Ou bien qu'elle était flambant neuve et vous reprochent de l'avoir détériorée. En tant que maire, j'ai été l'objet de multiples procès de cette sorte. Cela ne m'a pas empêché de faire enlever près de 12 000 VHU : malheureusement – je n'y suis pour rien, croyez-moi –, ils ont pris feu à l'endroit où ils étaient stockés et nous avons vendu les carcasses aplaties à l'Inde !
À l'abandon sur voirie s'ajoutent les problèmes liés aux assurances pour les véhicules accidentés. Dans certaines régions, comme la Martinique ou la Guadeloupe, les compagnies jouent le jeu : 90 % des voitures accidentées déclarées économiquement non récupérables par les assureurs sont transférées aux centres de traitement de VHU. En Guyane, en revanche, on dirait qu'il n'y a pas d'accidents : en fait, les centres ne reçoivent quasiment aucun véhicule par le canal des assurances et le secteur informel prospère. Nous proposons toute une série de mesures pour renforcer la réglementation, notamment pour obliger les compagnies d'assurances à diriger les véhicules accidentés vers les centres agréés.
En outre, il importe d'accroître les prérogatives des municipalités afin de réduire le délai des procédures qui peuvent aujourd'hui durer entre trois et six mois : il faut constater la présence du véhicule, identifier le propriétaire, prendre contact avec lui, cela prend du temps. Toutes les communes ne sont pas comme la ville de Saint-Denis, très performante en ce domaine : en quarante-huit heures, m'a indiqué le maire, les véhicules sont enlevés.
J'en viens aux propositions que nous avons formulées : vingt-six au total, ordonnées autour de trois axes principaux.
Premier axe : faire progresser le nombre de véhicules hors d'usage traités par les centres agréés, enjeu tout à la fois sanitaire, environnemental et économique. Si nous ne confortons pas les centres agréés, notamment en les sécurisant, les centres informels vont prospérer en leur faisant une concurrence illégale.
Proposition n° 1 : réorganiser la gouvernance de la politique de prise en charge et de traitement des VHU.
Proposition n° 2 : permettre une meilleure estimation du nombre de VHU en tenant compte des exportations. Les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) affirment ne pas avoir de moyens pour mener à bien cette action. Il faut donc les renforcer et mettre tout en oeuvre pour disposer d'une évaluation annuelle du nombre de véhicules.
Proposition n° 3 : poursuivre les campagnes de communication. Dans la loi de transition énergétique, j'ai déposé un amendement visant à instaurer la pénalité la plus forte possible pour réprimer le stockage de VHU sur les parcelles privées. Cela suppose, bien évidemment, un effort d'information en direction des populations, effort déjà bien entamé : saluons ici le remarquable travail effectué par certains maires, notamment à Cayenne et à Kourou. Toutefois, pour que les maires continuent dans cette voie, il faut les aider par des financements spécifiques, sinon on verra augmenter les dépôts illégaux de VHU.
Proposition n° 4 : sensibiliser les propriétaires de VHU potentiels en leur adressant une information personnalisée à partir du système d'immatriculation des véhicules (SIV).
Proposition n° 5 : rendre plus facile le traitement d'un véhicule en l'absence de carte grise. On sait que l'une des techniques qui permet d'alimenter le secteur informel est de faire disparaître ce document. Par ailleurs, lorsqu'un véhicule est déclaré économiquement non viable, la carte grise devient la propriété de l'assurance et comme il y a un délai avant qu'il puisse être revendu, il se retrouve pendant un certain temps sans propriétaire identifié.
Proposition n° 6 : instaurer une éco-contribution dans le cadre de la filière de responsabilité élargie du producteur (REP).
Et si cette solution ne peut être retenue, notre proposition n° 7 vise à mettre en place une alternative à travers un système de consigne pour les VHU et les batteries. Autrement dit, il s'agirait d'ajouter au prix d'achat une somme au titre de la consigne, qui pourrait être récupérée lors de la remise au centre agréé du véhicule en fin de vie. Ce dispositif a très bien fonctionné pour les bouteilles, pourquoi pas pour les VHU ?
Proposition n° 8 : verser une prime pour tout VHU déposé dans un centre agréé afin de résorber le stock de VHU. Les nouveaux véhicules pourraient bénéficier du système de la consigne tandis que ceux du stock existant seraient l'objet de cet autre mécanisme d'incitation. Nous estimons que les collectivités locales et l'État ont tout intérêt à consacrer des fonds à l'élimination des stocks au sol.
Proposition n° 9 : effectuer dans chaque DROM un inventaire des VHU en les localisant dans une base de données géographiques. Cela nécessiterait notamment d'utiliser des moyens modernes comme les drones, car certains sont déposés sur des terrains forestiers.
Proposition n° 10 : encourager la création de fourrières pour y transférer les véhicules stationnant trop longtemps sur la voie publique en prenant soin d'établir un maillage plus resserré composé de fourrières de petites tailles. Précisons que tous ces équipements structurants relèveraient d'appels à projets, État ou région.
