Intervention de Erwann Binet

Séance en hémicycle du 23 juillet 2015 à 9h30
Droit des étrangers — Article 15

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

L’amendement no 371 préparait en fait la coordination avec cet amendement qui vise à restaurer la compétence du juge judiciaire, en l’occurrence le juge des libertés et de la détention, sur la prolongation de la décision administrative de placement en rétention. Celle-ci ne serait plus valable que pour quarante-huit heures, contre cinq jours depuis la loi Besson de 2011. C’est une évolution importante, conforme à notre Constitution, suivant laquelle l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle.

Or, personne ne contestera qu’un placement en rétention est bien une atteinte à la liberté individuelle. Du point de vue strictement juridique, toutes les autres décisions administratives – OQTF, pays de destination ou interdiction de retour sur le territoire français – demeureront de la compétence du juge administratif. Le JLD ne s’occupera que des circonstances de la privation de liberté, de l’interpellation à la rétention. Je ne crois pas qu’il y ait un risque constitutionnel.

Du point de vue politique et humain, c’est une avancée essentielle dont se réjouiront les défenseurs de l’État de droit. On ne peut tolérer que des étrangers soient éloignés sans avoir bénéficié du regard du juge, ce qui est, hélas, trop fréquent depuis 2011, avec des éloignements massifs dans les cinq premiers jours de la rétention. On ne peut pas tolérer non plus le mépris de la liberté des personnes, car l’on sait que le juge judiciaire considère qu’une rétention sur cinq est irrégulière. Plutôt que d’améliorer la procédure, on a préféré éloigner l’intervention du juge : or, ce n’est pas la logique que doit poursuivre une démocratie comme la nôtre.

Je veux vraiment remercier le Gouvernement et M. le ministre qui n’a jamais argué de la légitime recherche d’effectivité de la règle de droit pour combattre cette proposition, qu’il a même bien accueillie. En démocratie, dans la République, la fin ne justifie évidemment pas toujours les moyens et la quête de la statistique ne peut avoir pour préalable le retour de l’arbitraire. La commission a donné un avis favorable à mon amendement.

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