Intervention de Philippe Petitcolin

Réunion du 21 juillet 2015 à 15h00
Commission des affaires économiques

Philippe Petitcolin, directeur général de Safran :

Je vous remercie de bien vouloir m'accueillir. Je répondrai volontiers à toutes vos questions, mais je ne suis en poste que depuis trois mois et il est possible que certains points m'échappent.

Comme l'a remarqué M. le président, j'ai fait le tour du groupe. Après avoir dirigé des activités d'équipement chez Labinal, j'ai dirigé pendant cinq ans Snecma qui s'occupe de moteurs, pendant deux ans Sagem, qui s'occupe de défense, et, ces deux dernières années, avant de prendre ce poste, j'ai dirigé Morpho, qui s'occupe de sécurité. Je connais donc les quatre métiers du groupe Safran, qui est présent dans l'aéronautique, le militaire, la défense et la sécurité – 70 % de l'activité du groupe provenant de l'aéronautique civile.

Selon les données mensuelles de l'IATA (International Air Transport Association), organisme international des compagnies aériennes, le trafic de passagers a crû de 6,3 % depuis le début de 2015 par rapport à la même période de 2014 – 6,5 % à l'international et 6,1 % sur les marchés domestiques. Le marché de l'aéronautique civile est donc extrêmement porteur. Les principales tendances viennent d'Asie avec une hausse de 8,6 %, du Moyen-Orient avec 12 %, et de l'Europe avec 5 %. Les États-Unis sont en retrait puisque la hausse n'est plus que de 2,3 % au niveau international et de 3,5 % au niveau domestique. L'évolution en Amérique latine n'est pas significative, et l'Afrique est en baisse de 2,6 %. Le trafic domestique chinois a augmenté à lui seul de 12 %, la hausse la plus importante depuis le début de l'année. En même temps, la capacité offerte, soit les avions mis à disposition, a augmenté de 5,9 %. Le taux de remplissage a augmenté de 0,2 %, et il est de 79 %.

De son côté, le fret aérien a crû de 4 % depuis le début de l'année, ce qui est bon signe, puisque j'ai toujours entendu dire que le fret annonce l'économie de demain et d'après-demain, et que, s'il baisse, on le paie un jour ou l'autre.

Les prévisions annuelles de 2015 pour le trafic des passagers restent très fortes, à 6,7 %, avec une capacité en augmentation de 6,2 %.

Enfin, le profit des compagnies devrait théoriquement s'établir à 4 % pour l'année 2015, ce qui représente 29 milliards, sur un chiffre d'affaires total de 727 milliards. Ainsi, les compagnies aériennes redeviennent globalement profitables. Je rappelle que, l'année dernière, il n'était que de 2,2 %. On assiste donc à un doublement de la profitabilité des compagnies. Certes, celles-ci font énormément d'efforts en interne, mais c'est la baisse du carburant qui est le premier vecteur d'une telle augmentation.

Safran est donc sur un marché porteur, avec des clients qui, dans l'ensemble, se portent bien. Comme l'a dit le président Brottes, le chiffre d'affaires de Safran sur l'année 2014 est de 15,5 milliards, en augmentation de 7 % par rapport à 2013. Son résultat opérationnel courant s'établit à 2,89 milliards d'euros, soit 13,6 % de marge opérationnelle.

Notre R&D autofinancée est de 1,4 milliard, ce qui est très important ; 9,5 % de notre chiffre d'affaires est consacré à de la R&D autofinancée, dont 400 millions en R&D pure. Nous avons ouvert en début d'année un centre de R&D sur le plateau de Saclay, où nous sommes en train de recruter des ingénieurs – 120 à 130 aujourd'hui, et nous irons jusqu'à 300 ingénieurs, qui vont travailler sur de l'innovation et de la R&D.

Nos investissements industriels en France ont été, sur l'année 2014, de l'ordre de 500 millions – sur un total de 675 millions. Nous avons créé de nouveaux sites de production, dont celui de Commercy, dans la Meuse, où nous allons produire les aubes et les carters de notre nouveau moteur Leap, qui sera réalisé avec des technologies à base de composites tissés en trois dimensions. Nous créons ainsi une activité qui n'existait pas encore au niveau mondial, et nous avons décidé d'investir à la fois aux États-Unis et en France. En France, avec une certaine pression de la part du Gouvernement, nous avons choisi d'investir à Commercy, où le 8e régiment d'artillerie, qui y était stationné, venait d'être dissous. Pour une entreprise citoyenne, investir sur ce site avait donc tout son sens.

