Intervention de Erwann Binet

Séance en hémicycle du 20 juillet 2015 à 16h00
Droit des étrangers — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Conformément aux préconisations formulées par Matthias Fekl dans son rapport, le projet instaure le titre de séjour pluriannuel. Il s’agit là d’une avancée considérable, aux plans juridique, administratif et symbolique. La carte de séjour pluriannuelle est l’avancée emblématique de ce texte. Elle a été saluée unanimement par les personnes que j’ai eu l’occasion d’auditionner lors des travaux préparatoires, et ce « des deux côtés du guichet », c’est-à-dire tant par les associations de défense des droits des ressortissants étrangers que par les agents et les chefs des services des préfectures.

La carte pluriannuelle tranche en cela avec les textes et les postures adoptés lors de la législature précédente. Nous donnons aux étrangers qui ont vocation à rester sur notre territoire pour une durée plus ou moins longue une perspective, une capacité à se projeter au-delà de quelques mois. Nous leur offrons enfin les moyens de nos exigences en matière d’intégration. La carte pluriannuelle, c’est la clef que nous allons donner aux étrangers pour accéder à l’intégration.

D’autres mesures vont dans le sens d’un meilleur respect des droits fondamentaux des individus et des principes de la République. Il en va ainsi de la mise en place du contrat d’intégration républicaine, outil d’intégration personnalisé et plus efficace, du renforcement de l’exigence de maîtrise de la langue française, de l’amélioration de la situation des étudiants, de la garantie de l’accès aux soins des étrangers malades dans leur pays, de la possibilité pour les journalistes d’accéder aux centres de rétention.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, il s’agit d’un texte d’équilibre. Davantage de moyens seront consacrés à assurer l’intégration des étrangers qui ont vocation à vivre durant une période plus ou moins longue en France, mais aussi à assurer le respect de la décision par ceux qui se sont vu refuser ce droit. Ainsi de nouveaux outils sont attribués aux préfectures pour contrôler a posteriori le respect tout au long de la durée de validité du titre de séjour des conditions qui ont permis son attribution. Par ailleurs, les forces de l’ordre auront la possibilité d’escorter les assignés à résidence ou de les visiter à leur domicile avec l’autorisation du juge, afin de faire respecter les obligations de quitter le territoire français.

Ce projet de loi a suscité également un certain nombre de critiques et d’inquiétudes. Les dispositifs conjugués des articles 8 et 25, qui fixent les modalités de contrôle visant à s’assurer du maintien du droit au séjour, ont pu laisser craindre une attitude par principe soupçonneuse de la part des services du ministère de l’intérieur et un encadrement insuffisant de l’obligation de communication de documents imposé à divers organismes. Je crois que la nouvelle rédaction de ces deux articles adoptée par la commission répond à ces inquiétudes.

Par ailleurs, le projet de loi ouvre la possibilité de renouveler une carte de séjour pluriannuelle par une autre carte pluriannuelle. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, doit en effet le prévoir formellement. Ce faisant, le texte initial a fait craindre que le champ de la carte de résident ne soit de fait réduit. Telles n’étaient pas vos intentions, au contraire, et c’est avec l’assentiment du Gouvernement et sur proposition de Marie-Anne Chapdelaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen, que votre commission a prévu, par un article additionnel, la délivrance de plein droit de la carte de résident à l’expiration de la carte pluriannuelle pour les conjoints de Français et les parents d’enfants français. C’est un changement notable de logique pour ces étrangers à qui leurs attaches en France donnent vocation à vivre dans notre pays pour sans doute acquérir un jour la nationalité.

Le transfert de l’avis médical pour la carte de séjour d’« étranger malade » du médecin de l’Agence régionale de santé vers un collège de médecins de l’Office français de l’immigration et de l’intégration – OFII – a pu également susciter des interrogations. Certains de mes interlocuteurs concevaient difficilement que l’on confie le soin de rendre un tel avis à un organisme sous tutelle du ministère de l’intérieur. En insistant sur le fait que les médecins de l’OFII émettront leur avis dans le respect des directives du ministère de la santé, nos débats et vos propos en commission, monsieur le ministre, ont rassuré.

Deux autres mesures, vous l’avez rappelé, ont suscité des interrogations et font l’objet d’amendements. La première concerne l’encadrement de la rétention. Une grande partie des éloignements effectués dans les centres de rétention administrative est réalisée dans les cinq premiers jours sans que l’étranger ait pu voir les conditions de sa privation de liberté examinées par un juge. Avec certains de nos collègues, nous proposerons l’intervention automatique du juge des libertés après quarante-huit heures de rétention comme cela était le cas avant 2011.

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