Intervention de Bruno Lasserre

Réunion du 7 juillet 2015 à 9h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Bruno Lasserre, président de l'Autorité de la concurrence :

En effet, la loi Galland a montré la difficulté à corriger, par la loi, un rapport de forces inégalitaire entre les fournisseurs industriels – notamment des PME – et la grande distribution. Lorsque le législateur s'invite dans la formation des prix en intervenant dans la négociation entre deux acteurs d'une chaîne verticale, il fixe des règles ; mais la puissance des acteurs leur permet de les contourner, et leur inventivité tarifaire et stratégique va toujours plus vite que la sophistication législative. Pour répondre à ces manoeuvres de contournement, on demande au législateur d'ajouter une nouvelle couche ; s'instaure alors une course de vitesse qui est toujours perdue par le régulateur et gagnée par les acteurs économiques – plus inventifs, plus mobiles, plus rapides.

La question du partage de la valeur ne peut être traitée que par la mise en concurrence de ces plateformes avec d'autres acteurs industriels. La réponse consiste donc à promouvoir ces derniers. Ainsi, pourquoi Accor ne pourrait-il pas devenir une plateforme de réservation hôtelière puisqu'il possède le savoir-faire informatique, la connaissance du marché et la puissance financière nécessaires ? Ce métier ne doit pas être réservé à Expedia.com ou Booking.com ; si des acteurs européens porteurs d'atouts importants concurrencent ces plateformes, le partage de la valeur avec les opérateurs économiques qui y recourent deviendra plus équitable. Cette voie me semble préférable à une intervention législative qui viendrait corriger l'inégalité en intervenant dans la négociation commerciale.

Je soutiens bien entendu le droit à la portabilité des données, l'idée d'une durée de conservation des données proportionnelle à l'objectif recherché et celle de la transparence sur la nature des données collectées, la finalité du traitement ou les destinataires des informations – y compris les tiers. Monsieur le président, madame de La Raudière, vous avez raison : ces droits promeuvent aussi un terrain de jeux ouvert et concurrentiel, mais loin de s'opposer, les objectifs se renforcent mutuellement.

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