Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les députés, le Président de la République l’a annoncé le 7 septembre dernier : la France a décidé de procéder à des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie.
Comme le prévoit l’article 35, alinéa 2, de la Constitution, j’ai immédiatement informé les présidents des deux assemblées et j’ai décidé d’organiser ce débat au début de la session extraordinaire, ici, avec le ministre de la défense, et au Sénat, avec le ministre des affaires étrangères. Je tiens à vous expliquer pourquoi nous intervenons, dans quel contexte, et à vous dire les objectifs que se fixe la France.
Vous le savez, le chaos règne en Syrie. Il déstabilise l’ensemble du Moyen-Orient. Il constitue le repaire des terroristes djihadistes, à la fois de Daech comme d’autres groupes dans la mouvance d’Al Qaïda, comme Jabhat al-Nosra. Il alimente le drame des réfugiés, qui fuient non seulement Daech, mais aussi et surtout – ne l’oublions jamais – la barbarie du régime de Bachar al Assad.
Au cours des derniers mois, les territoires contrôlés par les groupes terroristes se sont étendus sur le sol syrien ; une progression qui a déstabilisé plus encore l’ensemble de la région. Soyons lucides : cette avancée de Daech est avant tout le résultat du calcul cynique de Bachar al Assad. Daech a d’abord été l’instrument pour prendre l’opposition modérée en étau, puis pour l’écraser. Ce fut, aussi, pour le régime, la terrible justification de crimes, de l’emploi d’armes chimiques, contre sa propre population. Aujourd’hui, le résultat, c’est l’abandon aux mains des djihadistes de régions entières. Dorénavant, c’est tout le grand Est syrien, c’est-à-dire 30 % de la Syrie, qui constitue pour Daech un solide bastion, avec les conséquences funestes que nous connaissons.
La première conséquence, je l’ai dit, c’est la menace pour notre sécurité. Nous le savons, la menace djihadiste – celle dirigée contre la France – provient des zones que Daech contrôle. Il y a, en Syrie, des centres de commandement de cette organisation. C’est également depuis la Syrie que s’organisent les filières qui recrutent de nombreux individus voulant prendre les armes, mener les combats là-bas, mais aussi frapper, en retour, leur propre pays. C’est, enfin, en Syrie que se structure et s’alimente la propagande qui, par la mise en scène de la violence, irrigue constamment les réseaux sociaux, notamment francophones. À ce jour, nous l’avons souvent rappelé avec le ministre de l’intérieur, entre 20 000 et 30 000 ressortissants étrangers sont recensés dans les filières irako-syriennes. Nous estimons le nombre de Français ou des résidents en France enrôlés dans les filières djihadistes à 1 880 : 491 sont sur place, 133 ont à ce jour trouvé la mort et de plus en plus au travers d’actions meurtrières, sous forme d’attentats suicides.
Deuxième conséquence : dans cet immense espace, Daech impose sa domination. Daech est plus qu’une organisation terroriste voulant fédérer différents mouvements d’un djihadisme composite. C’est un nouveau totalitarisme qui dévoie l’Islam pour imposer son joug. Il ne recule devant rien : massacre de mouvements de résistance, mise en scène de la torture et de la barbarie, asservissement des minorités, trafics, vente d’êtres humains. Il y a aussi l’anéantissement systématique de l’héritage culturel et du patrimoine universel de cette région : le tombeau de Jonas, le musée et la bibliothèque de Mossoul, les ruines assyriennes de Nimrod ou encore les vestiges antiques de Palmyre. C’est une part de l’humanité et de son génie qui s’envole à jamais.
La troisième conséquence – elle est intimement liée à la deuxième –, c’est bien sûr le drame des réfugiés. La Syrie, aujourd’hui, est un peuple décimé, dispersé. Plus de 250 000 morts en quatre ans, dont 80 % sous les coups du régime et de sa répression. C’est un peuple déplacé. Des millions de Syriens sont pris en étau sur le territoire, entre la répression de Bachar al Assad et la barbarie de Daech. C’est un peuple, enfin, réduit à l’exil. Quatre millions de Syriens se sont réfugiés dans les camps du Liban, de Jordanie et de Turquie. Ils ont souvent un seul espoir : atteindre l’Europe pour y trouver l’asile. La crise des réfugiés est la conséquence directe et immédiate du chaos syrien. Nous y consacrerons, ici même, le débat de demain.
Mesdames, messieurs les députés, depuis le mardi 8 septembre, nos forces aériennes survolent donc la Syrie. Il s’agit d’abord et avant tout d’une campagne de renseignement grâce à des vols de reconnaissance. Plusieurs missions ont d’ores et déjà été réalisées. Cette campagne durera le temps qu’il faudra, plusieurs semaines certainement.
Nous devons mieux identifier et localiser le dispositif de Daech pour être en mesure de le frapper sur le sol syrien et d’exercer ainsi – je veux le souligner tout particulièrement – notre légitime défense, comme le prévoit l’article 51 de la Charte des Nations unies. Ces missions de reconnaissance sont conduites à titre national, en pleine autonomie de décision et d’action.
Pleine autonomie de décision, car nous choisissons seuls les zones de survol où porter notre recherche.
Pleine autonomie d’action car, le Président de la République l’a encore dit hier, des frappes seront nécessaires. Et nous choisirons seuls les objectifs à frapper. Mais bien sûr, il est hors de question que, par ces frappes, nous contribuions à renforcer le régime de Bachar al Assad.
Ces missions, coordonnées – pour des raisons opérationnelles évidentes – avec la coalition que dirigent les États-Unis, s’appuient sur les moyens actuellement mobilisés dans le cadre de Chammal. Douze Rafale et Mirage 2000, un Atlantique 2 et un ravitailleur Cl35 sont engagés. Notre frégate Montcalm, déployée en Méditerranée, continue, quant à elle, de collecter les renseignements sur la situation en Syrie. Et je veux rendre devant vous hommage à l’action de nos soldats engagés au Levant.
Le 16/09/2015 à 09:02, laïc a dit :
" C’est un nouveau totalitarisme qui dévoie l’Islam pour imposer son joug."
M. Valls est-il le nouveau prophète de l'islam pour nous dire ce qu'est l'islam ? Même les théologiens musulmans les plus chevronnés ne sont pas d'accord entre eux pour dire ce qu'est l'islam, alors de quelle légitimité M. Valls, ministre de la République, et non pas de Dieu (ou des dieux...), peut-il se prévaloir pour affirmer son autorité sur l'islam et dire ce que le croyant doit en penser ou ne pas en penser ?
Louis XVI lui même, roi de droit divin, aurait eu quelques peines à imposer son point de vue religieux au Pape et à l'Eglise, alors, en république laïque, ne soyons pas plus absolutiste que le plus absolutiste des rois, et regardons la loi plutôt que la religion. Si la religion enfreint la loi, nationale ou internationale, sanctionnons la religion, si elle la respecte, respectons-là, mais ne nous arrogeons pas le droit de la redéfinir pour des convenances politiques personnelles.
Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui