Intervention de Nicolas Dufourcq

Réunion du 7 juillet 2015 à 16h00
Mission d'information commune sur la banque publique d'investissement, bpifrance

Nicolas Dufourcq, directeur général de la Banque publique d'investissement BPI-Groupe :

En trente mois, la BPI a prouvé qu'elle était capable de s'acquitter de son mandat, qui lui prescrit de mener de front le soutien de l'entreprenariat français et de la politique industrielle, le développement de l'innovation, la préparation de l'avenir du pays, l'absorption d'une partie du stress français et la discipline du résultat.

Nous sommes sans a priori. Quand un cabinet ministériel nous demande de regarder un dossier, nous le faisons toujours, considérant qu'il serait arrogant de refuser. Je précise que, sur des dossiers qui sont arrivés par nos propres canaux ou ceux de nos partenaires de marché – car nous co-investissons toujours en fonds propres –, nous avons pu connaître des sinistres importants. Il serait simpliste d'opposer ce qui vient du politique, et conduirait inévitablement à des pertes, et ce qui est issu du privé, dont les résultats seraient mirobolants. Nul n'avait demandé au FSI d'investir dans Cegedim. Le dossier Sequana est venu de Fiat, qui en était actionnaire, et de l'assureur allemand Allianz. Tous deux sont venus nous dire qu'ils remettaient de l'argent dans l'entreprise et nous proposaient de faire de même. On voit qu'il n'y a pas lieu d'être manichéen.

En revanche, quand nous pensons qu'il ne faut pas suivre, nous sommes raides comme la justice. Ce « nous » désigne, outre moi-même, nos comités d'investissement composés d'administrateurs indépendants comme Frédéric Saint-Geours, Florence Parly, Martine Gerow, Éric Lombard et Amélie Faure. Dans un comité d'investissement, il n'est jamais arrivé que les représentants de la CDC ou de l'Agence des participations de l'État (APE) nous somment d'intervenir. Aucun des dossiers qui a défrayé la chronique comme Florange, Pétroplus, Kem One, Mory ou Fagor n'a reçu la participation de Bpifrance. Le seul ayant une dimension territoriale très forte concernait le groupe Gascogne. Nous l'avons retenu parce que, raides comme la justice, nous avons appliqué notre doctrine en matière de retournement : dès lors qu'il y a un repreneur qui apporte beaucoup de capital et prend son risque d'entrepreneur, il faut le suivre. Dominique Coutière a investi quinze millions. Nous en avons apporté onze.

Nous sommes intervenus dans d'autres dossiers de restructuration, comme Clestra, pour accompagner le repreneur Jacques Veyrat. Nous avons aidé CPI, le plus grand imprimeur européen, dans les mêmes conditions, le repreneur étant cette fois Impala.

Certains dossiers hérités du FSI ont fait l'objet d'une décision collégiale à haut niveau. C'est le cas d'Altis, fabricant de semi-conducteurs situé à Corbeille-Essonne, sur lequel nous nous sommes engagés pour plusieurs dizaines de millions d'euros en obligations convertibles. Les équipes ont beaucoup hésité, mais l'entreprise, qui met en oeuvre une technologie si rare qu'elle a du mal à produire ses commandes, est en train de repartir. Nous sommes dans un monde incertain, ce qui suppose des outils de gouvernance très clairs.

Pour l'innovation, l'État nous donne à la fois beaucoup et peu d'argent. Le PIA se monte à des centaines de millions d'euros. En revanche, pour les petites aides à l'innovation que nous attribuons à 3 500 entreprises par an, il n'y a pas assez de financements et pourtant elles sont tout aussi importantes, peut-être plus. Pour avoir livré bataille à plusieurs reprises, je pense que les pré-arbitrages budgétaires nous accorderont un minimum, mais avoir un minimum est insuffisant. Il faut 200 millions d'euros par an pour financer les prêts à taux zéro et les avances remboursables et nous ne l'avons pas. C'est bien beau de mettre des milliards dans les programmes collaboratifs mais si nous ne pouvons pas accorder 4 000 aides à l'innovation par an – aide sans laquelle aucune boîte française n'aurait pu démarrer –, on tue l'écosystème.

C'est pourquoi nous n'hésitons pas à faire entendre notre voix sur le sujet. Nous ne pouvons pas accepter que le programme 192 soit débudgétisé, d'autant que, compte tenu de ce que dépense l'État et des effets multiplicateurs, les montants en jeu ne sont pas considérables. Le Danemark, la Suède ou la Finlande dépensent cinq fois plus que nous en matière d'aide à l'innovation.

Enfin, vous m'avez interrogé sur la segmentation de l'offre. Les TPE sont financées par nos banques partenaires, sauf pour le préfinancement du CICE et le nouveau petit prêt. Pour l'économie sociale et solidaire, nous intervenons en complémentarité avec la Caisse des Dépôts, financeur historique des réseaux d'accompagnement et de micro-crédit, et des réseaux bancaires privés par le biais de petits prêts de développement (sans garantie), comme le prêt ESS et le prêt quartiers. Pour les PME, le couteau suisse n'a que trois lames : le prêt de développement sans garantie à sept ans avec deux ans de différé, le crédit-bail et le prêt à long et moyen terme. Pour les ETI, l'offre est la même, à ceci près qu'on ne peut pas faire de garantie. La garantie de l'ex-Sofaris concerne les PME. Enfin, il y a les fonds propres. Nos clients jugent l'offre assez simple.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion