Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 22 juillet 2015 à 12h00
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Je vous ferai transmettre une synthèse de l'accord.

Je répondrai en bloc aux questions relatives à Israël. Je n'ai eu de contacts ni avec les Américains ni avec les Israéliens au cours des deux derniers jours ; je ne sais donc pas quelle est la réalité de ce qu'avance la presse. La France est en complet désaccord avec la position de l'Iran à propos d'Israël. Nous condamnons bien sûr cette hostilité essentielle.

Israël n'a jamais caché son opposition à l'accord. Mais, encore une fois, il faut mesurer ce qu'est le deuxième terme de l'alternative. À cela, M. Benjamin Netanyahou m'a répondu : « Nous sommes capables de nous défendre ». La garantie de sécurité, pour Israël comme pour les autres pays, doit être absolue. Mais, en cette circonstance, un accord est meilleur qu'une solution consistant à recourir à la force – à supposer que ce soit une solution.

Quelles pourraient être les conséquences diplomatiques de l'accord sur les relations entre chiites et sunnites ? Nous souhaitons tous que les guerres de religions cessent. Je réaffirme que la France ne prend pas partie pour les uns ou les autres en fonction de leur appartenance religieuse. La meilleure preuve en est que Daech, auquel nous sommes viscéralement opposés, se réclame du sunnisme ; dire, comme le font certains, que nous sommes proches de l'Arabie saoudite parce que c'est un pays sunnite est une ânerie caractérisée. Nous n'entrons aucunement dans cette dispute fondamentale d'autant plus dure, comme souvent, qu'elle est fratricide. Nous souhaitons le respect des différences et l'harmonie entre ces tendances mais dans les faits l'affrontement est violent.

Pour qu'elle soit victorieuse, la lutte contre Daech demande, outre les avions de la coalition, l'implication de la population. Mais celle-ci est composée pour partie de chiites et pour partie de sunnites, et ces derniers n'accepteront de s'engager que s'ils ont le sentiment que le gouvernement irakien est véritablement inclusif. Il l'est davantage que ne l'était celui M. Nouri al-Maliki, mais il demeure très orienté vers les chiites. Il y a donc une contradiction : la forte présence iranienne est utile pour lutter contre Daech, mais elle se traduit par un gouvernement déséquilibré, ce qui dissuade les sunnites de se lancer dans la bataille.

En Syrie, comme vous l'avez souligné, l'Iran soutient Bachar al-Assad et a affirmé qu'il continuerait de le soutenir quelles que soient les circonstances. Je vous ai connu plus nuancé, monsieur Loncle. Ce que j'ai toujours affirmé, c'est qu'il fallait parvenir à une union entre des éléments du régime de Bachar al-Assad et des éléments de l'opposition ; nous y travaillons. À Vienne, en marge des très longues négociations de l'accord sur le programme nucléaire iranien, je me suis entretenu de cette question avec M. Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, et nous continuons d'en parler. C'est extraordinairement difficile.

Une des discussions les plus longues a porté sur les contrôles et les visites inopinées. La conclusion en est que tous les sites peuvent être visités mais que les visites de sites militaires doivent se dérouler selon des modalités assurant qu'il s'agit de vérifier le respect des obligations souscrites en matière nucléaire et non de percer les secrets militaires iraniens. Le directeur général de l'AIEA m'a indiqué que l'Agence dispose des moyens techniques lui permettant de vérifier la réalité de ce que les Iraniens avanceront. Je sais que ce sera difficile et je m'attends à des controverses, mais je rappelle que la réintroduction des sanctions, le « snapback », sera toujours possible s'il le faut. La France avait proposé un préavis inférieur à 24 jours mais il fallait trouver un point d'accord – et tout refus d'une visite des contrôleurs serait une très sérieuse raison de prendre des mesures de rétorsion. De plus, des moyens techniques qui, nous ont dit les experts, ne peuvent être controuvés, permettent de vérifier s'il y a eu ou non une activité nucléaire en un lieu.

Vous avez raison, monsieur Loncle, c'est de la Conférence de Paris sur le climat que nous devons parler.

M. Meyer Habib a eu l'honnêteté intellectuelle de reconnaître que la France a été très ferme dans la négociation, mais il désapprouve l'accord pour les raisons qu'il a dites. Nous pensons que le dispositif de vérification prévu suffit ; mais nous serons extrêmement vigilants et, encore une fois, la possibilité du snapback demeure. Mme Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, m'aura précédé d'un jour en Iran. J'ai été invité plusieurs fois à m'y rendre, et j'avais jusqu'à présent refusé ces invitations successives. Je pense qu'il est maintenant légitime d'y aller pour faire le point, et j'ai tenu à ce que cette visite n'ait pas de volet économique. Des chefs d'entreprises françaises se rendront en Iran à l'automne, mais je ne voulais pas donner à mes interlocuteurs le sentiment que nous avions signé l'accord en fonction de considérations commerciales. J'ai lu dans la presse des commentaires selon lesquels, lors de la reprise des échanges commerciaux avec l'Iran, la France serait pénalisée en raison de sa fermeté au cours de la négociation. Nous avons pris une position qui a finalement été suivie, et je pense que l'on gagne à être respecté. J'irai donc en Iran, où je rencontrerai notamment le président de la République islamique et mon homologue.

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