Nous sommes réunis en séance pour discuter, après l’accord intervenu hier soir en commission mixte paritaire, de l’actualisation nécessaire de la loi de programmation militaire pour les années 2015 à 2019. En effet, depuis que nous l’avons votée, en décembre 2013, le contexte a évolué.
D’une part, les dramatiques attentats survenus à Paris en janvier dernier ont démontré la nécessité d’un déploiement accru des forces sur le sol national, tant pour garantir la sûreté des populations que pour participer à la lutte contre le terrorisme. D’autre part, la multiplication des crises en Afrique et au Moyen-Orient a contraint l’armée française à déployer des moyens importants sur des théâtres nouveaux, notamment dans la bande sahélo-saharienne et en Irak, pour des opérations militaires de contre-terrorisme exigeantes.
Le temps est donc venu de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la loi de programmation militaire et les réalisations, puis d’affiner certaines des prévisions qui y sont inscrites, notamment dans les domaines de l’activité des forces et des capacités opérationnelles. En sanctuarisant les crédits de la défense à hauteur de 31,4 milliards pour 2015 et en dégageant 3,8 milliards de crédits supplémentaires pour couvrir les quatre prochaines années, le Président de la République a, en conséquence, fait le choix opportun d’augmenter l’effort de défense.
Il permettra de réaliser les adaptations indispensables sans remettre en cause ni les grands principes de la stratégie de défense et de sécurité nationale énoncés dans le Livre blanc, ni les grands équilibres de la programmation militaire, d’autant que l’actualisation de cette loi permet de sécuriser les ressources financières dont bénéficie le ministère, puisque la majeure partie des recettes exceptionnelles prévues par la programmation initiale, qui devaient en partie provenir de la cession de la bande de fréquence des 700 mégahertz, sera remplacée par des crédits budgétaires.
Dès l’année 2015, et pour les années suivantes, les ressources de la programmation militaire seront constituées des crédits budgétaires de la mission « Défense » et des seules recettes extrabudgétaires issues des cessions immobilières et de matériels militaires. Ainsi, avec un financement en hausse et sécurisé, l’actualisation permettra une adaptation tout d’abord en termes d’effectifs.
Les attaques de janvier à Paris ont montré que la France, comme les autres États européens, était directement exposée à une menace terroriste en pleine expansion. Face à ce constat alarmant, le Président de la République a décidé que le rythme de réduction des effectifs du ministère de la défense devait être révisé. La diminution des effectifs de la mission « Défense », initialement prévue à hauteur de 33 675 postes, est atténuée de 18 750 et s’établira sur la période 2015-2019 à 14 925.
La protection terrestre sera ainsi renforcée, avec la capacité de déployer 7 000 hommes durant une année sur le territoire national, et la possibilité de monter jusqu’à 10 000 pendant un mois. Cela implique de porter le format de la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes au lieu des 66 000 prévus initialement par la LPM. C’est une décision là encore salutaire, tant le haut niveau d’engagement des forces armées aussi bien sur le territoire national qu’au titre des opérations extérieures doit être renforcé. À ce titre, 2,8 milliards d’euros y seront consacrés.
Pour répondre aux besoins croissants en matière de protection du territoire national, la contribution de la réserve opérationnelle militaire sera, rappelons-le, accrue elle aussi. Pour atteindre cet objectif, le budget qui lui est consacrée sera augmenté de 75 millions d’euros sur la période 2016-2019. J’ajoute qu’en cas de menace sur la sécurité nationale, il sera possible d’augmenter le nombre de jours d’activité des réservistes salariés et de réduire le préavis d’information de leurs employeurs, et qu’un élargissement des recrutements dans les entreprises sera favorisé pour mettre fin à l’érosion des effectifs, le but étant de faire passer de 28 000 à 40 000 le nombre de réservistes. C’est un dispositif utile, tant la réserve opérationnelle est une capacité à part entière de nos forces, qu’il convient donc de développer.
Autre objectif de l’actualisation : une adaptation en termes d’équipements, à commencer par la régénération des matériels. L’activité des forces était déjà une priorité de la loi de programmation militaire, marquée par un effort financier important dans ce domaine puisque les crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels progressaient en moyenne de 4,3 % par an en valeur sur la période. Grâce à cette actualisation, l’effet financier sera encore amplifié au profit des matériels les plus sollicités en opérations, avec une dotation supplémentaire de 500 millions d’euros sur la période 2016-2019. En effet, le niveau actuel des engagements, leur nature et les moyens disponibles pour s’y préparer nécessitent de maintenir dans la durée un potentiel technique des forces armées suffisant.
L’actualisation permettra également une amélioration dans le domaine des équipements critiques, au profit en premier lieu de la composante hélicoptères, avec sept Tigre supplémentaires, mais aussi de la capacité de projection aérienne tactique, avec notamment l’avancement de la livraison de plusieurs avions ravitailleurs, et enfin, dans le domaine du renseignement, avec un renforcement de nos capacités d’observation spatiale par l’acquisition, notamment, d’un troisième satellite.
Le projet de loi contient par ailleurs deux autres dispositifs importants.
Tout d’abord, il institue un droit d’association professionnelle des militaires. Afin que notre législation soit en conformité avec la Convention européenne des droits de l’homme, ces derniers auront désormais le droit de créer des organismes ayant pour objet la préservation de leurs intérêts professionnels et d’y adhérer. De même, sera garanti à ces organismes, par l’attribution de certains droits et moyens, l’exercice effectif de leur mission, notamment à travers la reconnaissance d’un droit au dialogue social avec la hiérarchie militaire. C’est une évolution nécessaire, qui doit cependant demeurer, selon nous, réfléchie et responsable, tant la libre disposition de la force armée répond à des impératifs particuliers.
Et puis il prévoit de créer, à titre expérimental, un service militaire volontaire tourné vers des jeunes âgés de dix-sept à vingt-cinq ans, pour une durée variable de six mois à un an. Ce dispositif est vraiment remarquable puisqu’il ambitionne d’accompagner ainsi de jeunes décrocheurs – dont certains rencontrent aujourd’hui de graves problèmes d’insertion dans le monde professionnel – sur le chemin de la socialisation et de l’emploi, en leur offrant une formation globale. Il s’agira d’abord d’une formation militaire au cours de laquelle ils apprendront pendant un mois, au sein de l’armée de terre, le goût de l’effort, du dépassement, et qui pourra être aussi l’occasion pour eux de porter assistance aux populations dans le cadre des missions de sécurité civile. De plus, la formation sera aussi citoyenne, passant par une remise à niveau scolaire, un apprentissage des valeurs de la République et des règles de vie en collectivité, ainsi que par la préparation au permis de conduire et l’enseignement du secourisme.