S'agissant de la transmission d'entreprises, monsieur Pellois, les travaux de Mme Dombre Coste révèlent en effet une difficulté, qui est d'ordre culturel. L'entrepreneur français n'aime pas céder son entreprise, ce qui, au vu de la pyramide des âges, risque de freiner la modernisation de notre économie et de la fragiliser considérablement, puisque nous allons être confrontés à de nombreuses cessations ou transmissions d'activité. Or, au cours des années qui précèdent ce moment, on investit peu, faute de se projeter, car la transmission, surtout extrafamiliale, est source d'angoisse. Ce phénomène concerne le commerce, l'artisanat, tous les types de TPE. C'est un véritable défi pour l'économie et la création d'activité et d'emplois.
Pour le relever, au-delà du financement que nous avons déjà évoqué, il faut un accompagnement. En la matière, les régions ont un rôle important, avec les réseaux consulaires. Certaines le jouent déjà, mais des disparités perdurent. Le rapport demandé à l'Observatoire du financement des entreprises est destiné à clarifier la situation et à simplifier et harmoniser les instruments. S'y ajoute une sensibilisation à cet enjeu d'ordre culturel, laquelle suppose un discours politique du Gouvernement, mais aussi des collectivités territoriales et de ces réseaux.
Du point de vue fiscal, le Président de la République et le Premier ministre l'ont dit, nous ne toucherons pas au « pacte Dutreil », facteur important de stabilité pour les entrepreneurs. Les uns voudraient le revoir à la baisse, les autres l'améliorer ; nous choisissons de le stabiliser. S'agissant en revanche de la transmission des fonds de commerce, le Premier ministre a annoncé début juin des mesures destinées à favoriser la visibilité et la viabilité de l'opération. Sur ce sujet, des aménagements en matière fiscale sont sans doute possibles ; nous allons y travailler en vue du PLF et du PLFSS.
Nous réfléchissons également à des mesures favorisant le crédit-vendeur – outil important de la transmission –, là encore pour plus de visibilité ; elles passeront par l'action de la BPI et, plus généralement, par l'amélioration des dispositifs existants. À cet égard, en effet, la frilosité des banques commerciales fait écho à celle des entrepreneurs.
S'agissant des business angels, de nombreux aménagements ont été effectués, en particulier sous l'impulsion de votre collègue Bernadette Laclais. Je songe aux mesures de la loi de finances rectificative pour 2014 qui favorisent les sociétés d'investissement de business angels (SIBA) en supprimant des contraintes relatives au nombre minimal de salariés. D'autres améliorations ont été intégrées au texte sur la croissance et l'activité. Il convient, j'en suis parfaitement conscient, d'aller encore plus loin en s'assurant que, lors de la cession d'une entreprise appartenant au portefeuille d'un business angel, le véhicule n'est pas déstabilisé du point de vue fiscal. Mais tout cela dépend de la discussion en cours avec Bruxelles sur l'ISF-PME, dispositif qui sert souvent à financer un tel investissement. Nous travaillons donc, avec Michel Sapin et Christian Eckert, en vue d'introduire cet important facteur de stabilité des SIBA à l'occasion de la mise en conformité de l'ISF-PME avec les règles européennes.
Je ne reviens pas sur ce que représente pour le financement de l'économie la réforme des actions de performance comme des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE), avec la société de libre participation que vous avez évoquée, créée par la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.
Cette loi contient aussi plusieurs initiatives importantes pour la ruralité : couverture des zones blanches, mobilité accrue, etc. La ruralité est également concernée par l'intégration d'un plus grand nombre de PME et de TPE à la deuxième étape de la Nouvelle France industrielle, alors que les 34 plans initiaux étaient captés par quelques grands groupes. En particulier, l'Alliance pour l'industrie du futur, très inclusive, contient beaucoup d'acteurs de petite et moyenne taille, ceux qui ont le plus besoin d'être accompagnés. Si nous contribuons au financement de l'innovation de rupture pour quelques grands groupes, les PME et les ETI sont l'essentiel, y compris en zone rurale et dans les territoires.
