Il ne l'a pas fait en 2015. L'examen de la loi de finances fait apparaître une baisse de 11 milliards d'euros sur trois ans, qui ne correspondait en fait qu'à l'effort accompli par les collectivités territoriales – car il faut bien distinguer les dépenses des collectivités territoriales de ce qui leur est alloué par l'État. Lorsque les collectivités ont développé des services locaux, donc augmenté les dépenses, elles n'ont pas pour autant précipité le pays dans les difficultés, puisqu'elles ne sont pas en situation de déficit primaire et que leur dette est restée quasiment constante en pourcentage du PIB. Si l'État donne beaucoup d'argent, c'est parce qu'il a supprimé des ressources. Cela remonte à la fin de la taxe locale sur le chiffre d'affaires : si l'État n'avait pas supprimé une partie des impôts locaux, il n'aurait rien eu à payer en contrepartie. Certains diront que les impôts locaux étaient devenus économiquement inefficaces, mais cela reste à démontrer à l'heure où, après avoir généralisé la TVA, on parle de l'augmenter et de remplacer une partie des cotisations sociales par cette taxe – ce qui me paraît intéressant. En tout état de cause, la rupture de l'engagement du pouvoir central de maintenir les ressources des collectivités locales pose un problème d'ordre moral.
En ce qui concerne le patrimoine des collectivités locales, je pense que le changement a déjà eu lieu depuis longtemps. Il y a trente ans, on considérait que les propriétés publiques étaient inaliénables, mais il n'en est plus de même aujourd'hui : si un bien est utile à l'exercice d'un service public, on le garde, en revanche s'il n'est pas utile et si on ne lui imagine aucune utilité, il n'y a aucune raison de le garder. Aujourd'hui, cet arbitrage entre dans les moeurs – même si ce n'est pas forcément à la même vitesse partout. Certaines collectivités ont imaginé de vendre un élément de leur patrimoine pour le louer ensuite, ce qui a eu pour effet d'alléger considérablement leur dette – et d'augmenter leurs dépenses de fonctionnement. Dans ce domaine, j'estime qu'il revient à chaque collectivité de faire les choix de gestion qu'elle estime être les mieux adaptés à son cas.
Vous avez évoqué la distinction entre déficit structurel et déficit conjoncturel. Pour moi, le fait d'avoir défini des critères sur un plan budgétaire sans s'interroger sur les conséquences d'en faire des objectifs économiques a été source d'erreur, dont on paie aujourd'hui les conséquences. Certains investissements génèrent des dépenses, mais nombre d'équipements déjà en place ne seront pas à refaire avant longtemps : on ne construira sans doute plus beaucoup de théâtres – l'essentiel est de faire en sorte que l'on ne ferme pas ceux qui existent –, de piscines et d'écoles. En revanche, beaucoup reste à faire en matière d'infrastructures, en particulier de voirie, avec tous les problèmes normatifs que cela implique. Je pense notamment à l'amiante, que l'on trouve fréquemment dans les revêtements routiers et dont l'élimination est chère et soumise à des protocoles très stricts, y compris lorsqu'il s'agit d'amiante présent naturellement – je souligne que le contexte normatif qui peut sembler contraignant ne nous est pas imposé de l'extérieur, par l'Europe : c'est nous qui l'avons mis en place.
Pour ce qui est du développement des transports publics, il va engendrer des coûts, certes, mais c'est un choix. En tout état de cause, le développement des infrastructures nous paraît constituer une priorité, en ce qu'il s'agit d'un élément essentiel de l'attractivité du pays. Il en est de même – en partie – pour les dépenses liées à l'éducation et à la formation ; d'ailleurs, je suis d'accord pour considérer que les dépenses liées à l'éducation et à la formation peuvent également être considérées comme des dépenses d'investissement, même si la normalisation des comptes ne le permet pas vraiment.
Si nous n'avons pas été consultés au sujet des modalités de mise en oeuvre du fonds d'investissement de un milliard, nous avons cependant fait des propositions, dont certaines pourraient être reprises. Ainsi, nous avions souligné que l'augmentation de 200 millions d'euros de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) figurant dans la loi de finances pour 2015 était une bonne chose : son renouvellement pour 2016 pourrait donc constituer l'un des fléchages du fonds d'investissement.