Intervention de Frédéric Gagey

Réunion du 15 juillet 2015 à 10h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Frédéric Gagey, président-directeur général d'Air France :

Les remarques faites sur la qualité de l'accueil dans les aéroports s'adressent plus sûrement à M. Augustin de Romanet, président d'ADP, notamment chargé des points de contacts à l'aéroport d'Orly pour les avions régionaux. Je sais qu'il y a là une déficience importante ; nous travaillons à y remédier avec les équipes d'ADP. Nous souhaitons vivement que les choses s'améliorent, comme elles se sont améliorées à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, désigné par SkyTrax, organisme indépendant de classification des entités du transport aérien, comme l'aéroport ayant le plus amélioré la qualité de son service en 2014. Cela prouve que les équipes de M. de Romanet font tout ce qu'elles peuvent pour améliorer la qualité de service et l'accueil des passagers. Je sais que le ministre des affaires étrangères est très attentif à la question des langues dans lesquelles les indications sont faites et d'une manière générale, à l'accueil des passagers, notamment les touristes, pour lesquels l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle est le premier contact avec la France.

Nous assurons la maintenance de l'avion utilisé par Safran pour tester le green taxiing après que des moteurs électriques ont été installés sur les deux trains d'atterrissage principaux. Nous souhaitons que cette solution ne soit pas proposée qu'en première monte, mais aussi pour les appareils existants. Nous serons de fervents supporters du développement de ce système, qui permet de réduire la consommation de kérosène, s'il est techniquement et économiquement viable.

Sur les trajets vers la Guyane et l'Outre-mer en général, la concurrence est très forte. Je suis allé fêter à La Réunion le 70e anniversaire de l'ouverture de la ligne Air France entre Paris et Saint-Denis ; sur cette ligne, quatre compagnies sont en compétition ; pour un marché d'un million de passagers, c'est beaucoup. Comment le prix d'un billet pourrait-il ne pas être plus élevé en haute saison qu'en basse saison ? Le système d'optimisation des recettes exige, pour lisser la demande, une alternance de périodes creuses et de périodes de pointe. Incitant les voyageurs à décaler leur départ aux jours où les prix sont moins élevés, ce dispositif est conçu pour nous permettre de faire décoller des avions pleins tous les jours. Qui serait assez fou pour construire une industrie dans laquelle les avions ne seraient remplis que vingt jours par an ? Mais, globalement, selon plusieurs études réalisées par des organismes de contrôle et la Direction générale de l'aviation civile, sur les lignes vers les Antilles, la Guyane et La Réunion, la concurrence a permis une politique de prix raisonnable, au sens où le prix au siège kilomètre est de beaucoup inférieur à celui qu'il est sur une grande partie du réseau d'Air France.

Le dialogue avec les pilotes a été très difficile au printemps. J'ai proposé, le 8 avril, au président du SNPL un protocole de sortie du plan Transform 2015. Les choses ont pris du temps et, mardi dernier encore, j'ai été en réunion toute la nuit avec les équipes de ce syndicat. Il m'a été dit officieusement que le conseil du SNPL a décidé jeudi dernier d'accepter les propositions de la compagnie visant au maintien de personnel navigant sur les bases de province. Depuis le début j'ai dit que j'y étais favorable, si cela était possible. Les bases de province facilitent la vie des intéressés, permettent de resserrer les liens entre les équipes au sol et les équipes navigantes, ce qui est bon pour la cohésion de l'entreprise, et permettent aussi de renforcer le lien avec les clients habituels, qui ont affaire à des équipes qu'ils connaissent. On m'a rapporté que le conseil du SNPL a mandaté son bureau pour signer la proposition que nous avons faite. Il aura fallu du temps pour parvenir à un accord qui est bon pour la compagnie et pour la cohésion de l'entreprise ; j'aurais été déçu que le SNPL ne le signe pas.