En début d'année, nos effectifs étaient de 69 000 personnes au niveau mondial, dont 41 000 en France. Sur les trois dernières années, nous avons créé en net 8 400 emplois, dont plus de 4 000 en France. Je tiens à insister sur le fait que plus de la moitié de la création nette d'emplois du groupe Safran s'est faite en France.

Nous avons huit grandes sociétés qui rapportent directement à la direction générale : trois dans le domaine de la propulsion : Snecma, Turbomeca et Herakles qui est plutôt présent dans le domaine spatial ; trois sociétés dans le domaine des équipements : Messier-Bugatti-Dowty, Labinal Power Systems et Aircelle ; dans le domaine de la défense, Sagem ; et une société dans le domaine de la sécurité, Morpho. Notre rentabilité est excellente dans le domaine de la propulsion, et se situe au meilleur niveau mondial. Elle est moyenne pour les activités d'équipement, de défense et de sécurité.

Notre capital est détenu à 18 % par l'État français, qui est notre premier actionnaire – ce pourcentage était de 22 %, mais 4 % ont été vendus au début de 2015. Les salariés détiennent 14 % de Safran. Nous sommes la deuxième société du CAC 40 dont les salariés détiennent un tel niveau de capital. Nous avons donc un capital flottant de 68 %.

Le succès de cette entreprise tient en partie à la joint-venture qui a été signée en 1974 entre Snecma et General Electric (GE), que nous avons dénommée CFM International et qui est aujourd'hui le plus grand producteur de moteurs d'avions civils au monde. Nous sommes en source unique sur l'ensemble des Boeing 737 et en double source sur l'ensemble des Airbus A320, qui sont les deux produits phare des deux grands avionneurs, Airbus et Boeing. Aujourd'hui, chez Airbus comme chez Boeing, les cadences se situent, pour chacun, à environ quarante-cinq avions par mois. Depuis 1982, nous avons produit 28 000 moteurs. L'année dernière, nous en avons produit 1 560, soit un moteur toutes les six heures. À ce jour, CFM a plus de 4 000 moteurs en commande.

En 2011, Airbus et Boeing ont souhaité lancer un nouvel avion, mais, comme ils ne pouvaient pas compter sur de réelles innovations en matière d'aérodynamique, ils ont décidé de se limiter au remplacement des moteurs. Nous avons alors été sélectionnés par Airbus, par Boeing et par le Chinois Comac – qui s'introduit sur ce segment de marché –, pour fournir un moteur qui permettra de réduire de 15 % la consommation de carburant. La production de ce moteur Leap, également fabriqué dans le cadre de la coentreprise entre General Electric et Snecma-Safran, débutera en 2016.

À ce jour, alors que nous n'avons produit aucun moteur, nous en avons 9 580 en commande. Cela ne s'est jamais vu dans l'histoire aéronautique mondiale ! Les premières livraisons interviendront à partir de 2016 et, à la fin de 2019, nous devrions produire 1 800 moteurs par an. La supply chain (chaîne d'approvisionnement) est sous le feu des projecteurs. Pour chacune des pièces spécifiques, nous essayons de prendre des doubles sources pour éviter les problèmes : les avions ne doivent pas être retardés.

Habituellement, lorsqu'on lance un nouveau produit, tout le monde agit de concert, que ce soit l'avionneur, le motoriste ou les fabricants d'équipements. Là, tout est prêt puisque les cadences continuent à augmenter, chez Boeing et chez Airbus, pour les 737 et les A320. Le moteur est le seul produit qui sera changé sur ces avions – en dehors de quelques renforcements. Nous allons devoir passer le plus vite possible d'une cadence zéro à une quelque cinquante moteurs par mois. Aucune pièce du nouveau moteur Leap n'est commune avec celles du moteur CFM56. C'eût été trop simple.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion