Nous tenons avant tout à saluer l’action exemplaire menée par nos militaires dans des conditions souvent très difficiles. Nous ne pouvons que souligner le professionnalisme, l’engagement et le dévouement dont font preuve nos troupes. Nous devons également honorer la mémoire des soldats tombés au champ d’honneur. Ils font la fierté de la France. Cet engagement de nos troupes, c’est avant tout celui de la France pour l’application du droit international, pour la défense de l’intégrité territoriale d’un État allié, pour la démocratie, la liberté et la lutte contre le terrorisme et le fondamentalisme.
Toutefois, depuis le début du quinquennat, notre inquiétude est grande : la France sera-t-elle encore capable, demain, de mener de telles actions avec succès, afin de défendre la liberté et les populations et de lutter contre le terrorisme ? En 2013, lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire, le groupe UDI avait fait part des inquiétudes et des réserves qui justifiaient notre opposition, et nous avions mis en garde le Gouvernement sur les risques qui obligeraient inévitablement à revoir la loi de programmation militaire avant son terme, du fait de l’inadéquation entre les objectifs annoncés et les moyens mis en avant.
Des risques très élevés pesaient en effet sur les moyens humains, du fait des baisses d’effectifs prévues, puisque 23 500 postes devaient être supprimés, auxquels devaient s’ajouter les 54 000 postes supprimés dans la précédente loi de programmation militaire. Aucun ministère n’a d’ailleurs fait, pour le redressement des comptes publics, des efforts à la hauteur de ceux consentis par le ministère de la défense. Des incertitudes subsistaient par ailleurs sur les crédits : il était ainsi évident que les recettes exceptionnelles espérées – dont le montant, 6,1 milliards d’euros, était particulièrement élevé – ne seraient pas au rendez-vous. Enfin, nous avions des interrogations sur les matériels et les moyens.
Force est de constater que les faits nous ont malheureusement donné raison et qu’il est nécessaire de revoir la loi de programmation militaire initiale, étant donné le changement de contexte qui a vu l’engagement fort et continu de la France en OPEX, avec les opérations Barkhane dans toute la bande sahélo-saharienne, Sangaris en Centrafrique et Chammal en Irak.
Le coût de ces OPEX est très élevé, et le financement des dépassements, partagé entre l’interministériel et le ministère de la défense, pose problème. En 2014, ce dépassement atteint 665 millions d’euros, le niveau plus important depuis dix ans. Les tragiques événements qui ont endeuillé la France au mois de janvier dernier ont conduit en outre le Gouvernement à déployer dans l’urgence 10 000 puis 7 000 personnels dans le cadre de ce qui est devenu l’opération Sentinelle.
Si nous pouvons nous féliciter, à certains égards, des conséquences positives que ce dispositif a eues, en conduisant à réduire la déflation des effectifs dans l’armée de terre, nous pouvons toutefois nous interroger, sur le moyen terme, sur ce déploiement dans la durée des forces de l’armée de terre pour des missions qui sont peut-être plus du ressort de la police et de la gendarmerie, voire de sociétés privées. Quant au coût de cette opération, il est estimé par le ministère de la défense à 1 million d’euros par jour, alors que la provision initiale était de 11 millions seulement.
Ce projet d’actualisation de la loi de programmation militaire va dans le bon sens et, sans pour autant les faire disparaître, il est de nature à réduire les nombreux aléas qui pèsent sur la réalisation de la LPM. C’est un progrès et, fidèles à l’attitude constructive qui a toujours été la nôtre, nous tenons à saluer vos efforts, monsieur le ministre, dans un contexte que chacun sait très contraint. Il était urgent d’allouer des crédits supplémentaires à la défense, afin d’éviter un défaut de paiement avant l’été, qui aurait été une catastrophe. Nous nous réjouissons, à ce titre, que les sociétés de projet aient été abandonnées. Nous préférons que les crédits budgétaires ne soient pas hypothétiques.
En outre, le maintien de 18 500 postes était tout autant nécessaire pour que la France soit en mesure non seulement de continuer son engagement dans le monde, mais également de protéger nos concitoyens face à la menace terroriste. Les 3,8 milliards d’euros annoncés d’ici à 2019, s’ils sont une rustine nécessaire, risquent de ne pas être en mesure de maintenir notre outil de défense à son niveau actuel, en particulier de couvrir les OPEX en cours et futures. La France est-elle en mesure de rester la puissance globale et mondialisée qu’elle devrait être ?
