J'en arrive au panorama international, pour lequel nous bénéficions de l'expérience de nos collègues étrangers. Ce panorama leur permet aussi de donner un avis sur la situation française, avec une vue plus impartiale que celle des observateurs français.
La France, la Finlande et la Suède sont les trois seuls pays où le processus d'obtention d'autorisation de création d'un stockage géologique profond de déchets HAVL a atteint un niveau de maturité suffisant. En Finlande, pays le plus avancé, l'autorité de sûreté STUK a émis un avis favorable, sur les plans scientifique et technique, au projet présenté par l'agence de gestion des déchets, POSIVA. Une décision du gouvernement est attendue dans les prochains mois. En Suède, le processus d'autorisation est en cours et s'étendra sur plusieurs années. Les autres pays sont nettement moins avancés. Le Royaume-Uni et l'Allemagne ont repris des recherches afin d'identifier un site adéquat pour implanter un stockage géologique, soit l'équivalent de la situation en France en 1991. Aux États-Unis d'Amérique, depuis l'arrêt du projet Yucca Mountain, l'entreposage à sec des combustibles usés constitue une solution d'attente d'un exutoire adéquat.
Le démantèlement d'installations nucléaires et l'assainissement des sites représentent un domaine d'activité qui prend de plus en plus d'importance. Ces activités dépendent de critères nationaux permettant de considérer les sites comme assainis et ouverts à des activités non nucléaires. Elles dépendent aussi des règles selon lesquelles des matériels décontaminés peuvent être libérés ou déclassés et considérés comme non radioactifs. En l'absence d'harmonisation internationale, les réglementations et pratiques varient fortement d'un pays à l'autre. Nous sommes favorables à une réglementation européenne, puis internationale, permettant une harmonisation. Par exemple, si, en France, nous n'avons pas le droit de réutiliser des aciers provenant d'un site nucléaire, des automobiles Volkswagen, Volvo ou Mercedes utilisant de l'acier déclassé venant de Suède ou d'Allemagne sont pourtant vendues dans notre pays.
Enfin, la Commission s'est intéressée aux incidents survenus récemment au WIPP (Waste Isolation Pilot Plant), au Nouveau Mexique. Le premier concerne un incendie provoqué par un appareil de manutention. Le deuxième a conduit à la diffusion de radionucléides dans le stockage et son environnement.
En mars 2015, le laboratoire national de Savannah River a rendu public un premier rapport sur ce dernier incident. Sa conclusion principale est qu'un fût (n° 68660) contenait des substances chimiquement incompatibles entre elles. La configuration des matériaux à l'intérieur du conteneur, en conjonction avec cette incompatibilité, a provoqué une réaction chimique exothermique incontrôlée. L'augmentation de pression due à l'accumulation de gaz à l'intérieur du fût a détruit l'intégrité du colis. Cela a permis aux gaz et matériaux radioactifs de réagir avec l'air et d'autres matériaux en dehors du fût, provoquant les dégâts observés dans la zone « WIPP P7R7 » et des rejets de matières radioactives. Un seul fût non conforme est passé au travers du contrôle qualité. Cet incident souligne le caractère crucial de l'assurance qualité tout au long de la chaîne d'élaboration des colis primaires et des colis de stockage des déchets. Cela renvoie à la recommandation forte que nous avons formulée pour Cigéo, en demandant que l'Andra soit impliquée aussi tôt que possible en amont du processus de fabrication des colis, pour éviter ce genre d'incident.