Proposition n° 11 : mettre en oeuvre pour les véhicules déposés sur des terrains privés les possibilités introduites dans le projet de loi relatif à la transition énergétique que j'évoquais à l'instant.
Le deuxième axe de nos propositions consiste à optimiser la valorisation des pièces de réutilisation pour développer l'économie circulaire dans les DOM.
Proposition n° 12 : rediriger les véhicules déclarés irréparables et détenus par les assureurs vers les centres VHU agréés. J'ai déjà cité le cas de la Guyane où les centres agréés, qui ne traitent que 1 000 VHU sur les 15 000 à 20 000 stockés dans la nature, ne reçoivent pratiquement aucun véhicule en provenance des assurances. Pour mettre fin à ce phénomène, il faut faire obligation aux assureurs d'orienter les VHU vers les centres agréés. Cela suppose bien sûr de tarir la source à laquelle s'alimente l'économie informelle, avec les conséquences que cela peut avoir en termes d'emploi, mais il me semble possible de transformer certaines casses en centres agréés, à l'instar de la casse du Lamentin en Martinique.
Proposition n° 13 : faciliter la fermeture des casses illégales en se concentrant sur les plus dommageables pour l'environnement.
Proposition n° 14 : faciliter l'utilisation d'installations mobiles de dépollution et de compactage de VHU, comme cela s'est fait en Guyane entre Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni.
Proposition n° 15 : créer un label « garage propre » ou « garage pour l'environnement », au-delà même des centres agréés proprement dits.
Proposition n° 16 : développer l'entretien et la réparation des véhicules avec des pièces de réutilisation certifiées. Aujourd'hui, les compagnies d'assurances ne peuvent déclarer un véhicule économiquement réutilisable que si un devis est établi. Or ce devis porte le plus souvent sur des pièces neuves. Il s'agirait d'intégrer les pièces récupérées par les centres agréés dans les devis de réparation afin de développer les filières en pleine émergence. Lors de notre visite à La Réunion, nous avons pu constater que les centres agréés commençaient d'alimenter des transferts de pièces vers Madagascar et l'Île Maurice, comme, dans l'hexagone, des centres agréés exportent vers l'Afrique.
Proposition n° 17 : créer des filières VHU pour les autres véhicules que les automobiles, tels les engins agricoles ou industriels ou encore les véhicules de transport.
Le troisième axe de nos propositions vise à recycler les VHU en adoptant un principe de proximité. Il faut éviter la réexportation systématique vers l'Europe des matériaux issus du traitement des VHU : cela n'a pas de sens !
Proposition n° 18 : intégrer les coûts de transport et les aides à l'investissement dans l'analyse économique de la rentabilité des investissements. L'Europe et la France accepteront-elles de financer le transport inter-DROM ? Accepteront-elles de financer le transport entre la Martinique et Sainte-Lucie, entre La Réunion et l'Afrique du Sud ?
Proposition n° 19 : encourager le recyclage local en lançant des appels à projets reposant sur des procédés innovants.
Proposition n° 20 : aider les transports locaux au même titre que les transports vers l'hexagone.
Proposition n° 21 : obliger les importateurs d'équipements à adhérer aux associations locales en cas d'absence de collecte et de traitement de leur part. Cet encouragement à développer les structurations locales pour répondre aux besoins des territoires vient renforcer l'égalité réelle.
Proposition n° 22 : prévoir l'intervention des éco-organismes nationaux pour les pneus.
Proposition n° 23 : développer une coopération régionale avec les pays voisins, aspect que nous avons déjà évoqué.
Proposition n° 24 : favoriser la sortie du statut de déchet, question très technique et complexe. S'il était possible de ne pas appliquer à certains matériaux le statut de déchet, qui relève de la réglementation européenne, cela permettrait une valorisation sous forme énergétique.
Proposition n° 25 : laisser la possibilité de traiter en dehors de l'Union européenne les déchets non dangereux issus des VHU.
Enfin, proposition n° 26, nous préconisons d'habiliter les collectivités d'outre-mer régies par l'article 73 de la Constitution à fixer en matière de déchets les règles appropriées à la situation singulière de leur territoire, qu'elles relèvent du domaine de la loi ou du règlement. Cela permettrait, au-delà des textes européens renvoyant à la convention de Bâle, dont on ne peut s'affranchir, de s'adapter aux réalités locales pour tout ce qui relève de l'économie circulaire et de la valorisation des déchets. La Martinique a ainsi déjà obtenu trois habilitations qui lui donnent la possibilité de fixer des règles spécifiques dans le domaine des transports, de l'énergie et de la formation professionnelle. A La Réunion, par la volonté de la population, que je respecte, l'habilitation ne s'applique pas.
Voici, monsieur le président, mes chers collègues, les grandes lignes du pré-rapport que je m'apprête à remettre à Mme la ministre de l'écologie.