Quant à la solution industrielle « Alimentation intelligente » à laquelle Marie-Lou Marcel a fait référence, elle touche particulièrement la ruralité et la filière agroalimentaire. Le pilote en est d'ailleurs l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA). Dans ce cadre, deux appels à projets sont en cours et en passe d'être clos, concernant, pour l'un, la modernisation des abattoirs et, pour l'autre, l'alimentation fonctionnelle, solution à forte valeur ajoutée ciblée sur quelques catégories de population – enfants, seniors –, qui contribuera au développement de notre filière agroalimentaire, laquelle compte quelques champions, et qui irrigue plusieurs de nos territoires.
S'y ajoutent les actions que nous avons entreprises au titre de la loi croissance et activité, sous la forme d'initiatives ad hoc, et dont Stéphane Le Foll discute actuellement à Caen, avant de les annoncer demain dans le cadre d'un plan qui sera présenté en Conseil des ministres. C'est d'améliorer l'écosystème qu'il s'agit, et, plus précisément, de répondre aux attentes de nos agriculteurs et de notre filière agroalimentaire.
Le problème actuel est la crise dans l'élevage, bovin et porcin, ainsi que dans le secteur du lait. Ce sont ces filières qui sont aujourd'hui le plus fragilisées ; d'autres se portent mieux, tandis que d'autres encore, dont les fruits et légumes, souffrent d'une vulnérabilité relative. Ces filières fragiles sont celles qui ont eu le plus de mal à moderniser leur appareil productif et à s'adapter au cours des dernières années ; cette difficulté fait partie des faiblesses de notre tissu productif et pénalise toute la chaîne, à commencer par les producteurs. En comparaison, la filière des oléo-protéagineux, que nous avons su organiser, qui s'est structurée, concentrée, qui a fait l'objet d'une véritable stratégie de réindustrialisation et de réinvestissement, est aujourd'hui solide. Prenez les abattoirs : en France, les éleveurs ne sont pas mieux payés qu'en Allemagne ou aux Pays-Bas, mais les coûts sont supérieurs de 40 % à 50 % !
Voilà pour le défi structurel. Quant au problème conjoncturel auquel nous sommes confrontés, le voici : nombre des acteurs étrangers qui ont procédé à des regroupements et des investissements – Pays-Bas, Allemagne, Nouvelle-Zélande et d'autres économies émergentes – se sont rués sur des créneaux de production à bas coût sur lesquels nous nous étions positionnés, et sur le marché chinois qui s'était considérablement développé. De sorte que, joint aux autres facteurs que j'ai énoncés, le ralentissement chinois, qui crée une sur-concurrence sur ce marché, a exclu beaucoup de nos acteurs des marchés à l'export sur lesquels ils étaient très présents – alors que, dans la plupart des secteurs que j'ai cités, notre production domestique est très faible.
Comme toujours en pareil cas, c'est sur ces deux fronts – conjoncturel et structurel – qu'il faut agir.
Pour traiter l'urgence, d'abord, Stéphane Le Foll va annoncer une série de mesures dont on connaît l'esprit. Il s'agit en premier lieu d'éléments de financement, à propos desquels les ministres réunis ce midi par le Premier ministre ont finalisé des propositions. Il s'agit ensuite de l'action que nous avons entreprise vis-à-vis de la grande distribution. La loi Hamon a ainsi permis de réduire les tensions excessives résultant d'une volatilité des cours des matières premières puisque, depuis le décret qui en est résulté en 2014, les prix peuvent faire l'objet d'une renégociation en cours d'année entre producteurs et distributeurs : c'est fondamental dans l'éventualité d'un retournement de marché. Ensuite, nous avons, avec Stéphane Le Foll, durci les discussions avant les négociations de début d'année, et renforcé dans la loi croissance et activité les moyens dont nous disposons pour équilibrer la relation commerciale : c'est le sens des mesures relatives à l'injonction structurelle et des contraintes accrues dans les relations contractuelles, au profit des fournisseurs. Nous avons également pris des dispositions exceptionnelles pour faire augmenter les prix, en demandant aux filières et aux distributeurs de mettre fin au dumping sur le prix de la viande. Les effets sont tangibles sur la filière porcine, qui reprend un peu d'oxygène même si elle a encore besoin de mesures d'accompagnement.
