Nous ne comprenions pas votre engouement pour les recettes exceptionnelles, donc aléatoires, dont le montant dépassait les 6 milliards d’euros. Nous ne comprenions pas non plus que la volonté commune sur tous les bancs de cet hémicycle de doter nos soldats, nos marins, nos aviateurs de moyens matériels que l’intensité et la répétition de leurs engagements exigeaient passe sous les fourches caudines de la maîtrise comptable froide et cynique de Bercy. Car au lieu de définir les besoins par les opérations, vous aviez adopté l’approche inverse : il fallait donner un contenu stratégique à un objectif de dépenses. Faire mieux avec moins est devenu un poison mortel ! Et si nous constatons que le présent projet d’actualisation semble aller dans le sens que nous souhaitions il y a dix-huit mois, il le fait bien timidement.
Non, ce texte ne répond ni aux enjeux, ni aux menaces actuelles ; il n’est pas au rendez-vous du nécessaire réarmement de notre pays. Il n’accorde qu’un bonus de 2 milliards d’euros à l’acquisition de nouveaux matériels, à l’entretien programmé des matériels et à leur remise en condition opérationnelle, alors que 20 % des véhicules utilisés en OPEX sont irréparables, les autres étant dans un état calamiteux du fait de leur intense utilisation dans les milieux les plus hostiles. Et encore : l’un des deux milliards résulte d’une embellie inattendue, du fait d’indices économiques particulièrement favorables. Non, monsieur le ministre, le compte n’y est pas !
Si la budgétisation pérenne des recettes exceptionnelles – lesquelles ne sont d’ailleurs pas au rendez-vous, comme nous l’avions prévu il y a dix-huit mois – est une bonne chose, il est bon de rappeler que sans ce sauvetage de dernière minute, nos armées auraient été en cessation de paiement le 30 juin. Quant à la limitation des déflations de personnels, elle n’est là encore que trop partielle. De plus, elle posera d’énormes problèmes de ressources humaines dans la marine et l’armée de l’air ; nous ne pourrons compter en 2019 que sur une armée de 261 161 professionnels, soit moins qu’en 1996, année où a été décidée, après la suspension de la conscription, la professionnalisation.
Monsieur le ministre, le temps n’est plus à l’approximation et au bricolage. Nos armées sont en guerre, et nos soldats, nos aviateurs et nos marins, à qui nous devons respect et attention, méritent un engagement de la nation à la hauteur des circonstances, ainsi qu’à la hauteur de l’engagement et des compétences des femmes et des hommes qui servent notre pays.
Je veux avoir une pensée pour les 102 de nos soldats qui, depuis 2003, sont tombés sur les théâtres de crise en Afghanistan, au Mali et en République Centrafricaine pour défendre nos libertés et notre drapeau ; une pensée aussi pour nos plus de 700 blessés, parfois lourdement handicapés pour le restant de leur vie, et que nous nous devons d’accompagner vers une reconversion et une réinsertion ô combien douloureuse et difficile. À ceux qui sont morts, à ceux qui ont souffert d’horribles blessures, comme à leurs camarades aujourd’hui au combat, et aussi à chacun de nos compatriotes, nous devons des choix avisés et courageux, et un engagement volontariste quant aux moyens budgétaires que nous devons y consacrer. Face à un ennemi qui n’a comme objectif que l’éradication de notre civilisation, nous ne devons lésiner sur rien : il y va de la survie de la patrie.
Ce texte, même si nous reconnaissons qu’il comporte quelques avancées utiles,…