Lors de son audition ici le 3 février dernier, le chef d'état-major des armées a indiqué qu'il y avait 321 réservistes engagés dans l'opération Sentinelle et estimé que le dispositif des réserves n'était pas assez réactif et qu'il fallait améliorer l'arsenal juridique. L'expression de réservistes « honteux » ou « clandestins » laisse entendre en effet une part obscure. Quant à la sanctuarisation du budget des réserves, j'espère qu'elle ne se fera pas au niveau actuel, car un montant de 71 millions d'euros par an paraît très bas par rapport à ce qui serait nécessaire.
Commissaire-colonel Geoffroy, ne serait-il pas bon que les commissaires fassent par armée des rapports d'audit sur les conditions de l'employabilité opérationnelle des réservistes, l'attractivité, la rémunération nécessaire ou la territorialisation, quitte à élaborer ensuite un tronc commun de propositions pour l'ensemble des réservistes opérationnels ?
Commissaire-colonel André Geoffroy. La notion de réserviste « clandestin » signifie seulement que l'intéressé ne fait pas savoir à son entreprise qu'il est réserviste et ne lui demande donc pas des congés spéciaux à cet effet, préférant utiliser son temps de loisir.
Quant aux audits réalisés par le commissariat, ils ne portent pas sur l'organisation ou le management de la réserve ou du commandement, mais plutôt sur la gestion ou le respect des droits.
Chaque armée a en effet par nature ses spécificités, ce qui suppose un personnel spécialisé. Reste que les armées s'emploient à réfléchir à une nouvelle stratégie et une nouvelle organisation : un gros travail est en cours à l'état-major des armées comme dans chaque armée sur la politique d'emploi, le recrutement ou la formation notamment.
S'agissant de l'opération Sentinelle, il n'est pas facile de mobiliser dans les 48 heures des réservistes travaillant dans une entreprise et on a privilégié des réservistes déjà un peu spécialisés, au détriment parfois des jeunes, dont on a besoin pour ce type de missions.
Lieutenant-colonel Gérald Orlik. Concernant Sentinelle, notre hiérarchie militaire a rappelé à plusieurs reprises le principe : à engagement identique, préparation identique. Cela est d'autant plus vrai pour remplir des missions en armes au sein de la population. Or le premier obstacle pour nous est le temps nécessaire à la préparation et à la formation des réservistes. Pour quelqu'un qui effectuera la première mission de type Vigipirate ou Sentinelle, au-delà de la FMIR – qui réglementairement est de 13 jours, mais à laquelle tout le monde consacre 16 jours –, il faut ajouter 39 jours de préparation pour l'acquisition des savoir-faire, mais aussi des savoir-être, qui sont essentiels (cette durée inclut l'exécution de la mission). Et quand les intéressés ont déjà réalisé une mission de ce type, la préparation l'année d'après sera de l'ordre de 20 à 25 jours. Avec un budget qui est en moyenne de 22 jours par militaire du rang, il faut donc, pour assurer ces préparations, soit que certains travaillent beaucoup moins de jours, soit employer moins de monde, soit étaler la charge sur plusieurs cycles.
Par ailleurs, si on attend trop de temps entre la préparation et l'exécution de la mission, on risque une déperdition nécessitant de nouveaux efforts de formation pour actualiser les connaissances.
L'aspect budgétaire est donc un facteur de fidélisation : expliquer à des jeunes qu'on les prépare cette année mais qu'on ne les emploiera que l'année suivante faute de crédits nuit en effet à celle-ci, comme à l'employabilité. D'où peut-être les réflexions sur le niveau trop faible de réservistes engagés dans le cadre de l'opération Sentinelle.
Enfin, je précise qu'existe, au sein de l'armée de terre, le dispositif d'alerte réserves (DAR), lequel a été mis à contribution pour cette opération. Or il semble qu'il ait enregistré un taux de réponse assez bon et des réservistes ont pu être engagés dans des laps de temps inférieurs au délai minimum d'un mois prévu par la loi.