Nous devons prolonger cet effort de court terme par des mesures de financement, être très cohérents en matière d'achats publics et d'achats collectifs – 50 % du boeuf vendu en France l'est dans la restauration collective –, et continuer de contrôler la vente de la viande et sa traçabilité. Hier encore, de jeunes agriculteurs ont découvert en rayon de la viande étiquetée comme un produit d'origine française alors qu'elle venait d'Europe de l'Est. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie est très mobilisée dans cette affaire.
S'agissant du lait, le problème est beaucoup plus structurel, car nous sommes fortement dépendants de plusieurs acteurs. Plus généralement, du point de vue structurel, l'ensemble du secteur doit, je le répète, viser la concentration. La BPI est elle aussi mobilisée pour financer cette évolution. Là encore, l'obstacle est culturel : les petites structures, souvent non rentables, ne sont pas spontanément portées au rapprochement avec les plus grosses. Le travail du médiateur devrait contribuer à y remédier.
Outre la consolidation des filières, il convient d'en accélérer la modernisation. Ce que j'ai dit des abattoirs vaut d'autres aspects de l'appareil productif du secteur, dans lequel nous avons sous-investi jusqu'à ce qu'il ne soit plus rentable. D'où l'intérêt de la Nouvelle France industrielle et des appels à projets que j'ai cités.
Au-delà de notre action, la grande distribution aurait intérêt à prendre elle-même des initiatives fortes, car nul ne sortirait gagnant d'un effondrement de ces filières.
Pour en revenir à l'alimentation intelligente, outre les deux appels à projets qui seront finalisés au cours des prochaines semaines, d'autres seront destinés à moderniser notre appareil productif agroalimentaire, filière par filière, en commençant par les plus fragiles. Il s'agira également de favoriser l'innovation en matière d'alicaments. Enfin, nous devrons encourager les initiatives à l'export, car, en dépit de ses difficultés, la filière bénéficie d'une balance des paiements positive grâce à des produits d'excellence et de niche – la chose est connue s'agissant de la viticulture. L'idée est d'utiliser la « marque France » et les éléments de traçabilité que nous avons instaurés pour l'ensemble des filières afin de développer les stratégies d'export à forte valeur ajoutée.
Il s'agit par-là de tourner le dos à l'export à bas coût sur lequel nous nous sommes focalisés à l'excès. On le voit bien dans les secteurs du porc et du poulet. En réalité, c'est en grande partie le taux de change qui nous sauve d'une crise dans ce dernier secteur, car nous exportons massivement dans les pays du Golfe qui sont arrimés au dollar : si l'entreprise Doux a repris de l'oxygène, c'est grâce à la chute de l'euro. Bref, la stratégie d'export à bas coût dépend fortement de celle des autres acteurs et de la stratégie de change.
Enfin, comme nous le lui avons demandé, l'ANIA s'attache à inclure les TPE et PME, souvent très innovantes mais qui n'accèdent pas suffisamment aux donneurs d'ordres ni à l'international.
Lors de la revue à laquelle nous avons procédé en mars, une centaine de projets était en cours ; nous avons demandé leur regroupement. Nous en sommes aujourd'hui à deux et mon objectif est de parvenir d'ici la fin de l'année à une quinzaine, grâce au financement du programme d'investissements d'avenir (PIA) : une centaine de millions d'euros peuvent être débloqués pour enclencher la procédure de modernisation.
Quant à Rio Tinto Alcan (RTA), ses dirigeants, que j'ai rencontrés tout à l'heure, m'ont confirmé qu'ils ne voulaient ni fermer ni cesser l'activité et qu'ils restaient engagés à Dunkerque ; simplement, ils souhaitent trouver des repreneurs stables pour certaines parties de site, dans un esprit de grande responsabilité qui s'explique par les décisions que nous avons nous-mêmes prises vis-à-vis des électro-intensifs.
En effet, d'importantes mesures ad hoc ont été actées, appuyées notamment par l'opérateur historique : vous en avez parlé en évoquant Saint-Jean-de-Maurienne. Et, aujourd'hui, la loi de transition énergétique apporte aux électro-intensifs des solutions fort intéressantes : l'interruptibilité, l'exonération pérenne du tarif de transport d'électricité, l'effacement. En outre, un tiers de l'effort va à la compensation budgétaire du prix du carbone pour ces industries, conformément à l'engagement pris par le Premier ministre. Enfin, la négociation que nous avons conduite avec EDF et la CNR, et qui est en voie de finalisation, tend à apporter aux électro-intensifs l'aide des opérateurs historiques pour maintenir le site productif français.
