Dans le cadre de la préparation du plan stratégique, nous sommes en train de reformuler nos objectifs. Un séminaire stratégique, qui se tiendra le 24 juillet, réunira les membres du conseil d'administration de Bpifrance. Ces décisions ne seront cependant pas définitives. Après l'été, le conseil d'administration reviendra sur les aspects quantitatifs de ce plan à moyen terme.
En 2015, nous allons réaliser notre budget, qui prévoyait une croissance moins élevée qu'en 2014. Le montant des crédits à moyen et long terme avec prise de garantie ou d'hypothèque atteindra 3,9 milliards d'euros, pour 3,7 milliards 2014.
Le premier semestre a été en ligne avec notre budget, car, si nous avons éprouvé quelques inquiétudes en mars et en avril, le mois de juin a été extrêmement dynamique. Il confirme notre intuition. L'investissement est en train de repartir en France. Selon les prévisions de l'INSEE, l'investissement va croître de 0,6 % au troisième trimestre et de 0,8 % à 0,9 % au quatrième. Après six à sept ans durant lesquels il a connu une décroissance ou une stabilité, cette évolution constitue une excellente nouvelle.
Les prêts sans prise de garantie – les prêts de développement à sept ans avec deux ans de différé d'amortissement en capital – représenteront cette année 1,8 à 1,9 milliard d'euros. J'ai demandé à ce qu'on approche le chiffre de 2 milliards.
Pour le court terme, nous avons toujours une activité forte dans le préfinancement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Par rapport à l'an dernier, cette activité baisse en termes de flux, mais augmente en termes de stock, le préfinancement jouant de plus en plus sur plusieurs années. En 2015, le stock dépasse 3 milliards d'euros, les ouvertures nouvelles représentant environ 800 millions.
Le reste de notre activité de court terme – factoring, mobilisation de créances, etc. – connaît toujours une forte augmentation, de 7 % au premier semestre. Les résultats sont cependant un peu plus faibles pour la mobilisation de créances nées à l'étranger. Le produit que nous venons de lancer démarre plus lentement que prévu.
Pour l'innovation, nous distribuons cette année ce que nous avons, soit 1,2 à 1,3 milliard d'euros. Nous serons donc dans le budget.
La situation est plus contrastée en ce qui concerne les fonds propres. La partie capital-risque en direct – numérique, biotech, maladies rares – réalise de belles performances. Nous recevons un grand nombre de dossiers que nous examinons avec soin, car les valorisations commencent à être élevées.
Pour le capital-développement des PME, nous avons doublé la taille moyenne des tickets, les faisant passer en moyenne de 750 000 euros à 1,5 million d'euros. Nous tenions à réduire le nombre d'entreprises financées et à leur proposer plus d'argent pour leur permettre de se développer plus vite. Nous y sommes parvenus. En revanche, dans le segment des PME, nous n'avons pas atteint nos objectifs pour le nombre d'entreprises financées en fonds propres. En effet, les valorisations se sont envolées et nous sommes prudents quant à l'utilisation des deniers publics. Il ne faut pas s'emballer sur les achats car on le paie dramatiquement à la sortie – dans sept, huit ou dix ans. Par ailleurs, le marché est très animé par nos partenaires que nous finançons également en activité de fonds de fonds.
Pour le financement des ETI, l'activité de 2015 sera stabilisée par rapport à 2014, comme nous le voulions, et nous y ajoutons une participation importante prise dans Ingenico.
Via les fonds de fonds, nous investissons nos fonds propres ainsi que ceux de l'État, au titre du Programme des Investissements d'Avenir (PIA), de la Banque européenne d'investissement (BEI) et de partenaires privés. Nous sommes en baisse par rapport à l'an dernier, en raison des effets de millésimes. En 2015, peu de fonds sont levés, mais nous injecterons cependant sur le marché plus de 500 millions d'euros, ce qui est considérable. Dans les années qui viennent, nous continuerons de croître sur la base de 2015.
