantage les éleveurs à s'organiser. Vous avez parlé de la contractualisation. Pour ma part j'y suis favorable. On devrait être beaucoup plus souple avec des éleveurs qui sont propriétaires de leurs produits et il faudrait corriger le déséquilibre qui existe aujourd'hui entre l'amont et l'aval.

Notre pays autorise-t-il la vente à perte des produits agricoles ? Est-il prêt à mettre en oeuvre un dispositif de sécurisation des marges, selon le prix des intrants, des matières premières etc. ?

Monsieur Chalmin, observez-vous l'évolution des marges des centrales d'achat de la grande distribution ? Vous nous avez dit que la grande distribution était attaquée par le commerce électronique. Je vous répondrai que les taxis le sont par UberPop. La grande distribution va faire comme tout le monde : elle va s'adapter. Mais je me fais moins de souci pour la grande distribution que pour les éleveurs de ce pays. Si Leclerc vient d'être condamné à rembourser 61 millions d'euros à ses fournisseurs, c'est bien parce que des anomalies ont été constatées.

Finalement, je n'ai pas le sentiment que le médiateur des relations commerciales agricoles ou le président de l'Observatoire des marges et des prix des produits alimentaires nous aient éclairés aujourd'hui sur les difficultés que rencontrent nos éleveurs. Je n'ai jamais encouragé nos concitoyens à engager des actions contestataires, mais le seul moyen de se faire entendre dans ce pays c'est celui que les agriculteurs ont employé il y a une semaine, c'est-à-dire descendre dans la rue pour faire bouger les choses.

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