Je veux souligner l'excellence d'un rapport d'information qui, sur un sujet très technique et dans une situation bloquée, réaffirme certains éléments fondamentaux de la copie privée.
La rémunération pour copie privée est une somme indemnitaire versée aux auteurs et aux ayants droit à raison de l'usage de leurs créations. Il y a trente ans, lorsque nous ne connaissions que les cassettes audio, la notion de copie privée était simple à définir. Avec l'avènement des CD et des DVD, qui offraient des contenus de plus en plus diversifiés, l'affaire s'est compliquée, pas autant qu'aujourd'hui cependant. Les nouveaux usages et modes de consommation de masse l'ont davantage encore complexifiée, au point de mettre la commission pour la rémunération de la copie privée en difficulté de fonctionnement.
Le rapport d'information aurait déjà rempli une grande partie de sa mission s'il s'était contenté de rappeler le caractère indemnitaire de la RCP. Or il va plus loin en montrant que cette dernière n'est ni désuète, ni dépourvue d'intérêt, et qu'elle est bien ancrée dans la modernité des usages et des pratiques du domaine artistique. Il met même en évidence que la copie privée, telle que nous la concevons, n'est pas une exception ou une lubie franco-française, mais bien une notion européenne.
S'il est majeur pour le monde culturel français que 25 % de la RCP soient consacrés au financement de la création artistique, cela participe aussi des ambiguïtés du système. Cette indemnité est, en effet, versée par des fabricants de supports d'enregistrement pour qui la culture n'est sans doute pas le premier cheval de bataille. D'où les difficultés de la commission pour la rémunération de la copie privée, où s'affrontent une vision nationale de l'intérêt culturel du pays et une dynamique commerciale internationale propre à une industrie mondialisée. Aujourd'hui, les fabricants n'y siègent plus et la commission est bloquée. Les auditions de notre mission d'information ont permis d'entendre les arguments des uns et des autres, et nous avons pu réfléchir aux moyens de sortir de l'impasse actuelle.
Travailler sur des solutions de sortie de crise n'est pas simple, car les fabricants ont beaucoup de mal à intégrer la copie privée dans leur fonctionnement commercial. Cette crise n'est finalement que la conséquence de celle qui a eu lieu il y a quelques années quand, après un long et difficile débat, nous avons échoué à élargir l'assiette de la RCP aux ordinateurs. Aujourd'hui, les supports ne sont plus les mêmes, et nous nous trouvons dans une situation absurde : les tablettes ou les boxes sont soumises à la RCP alors que les ordinateurs ne le sont pas. Pour les fabricants eux-mêmes, nous voyons bien que la situation est complexe.
La création d'une autorité administrative indépendante chargée d'homologuer des barèmes, mais aussi de rouvrir le dialogue et d'entendre les parties pour faire revenir la confiance entre les fabricants, les consommateurs et les ayants droit, constitue l'une de vos très bonnes idées.
La plus grande attention doit être portée au fait que les 25 % de la RCP dédiés à la création ne sont pas correctement utilisés et distribués. Il nous faut examiner cette situation avec un regard critique, car une véritable transparence est nécessaire.
Il est aussi indispensable de simplifier et de rendre plus lisible le remboursement de la RCP aux professionnels : trop de flou demeure encore.
Sur ces sujets, vous avez énoncé des pistes de travail et affirmé les grands principes rassurants qui doivent permettre d'entériner un dispositif fondamental pour la culture, pour les ayants droit, mais aussi pour la bonne utilisation et la bonne compréhension des nouveaux usages.
L'autorité administrative indépendante dont vous souhaitez la création devra se saisir des nouveaux débats qui concernent le cloud ou le streaming, qui sont des usages détachés de la notion physique de la copie privée mais qui relèvent pourtant de la philosophie de cette dernière. Sur ce plan, les fabricants et les ayants droit ont encore du chemin à parcourir pour parvenir à trouver un terrain d'entente. Le débat est indispensable car l'évolution des usages n'enlève pas sa raison d'être à la RCP.
Les parlementaires auront toute leur place à prendre dans ce débat. Il faudra beaucoup de volontarisme pour réunir autour de la table ayants droit et fabricants, entre lesquels les liens sont vraiment rompus. Ce ne sera pas simple, mais que la mission d'information ait fixé un cadre aussi précis peut constituer une chance pour la copie privée dans les trente années à venir.