La période 2007-2014 a été terrible. Actuellement, en France, le montant de l'investissement est toujours inférieur de 10 % à ce qu'il était en 2007. Je rappelle que 10 % de l'investissement représentent un point de PIB. Une croissance de 0,2 % au premier trimestre et de 0,8 % au quatrième trimestre ne permettra pas de rattraper le retard.
Nous construisons précisément notre plan stratégique sur l'hypothèse que la France rattrapera son retard en investissement. Je signale au passage que le Royaume-Uni et l'Allemagne sont dans la même situation que nous. Nous pensons que toute l'Europe va se remettre à investir, ce qui justifie que nous croyions à la croissance de Bpifrance.
Selon notre plan stratégique, 2016 sera une année de croissance relativement faible, au cours de laquelle nous espérons que toutes les banques vont accélérer et que l'investissement repartira. En 2017 et 2018, nous attendons une trajectoire de 10 % de croissance par an, ce dont la France a absolument besoin.
Certains sous-objectifs seront plus difficiles à atteindre que d'autres. En matière de transition énergétique, l'année 2014, durant laquelle nous avons réalisé deux fois notre objectif, a connu une bulle. Beaucoup de développeurs se sont dépêchés de s'endetter avant que le mécanisme des tarifs de rachat garantis ne prenne fin. Il est normal que les résultats en 2015 soient plus faibles, même si nous consacrons plusieurs centaines de millions d'euros au financement de la transition énergétique. Dans les années qui viennent, si nous ne réalisons pas nos objectifs dans ce domaine, nous le ferons dans d'autres, comme l'Usine du futur. Nous atteindrons donc, quoi qu'il arrive, la croissance promise.
En ce qui concerne la mobilisation de créances nées à l'étranger, nous pensions atteindre 150 millions d'euros la première année. Nous n'en réaliserons que la moitié, mais nous serons à 150 millions l'an prochain. On constate parfois ces petits effets de décalage sur les nouveaux produits, un peu compliqués pour les équipes et les entrepreneurs.
Les résultats seront également plus faibles que prévu sur le crédit acheteur à l'export, qui démarre lentement mais sur lequel nous allons progresser. On peut expliquer cette situation par l'acculturation du réseau, le fait qu'il s'agisse d'un produit compliqué et l'obligation de bâtir le partenariat bancaire.
Cela dit, au total, nous réalisons nos budgets et nous continuerons de le faire.
La collectivité nous a confié 20 milliards d'euros, que nous rendrons, majorés du rendement attendu. Lors de la création de Bpifrance, on escomptait un retour sur fonds propres d'environ 4 %. Le plan stratégique que nous ferons valider cet été est fondé sur un taux non plus de 4 % mais de 3,5 %, d'une part parce que nous prenons plus de risques que prévu, d'autre part, parce que nous céderons moins de valeurs pour faire du résultat.
Il serait possible de réaliser un retour sur fonds propres de 6 % à 7 % en vendant tout et en encaissant les plus-values, mais ensuite nous nous retrouverions avec des ressources entamées. Bpifrance construit son autorité et sa réputation sur le long terme. Nous devons être capables de maintenir à travers le cycle un rendement sur fonds propres de qualité. Je ne veux pas d'une banque dont le rendement atteindrait 7 % à 8 % quand il fait beau et tomberait à 0 % quand le temps se gâte, comme le font les autres banques.
Dans la phase positive du cycle qui commence, je donne à mes équipes la mission de stocker des réserves, surtout en fonds propres car nous en aurons besoin quand la conjoncture se retournera. C'est pourquoi le plan stratégique ne prévoit aucune croissance sur l'activité d'investissement en fonds propres dans les prochaines années. Nous ne sommes pas là pour alimenter la bulle, que ce soit en fonds de fonds ou par nos investissements directs.
