Intervention de Réjane Sénac

Réunion du 1er juillet 2015 à 16h15
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, HCEfh, chargée de recherche au CNRS et au Centre de recherches sur la vie politique française de Sciences Po, CEVIPOF, membre du comité de pilotage du programme de recherche et d'enseignement des savoirs sur le genre, PRESAGE :

Des progrès ont été accomplis dans les intercommunalités. Nous avons travaillé avec des juristes. Une solution pourrait être de demander à chaque organisme de proposer deux noms, celui d'un homme et celui d'une femme, et qu'une centralisation intervienne par la suite, qui assurerait la parité à une unité près. Ce sera plus facile si le maire et le premier adjoint forment un binôme homme-femme.

En 2015, le Haut Conseil travaillera sur les conseils départementaux, pour comprendre de quelle manière s'est appliqué le binôme paritaire. Celui-ci a-t-il permis une réelle égalité ou ne sert-il qu'à recomposer une forme de complémentarité ? Comment déconstruire le rôle du « chef gladiateur » sur son territoire, pour reprendre une image d'Édouard Herriot ? Pour ma part, j'interprète la préférence pour le binôme au détriment du scrutin de liste comme une manière de faire survivre le scrutin uninominal que les politiques jugent plus légitimant.

Le HCEfh évaluera aussi l'application des lois Copé-Zimmermann et Sauvadet, en partenariat avec le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP). Dans les instances du monde économique, le pourcentage de femmes à atteindre a été non de 50 %, mais de 20 puis de 40 %. On a donc privilégié plutôt une représentation miroir ou une logique de palier.

Le Haut Conseil, dans son avis sur le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, a plaidé pour l'application d'un référentiel paritaire commun aux responsabilités politiques, économiques, administratives et sociales. Nous regrettons en effet que deux systèmes se fassent concurrence.

En politique, la parité s'inspire d'un universalisme égalitaire sexué, alors qu'une logique de quota s'applique dans le monde économique, où prévaut l'idée que la représentation des femmes reflète un vivier. Une telle idée n'est pas acceptable : si on l'avait appliquée en politique, en considérant le vivier des militants ou des cadres, la parité ne se serait pas imposée. En outre, l'argument de la représentation miroir renvoie à une logique d'identité et non d'égalité, selon laquelle les femmes représenteraient les intérêts des femmes, ce qui ne peut se comprendre que dans une perspective essentialiste, car les femmes sont aussi diverses que les hommes.

Dans cette optique, les femmes seraient tenues de représenter certains secteurs comme les ressources humaines ou les services juridiques, de même qu'en politique, on a tendance à leur faire porter le renouvellement générationnel, l'ouverture à la société civile ou la représentation des intérêts d'un groupe. La déconstruction des discriminations structurelles n'a rien à voir avec la notion de représentation.

La France n'est pas seule à connaître ces débats, qui se sont également déroulés aux États-Unis. Les actions positives à l'américaine ont pour objectif de « déracialiser » la population, non pour que la peau n'ait plus de couleur, mais pour que celle-ci n'ait plus de sens ou de répercussion politique. De même, « dégenrer » la société vise non à produire une société d'hermaphrodites, mais à faire que notre sexe n'ait plus de répercussion sur notre reconnaissance ou notre position dans la société.

À mon sens, il faut éviter la logique de la représentation miroir, qui aboutit à un sexisme bienveillant ou à un néo-sexisme, et au terme de laquelle on inclut les femmes pour la raison qui a parfois justifié leur exclusion : leur différence, ce qui empêche de les reconnaître comme des semblables.

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