Dans le même esprit, j'ai à nouveau proposé au SNPL, lors de la séance de négociation de la semaine dernière, le protocole préparé au mois d'avril. Selon la presse, le conseil du SNPL s'est également prononcé en faveur de la signature de ce texte. Cela signifierait l'épilogue des mesures du plan Transform 2015 concernant les pilotes. Dès lors, nous pourrions attaquer dans le calme, la sérénité et le dialogue social, les négociations sur le plan Perform 2020 qui vise à réduire significativement les écarts de coût unitaire persistant entre nous et nos principaux concurrents pour certaines fonctions – des cas existent pour le personnel au sol, le personnel navigant commercial et les pilotes –, nous permettant ainsi de retrouver des marges de manoeuvre.

Devrons-nous fermer des lignes ? Que faire d'autre si les écarts de coûts avec nos concurrents se pérennisent ? S'il apparaît, à l'automne, que nos coûts ne seront jamais sinon comparables au moins suffisamment proches pour nous permettre d'être compétitifs, nous devrons, pour atteindre l'objectif de 80 % de lignes long-courrier rentables, restreindre notre réseau long-courrier. Ce n'est évidemment pas ce que veut la direction de l'entreprise ; nous souhaitons maintenir notre réseau long-courrier, voire le développer, mais si les écarts de coûts nous l'interdisent, nous tirerons les conclusions du choix collectif d'Air France et il faudra en venir à cela ; mais je ne peux imaginer que ce soit le choix des salariés.

Les salariés d'Air France ont accès à certains billets à des tarifs avantageux qui font l'objet de vérifications régulières de l'URSSAF. J'ai récemment annoncé que leur prix augmenterait. Cette décision difficile, que je pense comprise, prendra effet le 1er septembre.

J'ai lu comme vous un article très critique sur notre programme de fidélisation Flying Blue, qui est pourtant plutôt bien noté en termes de coût-avantages. Il est possible qu'il soit trop complexe ; nous travaillons à le rendre plus aisément intelligible. L'intégration de Flying Blue, conformément à la réorganisation annoncée il y a dix jours, à la nouvelle direction générale Marketing, digital et communication du groupe, mettra un terme à une indépendance peut-être excessive.

J'en viens à notre position au sujet des compagnies aériennes des pays du Golfe. Nous sommes évidemment favorables à la concurrence et c'est heureux, car dans le secteur aérien, elle est absolue : toutes les offres existantes, dans leurs moindres détails, sont accessibles en ligne. Je ne connais pas d'autre secteur où la transparence de l'offre soit telle. Nous sommes donc dans un secteur ultra-compétitif ; le législateur l'a voulu ainsi, et il n'existe pas de système de réservation privatif. Aussi, de grâce, que l'on ne parle pas de protectionnisme dans le transport aérien : nous en sommes très loin ! Il reste que les compagnies des pays du Golfe demandent un accès illimité au marché européen alors qu'elles-mêmes disposent d'un marché local relativement réduit et alors que nous nous sommes imposé des règles entièrement différentes de celles qui s'imposent à ces compagnies dans leur pays respectif.

Je vous donnerai quelques exemples de cette disparité : les services de manutention au sol dans les aéroports – ground handling – des pays du Golfe sont des monopoles nationaux ; ces pays n'ont pas plus de réglementation relative à la protection de l'environnement que de législation interdisant les aides d'État ; leur droit du travail n'a rien à voir avec le nôtre ; on n'y trouve pas d'Autorité similaire à la direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Et pour ce qui est de la détention du capital, le fait qu'un même acteur puisse posséder l'aéroport, la navigation aérienne et la compagnie aérienne est proscrit en Europe, mais aucunement dans les pays du Golfe.

