Intervention de Ségolène Royal

Séance en hémicycle du 22 juillet 2015 à 15h00
Transition énergétique — Texte adopté par l'assemblée nationale en nouvelle lecture

Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie :

Le Gouvernement émettra un avis favorable parce qu’il considère qu’il faut fixer une trajectoire d’évolution du prix du carbone pour donner de la visibilité aux acteurs économiques et améliorer leur compétitivité.

J’entends dire déjà, ici ou là, que l’inscription d’un prix du carbone aboutirait à une hausse de la fiscalité. Ceux qui tiennent de tels propos ont pour but de disqualifier cette démarche, à laquelle le Gouvernement tient. D’ailleurs, les entreprises la demandent également. Dans la déclaration issue de la semaine du Business and Climate Summit, sommet affaires et climat du 21 mai dernier, qui rassemblait des représentants de toutes les grandes entreprises, elles ont demandé « l’introduction de mécanismes de prix du carbone robustes et efficients, composante clef pour orienter les investissements et les comportements des consommateurs vers des solutions bas carbone et parvenir ainsi à des réductions d’émissions nettes mondiales à moindre coût. »

Les économistes se mobilisent également. Je les ai réunis le 4 juin dernier autour de Jean Tirole, le prix Nobel d’économie, et Christian de Perthuis, sur la question du prix du carbone. Il a résulté de ce séminaire un manifeste signé par plus de 100 économistes internationaux qui rappelle que le climat est un bien commun planétaire, que chaque tonne de CO 2 émise dans le monde contribue à la destruction de ce bien et qu’il est nécessaire d’introduire un nouveau prix dans le système économique afin d’indiquer à chaque émetteur de carbone le coût du dommage climatique induit et de le lui faire intégrer dans son calcul économique.

J’ajoute que nous avons engagé cette discussion sur le prix du carbone dès les premiers travaux en commission spéciale sur ce projet de loi. À l’article 1er figure déjà un engagement fort qui introduit le système de basculement fiscal. Il est bien évidemment hors de question que cet objectif de fixation du prix du carbone aboutisse à une hausse de la fiscalité, comme cela a parfois été interprété de façon erronée. Il est en effet clairement inscrit à l’article 1er que l’augmentation sera « compensée, à due concurrence, par un allégement de la fiscalité pesant sur d’autres produits, travaux ou revenus ». En d’autres termes, il appartiendra aux parlementaires, par leurs débats, et au Gouvernement au cours de chaque projet de loi de finances de définir les contours de ce basculement dans le cadre d’une neutralité fiscale.

L’alinéa auquel je me réfère fixe donc le principe d’une augmentation de la part carbone dans la fiscalité, mais pose une règle essentielle de constance des prélèvements, puisque la logique du système est celle d’un basculement, et ce n’est certainement pas un prétexte pour augmenter la fiscalité.

La trajectoire proposée s’inspire de la trajectoire de référence du rapport Quinet. Elle ne donne, à ce stade, qu’une indication, mais celle-ci est indispensable pour que, comme le disent les entreprises que je viens de citer, un prix du carbone clair, robuste, efficient permette d’orienter les investissements et de renforcer la compétitivité économique des entreprises.

Je voudrais par ailleurs ajouter que se tiendra à New York, aux Nations unies, au mois de septembre, dans le cadre d’un nouveau Business Dialogue, une réunion des entreprises sur le prix du carbone. J’ai demandé à Gérard Mestrallet, qui a déjà été responsable de la semaine des affaires qui s’est déroulée à Paris, de procéder à des consultations pour que la France arrive à ce nouvel événement avec des propositions claires qui seront issues de la loi de transition énergétique.

Pour terminer, j’aimerais souligner que, à travers le monde, quatre-vingts gouvernements nationaux et vingt exécutifs subnationaux ont adopté un prix du carbone, ce qui a renforcé la compétitivité économique des entreprises au Canada, en Chine, aux États-Unis. Plusieurs États se sont dotés d’un tel outil en Europe : la Suède, la Finlande, le Danemark et l’Irlande. Le Royaume-Uni a un prix du carbone plancher. La Suisse et la Norvège ont également un prix du carbone. La France fera donc des propositions avec l’ensemble des autres pays européens qui s’engagent dans cette même voie pour qu’un prix du carbone soit fixé au niveau européen dans le cadre de l’Europe de l’énergie, dont la construction est en cours et s’accélère.

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