Bref, le Gouvernement est en dialogue constant avec les électro-intensifs, dont RTA. Les propos du président Brottes confirment que tous les acteurs du dossier sont en contact permanent. RTA aura l'occasion de clarifier sa position lors du comité d'entreprise prévu le 30 juillet. Il faudra être très attentif aux annonces qui seront alors faites et qui devraient être conformes à l'esprit que je viens de résumer.
S'agissant du conditionnement des aides, nous en avons déjà parlé à plusieurs reprises : le mécanisme est complexe à mettre en oeuvre dès lors que des dispositifs fiscaux sont en jeu.
La subordination de l'aide au respect d'un cahier des charges est particulièrement adaptée au cadre d'appels à projets tels que ceux de la Nouvelle France industrielle, assortis d'aides publiques octroyées selon un rythme de décaissement qui suppose une évaluation et, si l'on peut dire, une surveillance rapprochée. Quant au crédit d'impôt recherche (CIR), il fait l'objet d'un contrôle tatillon : comme le savent bien toutes les entreprises, celles qui ne respectent pas ses conditions d'éligibilité perdent le bénéfice de l'aide et font l'objet d'un redressement. Le CIR est l'un des instruments fiscaux les plus contrôlés. En revanche, le CICE est en réalité un allégement de charges que traduit un instrument fiscal ; une technique d'allégement de charges, en somme : par construction, il n'est pas soumis à conditions. Pour en clarifier l'esprit, s'il en était besoin, je vous renvoie à l'annonce par le Président de la République, en novembre dernier, d'un basculement progressif du CICE vers un allégement de charges pérenne. Ceux-là même qui souhaitent le conditionnement du dispositif se plaindraient aussitôt de ses conséquences – instabilité, lourdeurs des démarches déclaratives et des contrôles.
Il n'est pas pour autant question d'un régime d'irresponsabilité. Le problème se pose chaque fois qu'une entreprise qui a massivement bénéficié d'aides se révèle incivique. Il convient d'être très vigilant à cet égard, de réagir en stigmatisant l'entreprise et en faisant preuve d'intransigeance lors de l'éventuel redressement fiscal, enfin de privilégier la politique d'appel d'offres pour des projets ad hoc, la plus adaptée au suivi.
Les neuf solutions industrielles sont financées par le PIA, mais certains des projets et des thématiques ont été versés au plan Juncker, qui est plus large, pour compléter les contributions nationales. Ces priorités sont le financement des PME, la transition numérique ou énergétique, l'infrastructure BTP – liée à la transition énergétique –, les plans transfrontaliers, franco-allemands ou franco-espagnols notamment, touchant l'interconnexion ou l'énergie, enfin le fonds de venture capital que j'ai précédemment évoqué. Cependant, le plan Juncker repose en grande partie sur un financement bancaire long : il n'apporte pas d'equity, de fonds propres, contrairement au PIA.
Sur le financement de l'économie, nous avons demandé un rapport à François Villeroy de Galhau, qui rendra ses premières conclusions à la fin du mois et les complétera en septembre. Il est clair que nous avons un problème de financement à court terme des TPE, certes moins grave que chez certains de nos voisins, mais que la BPI ne suffit pas à résoudre. Nous devrons y remédier par des mesures circonstanciées. Il est exact qu'à cet égard les règles de Bâle III sont une source de fragilité ; avec Michel Sapin, nous poussons à leur réforme ainsi qu'à celle de Solvabilité II, car les contraintes pesant sur les banques, surtout les banques universelles, qui conservent les crédits dans leur bilan, et sur les assureurs, pénalisés lorsqu'ils investissent en fonds propres, sont excessives et risquent de nous handicaper dans la phase actuelle de reprise. En effet, notre économie est aux trois quarts intermédiée. Il faut développer des financements de marché pour les grands groupes, mais ne nous leurrons pas : les PME et TPE ne se financeront pas ainsi. Il est dès lors fondamental que nos opérateurs de financement aient plus de latitude.
