Le groupe socialiste, républicain et citoyen est préoccupé par le sort d'Air France, qui doit faire face à un changement de modèle économique. Le secteur aérien est bousculé au point que des groupes aériens européens « historiques » seuls demeurent Air France–KLM, British Airways et la Lufthansa ; mais ils sont extrêmement fragiles et leurs résultats sont très faibles. Les bouleversements sont incessants. Le premier fut, « par le bas », l'arrivée massive de compagnies low cost, et certains aéroports de province qui ne tiennent plus que grâce à elles ont pour stratégie de se développer autour du low cost, avec des succès remarquables. On a noté un temps de retard dans l'adaptation des compagnies « historiques » : que Transavia ait 60 avions à disposition cet été est une bonne chose, mais cela reste peu au regard de l'immensité des flottes de ses concurrents. Le bousculement que connaît Air France tient aussi à une concurrence peut-être inéquitable mais surtout à des raisons géopolitiques : le centre du monde entre les pays émergents et l'Europe, c'est le Golfe, où des hubs et des compagnies intégrées se développent très rapidement. Le 14 juin dernier, quatre présidents de compagnies européennes, dont M. Alexandre de Juniac, ont fait part de leurs préoccupations à Bruxelles à ce sujet, mais la question est structurelle.
De tout cela, il découle que le pavillon français ne cesse de perdre des parts de marché dans un contexte pourtant prometteur puisque, les années 2009 et 2010 exceptées, le trafic aérien international s'est constamment développé dans des proportions supérieures à la croissance – et encore de 6,4 % en 2014 selon l'IATA.
Je rends hommage à l'esprit de responsabilité dont a fait preuve, dans un remarquable sursaut, le corps social de la compagnie en acceptant la suppression de 8 000 emplois. Mais, paradoxalement, vous avez des démêlés judiciaires avec les pilotes, dont le coût est supérieur et l'organisation du travail plus confortable que pour la moyenne des compagnies aériennes. Êtes-vous optimiste ? Pensez-vous que ce corps social essentiel à la compagnie, élément clef de votre dispositif, est prêt à bouger ? Votre taux de marge est extrêmement faible ; il n'est pas de redressement du groupe possible sans que les pilotes y participent.
Vous faites des efforts méritoires pour les longs courriers, mais j'espère que la stratégie actuelle n'est que temporaire car elle n'est pas sans rappeler celle de la Ligne Maginot. Inviter l'Union européenne à décider d'un moratoire sur l'attribution de nouveaux droits de trafic aux compagnies aériennes des pays du Golfe quand tous les pays européens qui nous entourent développent ces droits ne soulage pas Air France mais prive nos plateformes aéroportuaires de province de droits de trafic qu'ils demandent. Pourquoi ne pas plutôt envisager des formes de coopération avec ces compagnies, dans des conditions de concurrence équitable ?
Ayant été très disert, je m'en tiens là. (Sourires)