En bref, nous ne sommes pas contre le principe de la concurrence, à laquelle nous nous adaptons tous les jours, mais nous considérons qu'ouvrir totalement notre secteur à des compétiteurs, si les règles qui leur sont imposées ne sont pas les mêmes que celles qui valent pour nous, pose problème. La cohérence impose que les obligations soient identiques pour tous : ce n'est pas le cas aujourd'hui pour celles du Golfe.

Est-ce que le gel de l'octroi de droits de trafic aux compagnies du Golfe depuis les aéroports régionaux freine l'expansion du tourisme en France ? Soyons raisonnables : où que l'on habite dans le monde, on peut, par le hub Roissy-Charles de Gaulle, rejoindre rapidement n'importe quelle ville de province – et pas uniquement avec des vols Air France. L'idée que l'ardeur d'un touriste étranger à visiter notre pays serait freinée parce que la desserte de la province n'est pas correctement assurée est évidemment fausse. L'ouverture d'une liaison directe entre Nice et une destination du Golfe ne ferait nullement progresser le tourisme niçois ; cela aurait pour seul effet que les passagers voulant rejoindre Nice depuis Singapour changeraient d'avion à Dubaï ou à Abu Dhabi au milieu de la nuit au lieu de le faire, plus confortablement, à Roissy-Charles de Gaulle au petit matin.

J'entends dire aussi qu'en refusant d'octroyer des droits de trafic à ces compagnies depuis des aéroports régionaux, on freine le développement de ces plateformes. Mais le marché est ce qu'il est ! Si un Lyonnais décide d'aller à l'étranger, il passera par Paris ou par le Golfe ; en quoi cela modifiera-t-il le nombre total de passagers au départ de Lyon ? Si des Lyonnais décident de voyager, c'est en raison de la situation économique locale ou de leurs souhaits touristiques, mais ce n'est pas parce qu'on leur offre un nouveau vol long-courrier que leur nombre augmentera. L'idée que l'absence d'Open Sky entre la France et les pays du Golfe gêne le développement du tourisme ou celui du transport aérien au départ de la France me paraît être une idée fausse.

En revanche, il est clair qu'en développant très fortement les vols entre Manchester et le Golfe, ces compagnies ont pour stratégie affirmée de capter des passagers pour les faire changer d'avion dans les hubs du Golfe plutôt qu'à Paris. Aussi, en persistant à ne pas aligner les règles pour toutes les compagnies, on affaiblit ADP, et par là Air France : une fois affaibli le hub de Roissy-Charles de Gaulle organisé par ADP, nous verrons progressivement disparaître les possibilités de liaisons aériennes entre la France et certaines parties du monde. Je le répète, nous sommes favorables à une libre compétition quand les règles seront les mêmes pour tous. Nous appuyons donc les initiatives franco-allemandes à Bruxelles visant à rouvrir et à maintenir un dialogue entre la Commission européenne et les compagnies des pays du Golfe à ce sujet.

Air France s'est engagée à réduire ses émissions de CO2 et de NOx de 20 % d'ici 2020. L'industrie aéronautique a déjà réalisé d'immenses progrès par rapport au passé ; il en est résulté la baisse de 40 % des émissions. Deux moyens jouent : les progrès techniques dans la conception des moteurs et des coques, avec 15 % d'émissions en moins à chaque nouvelle génération d'aéronef ; de nouveaux modes de fabrication du carburant. Le projet le plus prometteur consiste à faire entrer dans la composition du kérosène JET-A1 du carburant issu soit de résidus de l'activité humaine, soit d'algues. Avec les algues, c'est un projet à 5 ou 10 ans. Pour témoigner de notre engagement, nous expérimentons sur certains vols de la ligne Paris-Toulouse un carburant contenant 10 % de distillat de résidus de canne à sucre – il n'y a donc pas de conflit avec la production alimentaire. Pour l'instant, le prix de revient de cette fabrication artisanale est encore largement supérieur à celui du kérosène classique.