S'agissant du code du travail, je vous laisse la paternité de vos propos, monsieur Taugourdeau. Il importe en tout cas de faire ensemble oeuvre prospective pour organiser et articuler nos préférences collectives dans un monde où les changements s'accélèrent et où les transitions sont multiples.
Je remercie M. Grellier de son satisfecit concernant la Nouvelle France industrielle. Nous devons faire vivre ce qu'avec plusieurs d'entre vous nous avons commencé à mettre en musique : la présence d'un référent de votre commission auprès de chaque comité stratégique de filière. Les premières réunions thématiques qui en découlent ont eu lieu. C'est essentiel, et c'est un moyen de faire exister le projet sur le territoire. Les régions, avec les agglomérations, joueront aussi un rôle très important. C'est également le cas des filières ; voilà pourquoi j'ai voulu que le Conseil national de l'industrie soit partie prenante de toutes les revues portant sur les solutions industrielles et les actions ; il est le mieux placé, en effet, pour organiser la politique de formation au sein des filières et toutes les initiatives relevant des filières dans les territoires. Sur les pôles de compétitivité, je n'ai pas encore de doctrine arrêtée : nous travaillons à l'établir. À leur sujet, je ne puis à ce stade formuler que ce truisme : il y en a trop. Mais ils pourront faire partie des relais de ces politiques au niveau territorial. Enfin, les élus ont, avec les réseaux consulaires, un rôle fondamental d'acculturation à jouer : ils peuvent expliquer les mesures, identifier les problèmes et en faire état, car ils connaissent mieux que quiconque les priorités et les faiblesses de leurs territoires. Quoi qu'il en soit, vous avez parfaitement raison : si l'on n'articule pas ces politiques au niveau des bassins d'emploi, cela compromettra leur mise en oeuvre et leur efficacité.
Je ne dispose pas encore d'une évaluation précise de la mesure de suramortissement fiscal. Les études anticipent un volume d'investissements de quelque 2 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable. Je reste très prudent vis-à-vis des chiffres prévisionnels. Mais le contre-factuel, comme on dit en économie, est aisé : il n'y avait plus d'investissements productifs privés, de sorte qu'une grande partie de ceux que l'on comptabilisera à l'avenir seront ipso facto imputables à la mesure. Dès l'automne, je rendrai compte des premiers éléments.
Le suramortissement fiscal s'applique aux matériels roulants qui sont des outils de production, par exemple les moissonneuses ou les bulldozers, mais non les camions ou les remorques, car la base serait alors beaucoup trop large, ce qui entraînerait des effets d'aubaine : certaines entreprises profiteraient du dispositif pour renouveler toute leur flotte de véhicules.
Quant aux avancées récentes, abstraction faite de la Nouvelle France industrielle, nous lançons plusieurs appels à projets. J'ai réuni hier l'Alliance pour l'Industrie du futur afin d'en mobiliser les membres et de leur fixer des échéances ; je ferai de même en octobre. Nous avons pu définir une série d'initiatives concernant la formation et l'accompagnement – il s'agit des objectifs d'accompagnement des PME et TPE que je rappelais en début d'audition. Il reste beaucoup à faire en vue de l'internationalisation : quels liens allons-nous tisser avec l'Allemagne – puisque nous voulons, en octobre, articuler l'Alliance pour l'Industrie du futur et Industry 4.0 –, avec la Chine, avec les États-Unis ? Filière par filière, nous devons en tout cas développer des stratégies ad hoc avec les pays voisins ; c'est ce que nous disent les industriels.
Pour le reste, l'appel d'offres pour le TGV du futur est lancé le 4 septembre ; les premières expérimentations en France d'un véhicule autonome sur route ouverte, menées par PSA, sont prévues pour le 9 septembre ; la première cité de l'objet connecté a été inaugurée à Angers le 12 juin ; la traversée de la Manche par l'E-Fan a eu lieu le 10 juillet. Ces réalisations concrètes attestent que nous progressons, et ce conformément au calendrier que j'ai détaillé le 18 mai dernier à Nantes.
Je ne reviens pas sur la coordination décisive avec le Conseil national de l'industrie et les comités stratégiques de filière, qui va perdurer dans le même esprit.