Pour ce qui est du droit d’association des militaires, notre commission a procédé à de nombreuses auditions qui ont permis d’effectuer un travail sérieux et de trouver, entre le statu quo et la syndicalisation que nous rejetons, un équilibre que nous approuvons.
Dans le cadre de ses propositions dans le domaine de la défense, rendues publiques il y a dix-huit mois, l’UDI avait soutenu la transposition en métropole du service militaire adapté, très apprécié outre-mer. Le projet de loi va dans ce sens, et c’est pourquoi nous approuvons l’expérimentation en cours. Nous regrettons en revanche que le ministère de la défense supporte seul la charge financière d’une expérimentation qui, à nos yeux, relève plutôt de l’interministériel, compte tenu des publics ciblés. Si le rattrapage de jeunes en difficulté ne fait pas partie des missions premières de la défense, nous soutiendrons malgré tout cette mesure.
Cette actualisation répond enfin à un besoin opérationnel majeur, s’agissant des hélicoptères, pour mener à bien les opérations en cours, particulièrement les missions de lutte contre des éléments terroristes armés et mobiles dans l’environnement africain. Le tandem prévu, composé d’un renforcement des activités de maintenance aéronautique, en parallèle d’acquisitions complémentaires – 7 Tigre HAD et 6 NH90 –, permettra d’apporter plus vite une capacité opérationnelle supplémentaire, tout en redonnant un peu de charge à l’industrie, sous-optimisée dans la loi de programmation militaire en vigueur.
Nous saluons également la poursuite de la rénovation des avions de détection et de commandement aéroportés de l’armée de l’air et de la marine, ainsi que la livraison de FREMM et de frégates de taille intermédiaire. Je rappelle souvent, monsieur le ministre, que le maintien et la sauvegarde de notre souveraineté sur notre zone économique exclusive – l’un des premiers domaines maritimes au monde –, sont un enjeu particulièrement important.
Nous tenons enfin à souligner tous les efforts faits pour optimiser les moyens en matière de renseignement, lequel est essentiel, notamment dans la lutte contre le terrorisme.
Pour autant, des interrogations demeurent. Les phénomènes de report de charge sont toujours aussi inquiétants et lourds d’incertitude pour l’avenir : 3,45 milliards d’euros à la fin de l’année 2013 pour l’ensemble de la mission défense, dont 2,4 milliards pour le programme 146 sur les crédits d’équipement. Nous avons aussi des inquiétudes sur les matériels : les crédits alloués aux équipements, pour les quatre ans à venir, ne sont qu’un minimum qui ne suffira pas pour remplacer nos véhicules usés et notre matériel défectueux, lequel a parfois plus de cinquante ans.
Les programmes d’armement, bien entendu nécessaires dans le contexte actuel, sont toujours plus coûteux, en raison des technologies nouvelles. Les crédits alloués à ces programmes sont les bienvenus, mais ils ne seront pas, eux non plus, suffisants.
Le groupe UDI croit fermement en la nécessité d’une Europe de la défense, que nous appelons de nos voeux, car le seul cadre collectif en matière de défense ne peut pas demeurer l’OTAN. La mise en commun des moyens à l’échelle européenne conduirait de manière certaine à la formation d’un ensemble plus puissant, pouvant prendre toute sa place sur la scène internationale. Nous appelons le Gouvernement à intensifier son action et nous nous félicitons que nos amendements déposés en ce sens en séance aient été adoptés.
Ces amendements visaient à engager un débat avec nos partenaires européens sur la possibilité de créer un pôle de défense européenne à Strasbourg ainsi qu’un quartier général militaire européen au Mont Valérien, ainsi que sur le mécanisme Athéna et le financement de la défense européenne, qui constituera un préalable nécessaire à la mise en place d’un budget européen dédié à la politique de sécurité et de défense commune ; à encourager les programmes industriels européens, dits « pooling and sharing », en particulier pour les moyens capacitaires, dans une logique d’autonomie stratégique au niveau européen ; à travailler à la création d’une académie européenne du renseignement.
Mais, une nouvelle fois, nous ne pouvons que regretter l’absence, parfois, d’une vision à moyen terme.