Nous avons participé, avec ADP et les représentants des syndicats, au groupe de travail sur la compétitivité du transport aérien français présidé par M. Bruno Le Roux et nous soutenons l'ensemble de ses conclusions. Le rapport souligne l'existence de distorsions fiscales et l'ampleur des coûts imposés à l'industrie du transport aérien, Air France notamment. Plus nombreuses seront appliquées les mesures qui ont été recommandées, mieux le transport aérien s'en trouvera. Cela ne nous exonère en rien des progrès que nous devons réaliser en interne, mais si, de surcroît, les conclusions du rapport Le Roux étaient mises en oeuvre, ce serait pour nous une très bonne chose.

Il est vrai que certains surcoûts pèsent sur notre industrie ; c'est le cas des redevances aéroportuaires. Nous avons fait savoir notre position sur les propositions d'ADP et nous attendons l'arbitrage gouvernemental. Nous soutenons les propositions de la commission consultative aéroportuaire, qui synthétise justement les enjeux et qui suggère une solution équilibrée, à mi-chemin des propositions d'ADP et des contre-propositions qu'Air France et ses partenaires de la Fédération nationale de l'aviation marchande ont faites au Gouvernement.

Monsieur Yannick Favennec, je suis assez surpris parce que je vous ai entendu dire sur la fluctuation, en quelques instants, des prix proposés pour un même vol sur notre site. C'est une pratique que nous récusons ; je ferai vérifier ce point.

Bien sûr, monsieur Gilles Savary, la flotte de Transavia n'a pas encore la taille de celles d'EasyJet ou de Ryanair. Si le développement de Transavia se poursuit, ce ne sera pas à partir de Paris ou d'Amsterdam mais au départ d'autres villes. Je l'ai indiqué, une première étape consistera pour Transavia France à se développer au départ des villes de province. Transavia représente aujourd'hui 10 % de l'activité de l'aéroport de Nantes, et Air France 30 %. Cette année et l'an prochain, la priorité reste Orly, mais nous devons examiner les moyens de développer Transavia au départ des aéroports de province et, un jour, au départ de villes européennes, sans quoi nous n'atteindrons pas une taille importante. Nous reviendrons sur le sujet avec les syndicats de pilotes par le dialogue social.

La grève de septembre 2014 n'a pas servi la cohésion entre Air France et KLM. Alexandre de Juniac et moi le regrettons, et nous comprenons que quelque émotion se soit exprimée dans la presse néerlandaise. Mais j'appelle l'attention sur le fait qu'Air France et KLM ne forment pas une alliance qui pourrait être rompue sur un coup de tête. Les deux compagnies ont fusionné au sein d'un groupe qui détient Air France à 100 % et KLM à 98 % ; les forces de vente cargo et les forces de vente en matière de maintenance ont été fusionnées, et les ventes mondiales unifiées. Autant dire qu'il ne s'agit pas d'une coopération par intermittence, quand on en a envie : la question de « l'avenir de l'alliance » entre les deux compagnies ne se pose pas, puisqu'elles font partie d'un groupe intégré.

Quant aux avantages d'Air France, voici ce qu'ils sont : Air France-KLM est le cinquième groupe mondial de transport aérien par la taille ; Air France a un chiffre d'affaires de 16 milliards d'euros ; son hub est situé dans un pays qui est la première destination touristique mondiale ; la compagnie dispose d'un aéroport qui a des capacités d'expansion ; elle a un savoir-faire en matière de produits ; ses parts de marché sur les radiales Orly-province sont de l'ordre de 77 %, et de l'ordre de 60 % sur les transversales ; la compagnie a des dizaines de milliers de salariés – pilotes, personnels navigant commerciaux, force de vente – qui croient en leur travail et qui le font bien, en accueillant les passagers et en les transportant en sécurité pour leur faire découvrir le monde ou les aider à développer leurs entreprises. Air France est la première compagnie aérienne française, et elle entend le rester en poursuivant son redressement avec détermination et constance.

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