Intervention de Philippe Petitcolin

Réunion du 21 juillet 2015 à 15h00
Commission des affaires économiques

Philippe Petitcolin, directeur général de Safran :

Jeffrey R. Immelt, que j'ai rencontré à New York il y a quinze jours, m'a confirmé que, à ce jour, la joint-venture CFM était la plus belle de toutes celles auxquelles avait participé GE. Toutes les joint-ventures ne se passent pas aussi bien. Le succès de celle-ci tient au fait que nous ne parlons jamais de coûts, mais de revenus nets, partagés à 5050. On définit un prix de vente : les ingénieurs – pas les acheteurs ni les commerçants – se mettent d'accord sur la valeur relative de toutes les pièces, dont la somme fait 100 %, puis on divise en deux. Je ne sais pas si GE gagne plus d'argent que moi sur ces 50 %, mais j'ai 50 % des revenus nets. S'il y a un problème sur un moteur – il arrive, par exemple, que l'on doive changer un composant sur dix ou quinze moteurs –, on ne regarde jamais qui est responsable : nous sommes coresponsables à 5050. Quand il faut faire des remises par rapport au prix catalogue, elles sont également partagées à 5050.

Quand j'étais patron de Snecma, j'ai vécu l'aventure de l'EPI-TP400, moteur de l'Airbus A400M. Pour ce moteur, nous sommes en partenariat avec l'Anglais Rolls-Royce, l'Allemand MTU Aero Engines et l'Espagnol Industria de Turbo Propulsores (ITP). Mais nous avons passé la majorité de nos réunions de management à discuter pour savoir qui était responsable de quoi, et qui devait de l'argent à l'autre. Dans ces conditions, on finit par ne plus se préoccuper du client, puisqu'on essaie de défendre ses propres intérêts par rapport à ceux des partenaires, ce qui est tout à fait néfaste.

La beauté de l'alliance CFM tient au fait que nous ne parlons que de revenus nets partagés à 5050. Dans toutes les autres joint-ventures, chacun défend sa partie et n'est responsable que d'elle. Dans CFM, nous sommes responsables de l'ensemble, même si nous n'en développons et n'en produisons que 50 %. C'est, je crois, l'une des clés du succès. Par ailleurs, nous avons eu la chance d'être montés en simple source chez Boeing sur le 737, et en double source chez Airbus sur l'A320. Le succès donne confiance en l'avenir.

Il est important, pour l'industrie française, que nous ayons reconduit notre accord avec GE pour la génération d'avions qui sera mise sur le marché à partir de 2016 : A320NEO, 737MAX et C919.

Nous sommes également à 5050 pour la prochaine génération de courts et moyens courriers qui devraient voir le jour à l'horizon de 2025-2030. Notre partenariat avec GE durera donc au moins jusqu'à 2060-2065, la durée de vie d'un avion en production étant au minimum de vingt-cinq ans. Dans des cycles aussi longs, il faut être capable de s'entendre, car on ne peut passer cinquante années à se chamailler.

Dès lors qu'un nouveau programme aéronautique est lancé, nous tâchons de nous greffer dessus et d'imposer certains de nos produits. Sur le A330NEO – le A330 d'Airbus remotorisé, NEO signifiant « New Engine Option » – nous avons réalisé, développé et fabriqué la nacelle avec Aircelle, et une grande partie du câblage sera réalisée par Labinal. De même, sur le Boeing 777X, la future génération du Boeing 777, nous avons pris une part de 9 % sur le moteur de General Electric, le GE9X. Et Aircelle réalisera pour Boeing une partie de la tuyère de la nacelle. Enfin, pour Turbomeca, nous avons gagné le moteur de l'hélicoptère Bell 505 ; c'est la première fois que Turbomeca rentrera chez Bell comme fabricant de moteurs.

Dans le domaine du militaire, nous sommes très dépendants du Rafale et nous félicitons de ses récents succès à l'exportation : vingt-quatre exemplaires pour l'Égypte, autant pour le Qatar, en attendant les trente-six Rafale pour l'Inde, et éventuellement une bonne nouvelle au Moyen-Orient dans les prochains mois. M. Trappier, président-directeur général de Dassault Aviation, a déclaré dans la presse qu'il allait doubler la production du Rafale à partir de 2018. Nous en sommes ravis, cela fera le double de moteurs, de systèmes de navigation pour Sagem, le double de câblages pour Labinal ou le double de trains d'atterrissage pour Messier-Bugatti-Dowty.

On ne parle pas beaucoup du secteur de la sécurité, qui représente tout de même un bon dixième du chiffre d'affaires de Safran. Nous sommes très présents dans le domaine de l'identité et dans celui de la biométrie, et nous poussons les systèmes de sécurité à base de biométrie dans le domaine du digital et du numérique. Le monde physique est très bien sécurisé, le monde numérique l'est beaucoup moins, et nous proposons donc des solutions à base de reconnaissance faciale, de reconnaissance d'iris ou d'empreintes digitales pour sécuriser tout ce qui se passe dans le cloud et dans le big data.

Nous travaillons beaucoup sur l'innovation. Nous investissons des sommes considérables dans le futur, que ce soit sur des technologies, des alliages à base de nickel ou de titane, des composites – composites à matrice organique qui seront montés sur le Leap, mais également composites à matrice céramique pour les parties chaudes des moteurs.

Nous travaillons sur de nouveaux produits. Nous sommes en train de promouvoir l'EGTS ou green taxiing, qui permettra aux avions de rouler jusqu'à la piste de décollage ou de gagner leur place de parking après l'atterrissage en utilisant un moteur électrique monté dans le train d'atterrissage, plutôt que ses turboréacteurs. Pour un avion du type A320 qui fait des vols d'une heure en moyenne, cette technologie prometteuse permettrait d'économiser 5 % de carburant. Nous avons présenté ce produit à Airbus, qui pourrait le proposer en option.

Nous continuons également à travailler à l'amélioration de nos coûts, et nous investissons énormément dans des sites nouveaux ou à l'amélioration de la productivité de nos sites. Nous avons investi environ 500 millions l'année dernière, et nous continuons cette année 2015 sur le même rythme.

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