Intervention de Bruno Hug de Larauze

Réunion du 9 juin 2015 à 16h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Bruno Hug de Larauze :

Nous touchons du doigt l'un des sujets principaux.

Il est intéressant de se dire qu'à partir du moment où l'on travaille bien sur les trois sujets – gouvernance, clarification des compétences et visibilité –, la conception stratégique peut être définie en partenariat entre ceux qui auront la compétence économique de par la loi – je ne porte pas de jugement politique car je pense que les métropoles seront aussi concernées –, les chambres de commerce et les représentants de l'État.

Les préfets de région, à ma connaissance, sont contents de trouver des effectifs dans les chambres pour remplir un certain nombre de missions de l'État. Du coup, cette contractualisation se fait « donnant-donnant ». Si l'on tuait cette relation de proximité, ce serait dramatique. La question qui se pose, c'est de savoir quel est le territoire de proximité pertinent. En l'occurrence, il ne faut surtout pas généraliser ; il y a des endroits où c'est l'échelon départemental et d'autres où c'est plutôt l'échelon métropolitain.

On ne sait discuter, en France, que lorsqu'il y a une loi qui précise les compétences. Les chambres de commerce n'ont pas besoin que l'on prenne des textes, elles souhaitent simplement que, une fois les textes pris, l'engagement soit respecté dans la durée. Si on contractualise, en matière d'action économique, au niveau régional entre les agences et les chambres, c'est parfait. Si on contractualise au niveau départemental, c'est également parfait. Si on contractualise au niveau de l'intercommunalité, c'est encore parfait.

Nous avons un débat actuellement en Pays de Loire. La CCI de la Mayenne est en train de discuter avec le conseil départemental en vue d'une expérimentation sous la houlette de la région. On aurait pu se heurter au veto de la région, mais cela n'a pas été le cas. En même temps, un dialogue est en cours avec l'intercommunalité d'Angers sur le développement des objets connectés. En réalité, le projet compte plus que le statut, dès lors qu'on a bien clarifié les trois éléments dont je parlais.

Nous passons notre temps en postures, nous nous occupons sans cesse de tuyauterie, et c'est un tort. Il faut que les territoires puissent travailler sur des projets structurants, ce qui n'est pas possible si l'on oppose public et privé à chaque échelon.

Je voudrais terminer en évoquant quelques exemples.

Je commencerai par Neopolia, à Saint-Nazaire, seul groupement visité par tous les Présidents de la République et tous les Premiers ministres. Saint-Nazaire, c'est STX, le dernier chantier naval français. STX a eu, à un moment, des « trous » dans ses commandes. Plutôt que de perdre des compétences professionnelles, on a décidé localement – « on », c'est-à-dire les chambres, les syndicats, la région, la ville, l'État – de tout faire pour les conserver, car les perdre, c'était perdre le chantier. Quand nous avons commencé, en 1998, nous avions un volet formation. Puis, petit à petit, en travaillant avec les chefs d'entreprise, nous y avons ajouté un volet stratégique – et c'est de cette façon qu'est né le programme Dinamic Entreprises. Tous les clients de STX sont des compagnies étrangères; ce sont souvent des compagnies américaines. Si le chantier avait perdu sa sous-traitance, qui représentait 75 % de sa valeur ajoutée, il n'aurait plus été capable d'honorer une seule commande de paquebot.

Si j'ai choisi cet exemple, c'est pour montrer que la plupart des entreprises ne sont performantes que quand elles ont un écosystème performant.

Il y a trois ans, pour la première fois, une commande a été prise avec le sous-traitant comme donneur d'ordre. Les sous-traitants, par leur compétence, ont reçu une commande de navires fluviaux qui, auparavant, étaient construits en Belgique et aux Pays-Bas, et ont sous-traité aux Chantiers de l'Atlantique qui avaient les formes.

C'est extraordinaire. S'il n'y avait pas eu les chambres pour incuber ce futur, le faire évoluer en fonction des réalités, développer les compétences académiques, développer des centres de recherche, des écosystèmes, personne ne l'aurait fait. Il fallait une fonction transversale, dans la mesure où le projet concernait tous les domaines. Si la chambre de Saint-Nazaire n'avait pas eu l'appui de la chambre régionale, elle n'aurait pas pu y arriver seule. C'est aujourd'hui le sujet principal.

Nous avons également procédé de cette façon dans l'électronique et les objets connectés ; dans ce cas nous avons soutenu le pôle d'Angers.

S'agissant des énergies marines renouvelables, le processus est né, cette fois, de la chambre régionale. Aujourd'hui, il bénéficie à la chambre de Vendée, comme à celle de Loire-Atlantique. Il s'agit d'un pôle sur les énergies marines renouvelables, avec des activités de recherche, mais aussi des sièges sociaux qui viennent de Barcelone pour s'installer à Nantes. Cela amène du cash dans les territoires, en faisant venir des gens attirés par un écosystème performant.

Aujourd'hui, cette capacité à percevoir les signaux faibles, à investir sur les petits ruisseaux qui feront demain les grandes rivières, est l'apanage des chambres qui opèrent dans un écosystème performant. Le jour où l'on cassera cette capacité transversale, le risque est grand que l'on aille vers le clientélisme, chacun se disant : « Pour faire des économies, prenons dans le budget des autres...». Si les écoles de commerce disparaissaient, on ne le verrait pas tout de suite. Puis, tout à coup, on se dira qu'on ne sait plus très bien comment pratiquer les expérimentations, etc. Ce serait dramatique.

Il ne s'agit pas d'être nostalgique, mais de créer l'avenir. C'est ce que nous essayons de faire, avec un engagement contractualisé très fort avec la région. Je serais très favorable à ce qu'on supprime une partie du millefeuille, mais, dans les domaines où cela fonctionne, il ne faut pas qu'on nous coupe l'herbe sous le pied.

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