Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 15 juillet 2015 à 18h00
Commission des affaires sociales

Laurence Rossignol, secrétaire d'état chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie :

Deux rapports parlementaires – l'un du Sénat, l'autre de l'Assemblée nationale – ont signalé la complexité du double régime d'autorisation et d'agrément, et conclu qu'il était urgent de le réformer.

On peut déplorer que, en 2005, le législateur n'ait pas exclu du champ d'application de la « loi Borloo », relative au développement des services à la personne, les services qui s'adressent aux plus vulnérables, lesquelles relevaient déjà de procédures identifiées. Aujourd'hui, la dualité des régimes nous crée des difficultés vis-à-vis de l'Europe, puisqu'une action concernant des distorsions de concurrence a été engagée. Il y a maintenant un existant, les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) agréés.

Cependant, la dualité de régime n'explique pas toutes les difficultés du secteur. Le taux de couverture et d'offre varie à l'intérieur d'un même département : l'offre de services agréés peut être très fournie dans des territoires urbains, et inexistante dans des territoires ruraux plus isolés et moins faciles d'accès – c'est l'autorisation donnée par le département qui, dans la convention passée au moment de la discussion avec le service, est la garantie de la couverture et de l'accès aux services d'aide à domicile.

Le Sénat a eu l'audace de proposer un amendement qui avait le mérite d'apporter une solution, mais qui, de mon point de vue, était un peu radical. La version adoptée en séance nous engageait en outre dans un système d'expérimentations et de délais. Quitte à légiférer sur un sujet aussi compliqué, autant aller jusqu'au bout et ne pas se lancer dans des expérimentations.

Après avoir étudié la question avec les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée et ceux des deux rapports parlementaires sur l'aide à domicile, après avoir identifié les moins mauvaises solutions, nous avons voulu mettre fin à cette dualité de régimes qui, dans certains cas, peut avoir conduit certains services agréés à considérer qu'ils étaient mal aimés par le département dans lequel ils exerçaient. Un autre critère m'a paru important : le département doit avoir la capacité de construire et de maîtriser l'offre sur son territoire, non pas pour trier les intervenants selon leur nature – privé à but lucratif ou non lucratif –, mais pour assurer la couverture de son territoire. Il faut donc donner des moyens aux départements et, en même temps, veiller à ce que l'évolution de la réglementation sur les services à domicile n'accroisse pas leurs charges.

Maîtriser l'offre, la diversité de l'offre et les dépenses, tels sont les trois critères que nous avons retenus pour élaborer la proposition que j'ai évoquée la semaine dernière. Je vous propose un régime unique d'autorisation pour les services d'aide et d'accompagnement à domicile intervenant en mode prestataire auprès des personnes prises en charge par l'aide sociale à l'enfance, des personnes âgées et des personnes handicapées. Notre réflexion concerne l'ensemble des services aux personnes que l'on peut considérer comme vulnérables.

Le régime unique permet une égalité d'accès aux différents types de services. Grâce à l'absence d'obligation de tarification, les départements ont la maîtrise des dépenses. Une voie d'autorisation avec liberté tarifaire resterait donc ouverte. L'agrément des structures qui ont déjà des salariés vaudrait automatiquement autorisation dans le nouveau régime : elles pourraient ensuite conclure un CPOM avec le département, et l'on pourrait, pendant sept ans, continuer à créer des structures sans exiger du département qu'il lance un appel à projets. Après quoi il sera temps de faire le point sur l'offre et la demande et de se demander si le département a su couvrir de manière égalitaire l'ensemble des personnes âgées du territoire.

Cette réforme s'inscrit dans le cadre réglementaire du code de l'action sociale et des familles. Il impulse une structuration territoriale de l'offre et sécurise les structures et l'emploi existant, puisqu'elles bénéficieront d'une autorisation de quinze ans à compter de leur date d'agrément. Elles peuvent conserver leur liberté tarifaire ou conclure un CPOM afin de basculer en tarification si elles le souhaitent. Le basculement de leur activité limité à la moyenne du nombre d'heures effectuées pendant les trois années précédentes ne concernera que les heures APA – allocation personnalisée d'autonomie – et PCH – prestation de compensation du handicap – et le service pourra sortir de ce plafonnement en sollicitant un CPOM. Il n'y a pas d'obligation de tarification et de CPOM. Il y a donc une vigilance particulière sur la charge des départements.

La bascule des structures agréées dans l'autorisation sera automatique et il n'y aura pas d'instruction à prévoir de la part du département. Je sais que les départements sont attentifs à l'épanouissement du marché, mais aussi à ce que leur charge de travail ne soit pas trop considérablement et trop rapidement augmentée.

Pour les nouvelles demandes d'autorisation, le département donnait d'ores et déjà un avis sur les demandes d'agrément. Le dossier sera concrètement très proche de celui demandé pour obtenir une autorisation.

Le mode mandataire et la garde d'enfants de moins de trois ans ne font pas partie de cette réforme, dans le souci de ne pas alourdir les charges supportées par les départements.

Certains se sont inquiétés des garanties que la loi peut donner en matière de transparence et d'égalité de traitement. Il ne faut pas seulement considérer la question du point de vue des associations de caractère privé à but lucratif, qui, certes, ne doivent pas être discriminées, mais il faut aussi penser à celui des départements, qui doivent pouvoir maîtriser l'organisation de l'offre sur leur territoire.

Concernant ces structures, nous mettons en place des garanties pour répondre aux inquiétudes qui ont été relayées à plusieurs reprises. Un délai de six mois est prévu pour que le président apporte une réponse de principe aux services sollicitant une autorisation ou un CPOM. Nous examinerons tout à l'heure des sous-amendements qui visent à réduire ce délai.

Le texte prévoit la possibilité pour les SAAD de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) en cas de difficulté au cours de la procédure. La DIRECCTE n'est pas une structure d'appel au sens procédural du terme, mais de médiation et de conseil. Les entreprises qui estimeront être victimes d'une inégalité de traitement pourront demander sa médiation.

Le président du département transmet chaque année au CDCA un document relatif au bilan des demandes d'habilitation à l'aide sociale et d'autorisations, ainsi que les suites qui leur ont été données. Il ne s'agit pas d'un contrôle a posteriori comme en prévoit le droit administratif, mais d'une obligation de transparence.

Ce projet renforce la qualité des services et harmonise les règles applicables aux différents services par la mise en place d'un cahier des charges national, demandé par l'ensemble des fédérations. Ce cahier des charges précisera les conditions de fonctionnement et d'organisation des services. Il pourra s'inspirer, tout en le rénovant, de l'actuel cahier des charges de l'agrément, que les acteurs connaissent bien. L'élaboration de ce nouveau cahier des charges national se fera, bien entendu, dans la concertation : les acteurs pourront proposer des évolutions.

Avec ce dispositif, nous avons cherché à sortir d'une situation que nous ne pouvions laisser en l'état, par une approche équilibrée pour chacun des acteurs – les services d'aide à domicile, qu'ils soient de droit privé à but lucratif ou non lucratif, mais aussi les départements, qui doivent conserver la maîtrise de leurs dépenses et de l'organisation de l'accès à un service dont je rappelle que le financement est largement socialisé.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion