Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 21 juillet 2015 à 15h00
Droit des étrangers — Article 8

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

Je voudrais profiter des interventions de MM. Coronado, Robiliard et Chassaigne pour clarifier la pensée du Gouvernement et indiquer les raisons des dispositions prévues par les articles 8 et 25.

D’abord, on ne peut pas séparer le contenu de ces articles de ce que nous proposons en matière de titre pluriannuel de séjour. La création d’un titre pluriannuel de séjour constitue un progrès considérable par rapport à l’état antérieur du droit. Désormais, dès lors qu’ils compteront un an de séjour en France, les étrangers qui ont le droit au séjour en France pourront bénéficier d’un titre pluriannuel de deux ou quatre ans, qui leur permettra, pendant la période restant à courir avant de pouvoir obtenir la carte de résident, de ne pas avoir à accomplir de multiples formalités en préfecture. Ce titre pluriannuel de séjour sera l’instrument d’un meilleur accueil de tous ceux qui relèvent du séjour en France, ainsi que d’un meilleur fonctionnement de l’administration ; il est aussi la manifestation de la volonté du Gouvernement d’instaurer un autre climat entre l’administration et l’étranger. Voilà pour l’esprit de la mesure phare du texte.

Cela étant, la confiance n’exclut pas le contrôle – et cela se vérifie pour tous les citoyens français, dans de multiples domaines. Ainsi, monsieur Chassaigne, je n’ai jamais entendu un membre de votre groupe considérer que le fait de procéder à des contrôles fiscaux signifierait qu’il y aurait suspicion généralisée de fraude fiscale. Par conséquent, le fait de prévoir les conditions d’un contrôle proportionné quand nous prenons des dispositions visant à instaurer les conditions de la confiance est aussi de nature à créer les conditions d’un équilibre. À partir du moment où ceux qui venaient en préfecture plusieurs fois par an n’auront plus à le faire, il paraît tout à fait normal que l’administration puisse, à un moment ou à un autre, demander à ceux qui bénéficient de cette mesure d’assurer l’administration que la fraude n’est pas à l’origine de leur séjour en France.

La France mène d’ailleurs une action très forte en matière de lutte contre la fraude documentaire, qui est un facteur important de l’immigration irrégulière, et j’en profite pour dire à l’opposition que la disposition prévue par l’article 8 est bien la démonstration que lorsque le Gouvernement prend une mesure visant à simplifier et à améliorer l’accueil en France de ceux qui ont vocation à l’être, il est également capable de créer des conditions de contrôle qui témoignent de sa volonté de ne pas céder à une espèce d’angélisme qui le conduirait à ne pas vérifier que les règles de droit sont bien appliquées. Et je précise qu’en préconisant une telle mesure, je ne nourris aucune suspicion envers ceux qui bénéficient du séjour en France ; j’estime simplement que lorsque des droits sont reconnus, il est normal que l’administration instaure des dispositifs de contrôle – c’est le cas pour tous les Français, dans de multiples domaines de leur vie.

J’en profite pour indiquer que le dispositif de communication aux préfets d’un certain nombre d’informations détenues par les administrations ne répond pas davantage à de la suspicion ou à une volonté de contrôle généralisé et intrusif. Il ne me paraît pas choquant que l’on vérifie que les enfants d’un étranger ayant droit au séjour en France sont bien scolarisés, vu que nous sommes dans un pays où l’école est obligatoire et que l’accès à l’éducation est une des conditions de l’épanouissement desdits enfants, et que nous faisons de même pour tous les enfants de la République qui ont la nationalité française. Je ne comprends pas ce raisonnement, sinon qu’il s’agit d’une espèce de réflexe qui revient toujours lorsque nous débattons de ces sujets ; c’est pourquoi j’insiste sur la nécessité, à l’occasion de l’examen de ce texte, de dépasser réflexes et postures pour engager une réflexion pleine de maturité.

Je ne doute pas une minute de la sincérité des députés Chassaigne et Robiliard, et c’est pourquoi j’ai pris le temps de répondre à leurs interrogations, mais, je le répète, il n’y a dans cette affaire aucune suspicion. Il s’agit simplement de mettre en place des dispositifs qui s’appliquent déjà à de multiples ressortissants de notre pays auxquels des droits ont été reconnus, et je pense que nous devons l’assumer, car cela me semble plutôt bon pour la République : c’est une forme de respect du droit et des étrangers qui bénéficient d’un droit au séjour en France.

Avis très défavorable sur les amendements, donc.

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