Quant au dialogue social chez Areva, il n'est pas interrompu, bien au contraire : les avancées se poursuivent. Le plan de redressement d'Areva comprend un volet compétitivité d'un milliard d'euros d'ici à 2017, toujours à l'étude, qui repose sur une réduction de 15 % des frais de personnel en France et 18 % dans le monde, sans fermeture de site ni licenciement sec. Ce point fait l'objet d'une concertation qui a été lancée dès le mois de mai. De mai à juin, les discussions ont porté sur la situation du dialogue social et esquissé un accord sur la méthode. À partir de septembre aura lieu l'information-consultation du personnel sur l'évolution de l'emploi. C'est moi qui en ai demandé le report : dès lors que le Président de la République avait annoncé début juin une décision stratégique, il n'était pas possible de continuer à dérouler le plan comme si de rien n'était. Il est normal d'informer les salariés sur l'ensemble de la filière et sur les choix que nous faisons. Avec François Rebsamen et Ségolène Royal, je veillerai à l'exemplarité de ce dialogue social.
S'agissant de la régulation des plates-formes numériques, la démarche franco-allemande se veut favorable à un cadre européen. J'ai donc entrepris avec Sigmar Gabriel de formuler des propositions franco-allemandes pour la stratégie numérique européenne, en particulier dans le cadre de l'agenda du marché unique numérique. J'y serai très attentif : nous faisons deux lois, mais c'est au niveau européen que les grandes régulations, les éléments structurants, doivent intervenir. Aucune des dispositions que nous adoptons ne doit réintroduire de disparité entre les régulations nationales. Ce serait une erreur stratégique, car nous compliquerions ainsi la tâche des acteurs économiques. D'où la solennité de l'initiative franco-allemande. L'agenda du marché unique doit permettre non seulement de faire tomber les barrières entre les différents pays, mais de promouvoir une régulation des plates-formes et une politique de standards à vingt-huit, sans quoi nous en resterons à une vision purement libérale du marché unique. Si la régulation, notamment pour garantir la neutralité du Net, reste strictement nationale, le marché unique du numérique n'existe plus. Le vice-président Andrus Ansip, très actif sur ce dossier qui lui tient à coeur, est en train d'intégrer ces éléments. Nous continuerons sur cette voie au niveau franco-allemand.
Le prix du pétrole a plus de conséquences que le taux de change euro-dollar. D'abord, il joue sur le coût des intrants pour les entreprises : sa baisse crée des gains de compétitivité pour les plus consommatrices, dont elle accroît ainsi les marges ; c'est à cette baisse que l'on doit en grande partie l'effet marge que j'ai évoqué, ainsi qu'au coût du travail. Ensuite, il bénéficie fortement à la consommation, qui se tient relativement bien dans la période difficile que nous connaissons, d'autant que, contrairement à ce que l'on a pu craindre dans un premier temps, ce gain de pouvoir d'achat n'est pas capturé par l'épargne de précaution des ménages, mais dépensé. Bref, c'est l'aspect conjoncturel dont l'effet macroéconomique est le plus marqué : il représente environ 0,3 ou 0,4 point de croissance selon les dernières estimations de l'INSEE.
L'effet du taux de change euro-dollar est bien moindre, d'abord parce que notre commerce extérieur est à près de 70 % interne à la zone euro. Il est déterminant dans quelques filières qui commercent en euro-dollar, auxquelles il permet de restaurer leurs marges et de redémarrer : la défense, l'aéronautique, l'agroalimentaire dans certaines zones géographiques, le luxe. Mais l'impact macroéconomique, en points de PIB, est nettement plus faible. D'autant que les monnaies émergentes sont très instables – voyez le real brésilien, le renminbi, sans parler de l'Inde ou du Golfe : le taux de change effectif de l'euro, calculé par rapport à un panier de monnaies, ne s'est pas dégradé, de sorte que l'euro ne bénéficie d'aucun effet d'aubaine vis-à-vis de ces autres économies.
S'agissant enfin de la CEPC, importante instance d'expertise créée en 2001 et qui a la vertu de regrouper producteurs et distributeurs, nous avons justement décidé ce midi, avec Stéphane Le Foll, de la saisir, en sus des pressions que nous avons déjà exercées ponctuellement et que nous réitérerons demain. Cela nous permettra d'adopter un point de vue global et de dégager des accords gagnant-gagnant, secteur par secteur.