Intervention de Philippe Caduc

Réunion du 12 décembre 2012 à 10h00
Commission des affaires économiques

Philippe Caduc, président-directeur général de l'Agence pour la diffusion de l'information technologique, ADIT :

En matière de commerce international, il convient de bien distinguer le commerce courant – qui est parfois le fait de très grandes entreprises, mais le plus souvent de PME – des grands contrats. Ces dernières années, l'ADIT a été à de multiples occasions en première ligne dans la compétition que se livrent les grandes entreprises mondiales pour l'obtention des appels d'offres internationaux. Nous assistons en effet à un durcissement des règles et à une radicalisation des modes d'action, en particulier lorsqu'il s'agit de contrats stratégiques touchant des secteurs de souveraineté. Ce durcissement est principalement le fait des Etats-Unis, qui se sont dotés d'une véritable doctrine de sécurité économique leur permettant d'une part de protéger leurs entreprises stratégiques, d'autre part de porter le fer sur les marchés mondiaux.

Cette pression américaine n'est pas nouvelle. Pour autant, dans cette compétition pour les grands contrats, on assiste parfois à une sorte de rupture, à un décrochage stratégique au profit des États-Unis, tant la mise en oeuvre de leur politique de puissance est forte, volontariste et globale. Ils se sont dotés d'un véritable dispositif d'intelligence économique reposant sur une coordination très forte des grands contrats au plus haut niveau de l'État fédéral. Ils se fixent chaque année des objectifs et des priorités géographiques, puis coordonnent au plus haut niveau les dix-neuf agences fédérales, les services de renseignement et l'appareil diplomatique – dans un partenariat public-privé extrêmement fort en liaison avec l'état-major de l'entreprise. Leur seul objectif, c'est d'imposer chaque année, sur une cinquantaine d'appels d'offres, des entreprises ou des produits américains. Cette doctrine inclut d'autres éléments tels que le soft power, c'est-à-dire les nouveaux modes d'influence. Les États-Unis sont pionniers en ce domaine : ils inventent les formes, les instruments et les points d'appui qui leur permettent de s'imposer.

Enfin, l'ONU recense 24 000 organisations non gouvernementales (ONG) dans le monde. Un tiers d'entre elles est impliqué dans les domaines de l'économie et du commerce international. Toutes ou presque sont financées à 90 % par des agences ou des fondations américaines. Elles jouent un rôle d'influence dans le monde et créent non seulement des idées façonnant le commerce international de demain, mais aussi du droit. Ainsi, l'ONG Transparency International, qui n'existait pas il y a quinze ans, exerce aujourd'hui un magistère moral dans le monde sur les questions de corruption. Elle est à l'origine de tous les traités, de toutes les réglementations et de toutes les lois visant à pénaliser la corruption dans les affaires internationales. La France court donc derrière cet inventeur de droit que sont les États-Unis, qui utilisent par ailleurs d'autres instruments tels que les fonds d'investissement.

Nous disposons de moyens d'intelligence économique pour aider nos grandes entreprises à obtenir de grands contrats, qui correspondent à 20 % des exportations françaises dans les pays émergents, et dans le commerce courant, qui correspond aux exportations d'entreprises qui sont parfois très petites. Il reste beaucoup à faire sur nos territoires afin que ces très petites entreprises (TPE) soient prises en charge et que l'on dissipe le vertige que génère chez elles l'idée d'exporter.

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