Le taux de 3,5 % correspond au retour sur fonds propres moyen de tous les métiers, sachant que les chiffres varient pour chacun d'eux. Pour le crédit, le retour sur fonds propres se situe entre 5 % et 6 %. Pour la garantie, il est nul puisqu'il ne s'agit pas de nos fonds propres. Pour l'innovation, comme l'État débudgétise, le rendement est fortement négatif. Pour le capital-risque, il est de 2 % au bout de dix ans. Pour le capital-développement des PME – le petit capital-développement risqué des territoires –, il atteint 3 % au bout de dix ans. Pour le capital-développement des ETI, l'ancien Fonds stratégique d'investissement (FSI), il est de 5 %. Pour les sociétés cotées, c'est le CAC, pour lequel nous avons établi une hypothèse de croissance de 4 % à 5 % par an. Et pour les fonds de fonds, qui financent du capital-risque et du capital-développement des PME, le rendement est de 3 % au bout de dix ans.
À l'heure actuelle, les taux de rendement d'Ardian, Paribas Affaires Industrielles, Eurazeo ou de sociétés qui font du LBO (leveraged buy out) ou du capital-développement PME très sélectif, se situent entre 15 % et 30 %, ce qui signifie qu'il s'agit de segments risqués. Aucune entreprise privée n'accepterait des rendements aussi faibles que ceux dont peut se contenter une banque publique.
Vous m'avez demandé si le taux de sinistralité sur les crédits était trop faible. C'est le cas – de manière impressionnante – pour l'ensemble de la profession bancaire. Tout le monde se demande où est le risque. Il est forcément quelque part et il va finir par sortir de sa boîte. En 2014, le coût du risque net de reprise de provisions était de 36 millions d'euros. Nous avons fait une quinzaine de reprises de provisions, ce qui représente 50 millions bruts. On doit y ajouter ce qu'on a brûlé dans les fonds de garantie, car, quand nous consentons des prêts de développement, nous les auto-garantissons sur nos fonds à hauteur de 60 % à 70 %. La part non garantie est totalement en blanc. Elle se retrouve dans les 36 millions, alors que la partie garantie est imputée sur les fonds de garantie. Nous brûlons ainsi environ 100 millions d'euros par an.
De ce fait, nous avons besoin d'une dotation de l'État et nous avons aussi mis en place un dispositif de recyclage du dividende pour les trois prochaines années. Au total, nous brûlons 150 millions d'euros par an en coût du risque. Ce montant n'est pas très élevé pour un encours de 22 milliards, mais il n'est pas non plus négligeable. Il faut rapporter cette somme au résultat net de Bpifrance Financement, qui est de 100 millions. Si la proportion paraît raisonnable, on ne doit pas aller au-delà.
Il faut noter que la sinistralité du préfinancement du CICE est en train de monter. Pour Altia, dont Bpifrance était actionnaire, nous avons choisi de préfinancer massivement le CICE, alors que nous savions le groupe était en train de tomber. Dans les comptes de 2015, nous enregistrons de ce fait une perte de 5 millions d'euros. Quand il faut prendre un risque, nous sommes prêts à le faire, mais nous le payons, car rien n'est jamais gratuit dans nos métiers.
Enfin, il faut distinguer le taux de sinistralité bancaire de celui des fonds propres, ceux-ci étant dix à quinze fois plus risqués. Il faut être très prudent en matière de fonds propres, car ils peuvent faire perdre beaucoup plus. Rappelons-nous ce que nous avons perdu sur Sequana ; même si nous en regagnerons la moitié, nous avons provisionné 55 millions. Rappelons-nous aussi ce que nous avons perdu sur Cegedim, entreprise cotée, achetée par le FSI, qui a été frappée de plein fouet : nous avions provisionné 90 millions d'euros, soit le résultat net d'une année de la banque. Nous sommes donc très prudents dans ce secteur.
Nous avons atteint un bon niveau d'équilibre entre les risques qu'on nous demande de prendre, grâce aux fonds de garantie et à nos faibles exigences en matière de retour sur fonds propres, et la discipline du résultat, qui fait que nous rendrons les montants qu'on nous a donnés.