Notre analyse de la situation en Martinique avant l'arrivée de la BPI montrait une défaillance du marché sur certains segments. Il existait par exemple une offre abondante en termes de garantie – fonds de garantie à l'initiative des femmes, fonds de garantie pour les micro-projets… –, mais pas de dispositif pour les projets structurants. La panoplie de prêts était également assez large, prêts à taux zéro ou prêts bancaires classiques, mais là encore le marché était défaillant sur les plus gros projets, s'agissant notamment de l'offre de fonds de retournement ou de fonds de rebond et s'il y existe une société de capital-risque portée par les deux conseils régionaux, son ticket ne dépasse pas 500 000 euros. La BPI était attendue sur ces défaillances.
Depuis son installation, l'investissement a effectivement augmenté. Sur la région Antilles-Guyane, 380 millions d'euros ont été versés en 2015. Cependant, plus de 60 % de ces sommes vont en garantie, 30 % servent à des avances aux marchés publics, et seuls 10 % sont affectés aux nouveaux produits. Ces chiffres confirment le ressenti des chefs d'entreprise sur le terrain : la BPI intervient surtout en garantie, plutôt que d'assurer un accompagnement plus porteur par le biais de prêts ou de capital-développement.
Cette situation s'explique selon moi par plusieurs raisons. Tout d'abord, la BPI intervient toujours en aval de la décision bancaire, laissant ainsi la décision aux banques. Ensuite, même sur des projets porteurs qui affichent des taux de croissance importants, elle considère parfois que le risque est trop important. La BPI n'a pas répondu à l'attente d'une intervention plus directe, en levier. Les TPE-PME martiniquaises sont de manière générale sous-capitalisées et connaissent, conjoncturellement, des pertes d'exploitation ; ce sont là des caractéristiques qui ne permettent pas à la BPI d'intervenir de manière plus offensive.
En tant que commissaire au redressement productif, je m'efforce de développer une approche nouvelle en Martinique. Si l'approche financière ne doit pas être négligée, il faut aussi intégrer les éléments d'évolution du marché, la capacité de l'entreprise à se positionner sur d'autres segments, l'organisation de l'équipe, l'ensemble des facteurs qui concourent au développement de l'entreprise. De même, nous essayons de développer une approche d'accompagnement par phases. Les entreprises en Martinique étant sous-capitalisées, le premier geste serait de l'aider à la restructuration de leur capital, en cofinancement avec un partenaire bancaire classique. Une seconde phase consisterait à accompagner les projets dans son développement. Cette double approche, globale et par phases, permettrait de minimiser le risque, en le partageant et en le découpant dans le temps.