Intervention de Philippe Nauche

Séance en hémicycle du 15 septembre 2015 à 16h00
Déclaration du gouvernement sur l'engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Nauche :

Le 30 juin dernier, lors de son audition devant la commission de la défense, le ministre de la défense affirmait que le théâtre syrien se trouvait dans une situation d’atomisation croissante, dans laquelle aucune force ne semble prendre le dessus militairement. Entre l’opposition modérée, les forces armées du régime en place, les groupes insurgés alliés au Front Al Nosra et les forces de Daech, la Syrie est en proie à un véritable chaos où – je cite le ministre de la défense – « il est parfois difficile d’identifier qui combat et contre qui ». Envoyer des soldats français dans un tel bourbier relèverait de la pure folie et ne peut être considéré avec sérieux lorsqu’on a le sens des responsabilités. Comme l’a rappelé tout à l’heure le Premier ministre, il s’agit bien, si cela se révèle possible, d’accompagner les forces régionales qui pourraient se coaliser et intervenir au sol avec toute la légitimité nécessaire. Il nous faut donc continuer à former les troupes irakiennes et à leur donner l’appui de la coalition. Oui, cela prendra du temps, mais une guerre comme celle-ci ne peut se gagner qu’avec une vision stratégique de long terme, quand précipiter les événements par des opérations hasardeuses serait contre-productif.

C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, républicain et citoyen apporte tout son soutien à la poursuite de l’opération Chammal et à son extension au territoire syrien, telle que décidée par le chef de l’État. Les vols de reconnaissance permettront de renforcer considérablement notre capacité autonome d’appréciation de la situation sur le terrain en Syrie. Cela permettra les actions qui seront jugées nécessaires sur les centres névralgiques et logistiques de Daech, qui constituent aussi la base arrière de leurs attaques contre notre population. En tant que membre de la délégation parlementaire au renseignement, je souhaite souligner à quel point cette autonomie en termes de recueil d’informations, puis d’analyse en temps réel, est précieuse. Ce sont ces éléments qui permettent d’avoir une autonomie de décision concernant nos propres objectifs, en coordination, bien sûr, avec nos alliés.

Notre action en Syrie est donc dans la suite logique de celle que nous entreprenons en Irak. Ce n’est bien sûr en aucun cas – le Premier ministre vient de le rappeler – un geste de soutien au régime de Bachar Al-Assad, qui a contribué à la création du monstre Daech et massacré impunément sa population.

À ce titre, l’adoption, le 17 août dernier, d’une déclaration du conseil de sécurité des Nations unies en soutien à un processus de transition politique en Syrie sous l’égide de Staffan de Mistura, envoyé spécial du secrétaire général, a peut-être marqué un tournant dans la recherche d’une solution politique. En effet, c’est la première fois depuis deux ans qu’a été trouvé un consensus au sein du conseil de sécurité et de ses cinq membres permanents sur la nécessité de mettre en place un gouvernement de transition, doté des pleins pouvoirs exécutifs, conformément aux principes du communiqué de Genève.

Monsieur le Premier ministre, dans la continuité de ce consensus et du succès diplomatique que constitue l’accord sur le nucléaire iranien, il est nécessaire de rendre possibles les accords de Genève III, cette fois-ci suivis d’effets et avec la participation à la fois des pays voisins de la Syrie – vous les avez cités tout à l’heure – et des puissances régionales que sont la Russie et l’Iran. Je crois pouvoir parler au nom de l’ensemble de mes collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen, en encourageant de nouvelles négociations qui permettraient, sans Bachar Al-Assad mais avec les éléments alaouites « raisonnables » du régime, de constituer un gouvernement de transition avec l’opposition modérée.

Notre action militaire est une condition nécessaire pour enrayer la progression des groupes terroristes, mais elle ne peut suffire à elle seule. Sans une formation solide des forces irakiennes qui ont vocation à intervenir sur le terrain, sans un règlement politique de l’imbroglio syrien, l’idéologie funeste et les exactions barbares de Daech continueront de prospérer sur les ruines de notre impuissance diplomatique, tandis que l’action militaire ne pourra, au mieux, que les contenir.

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