Je souhaite revenir sur la chronologie des faits. Le 24 juillet 2014, Laurent Fabius avait lui-même rappelé la règle pacta sunt servanda – les accords doivent être honorés – en ce qui concerne le contrat sur les Mistral, en toute connaissance de cause, c'est-à-dire malgré les difficultés sur le dossier ukrainien à ce moment-là et face à la position du gouvernement américain, qui avait ouvertement regretté que Paris n'ait pas décidé une suspension du contrat.
Dans un deuxième temps, il a été décidé de suspendre, puis, finalement, de résilier le contrat. Enfin, troisième acte, le Président de la République a déclaré hier qu'il proposerait une réunion sur la situation en Ukraine avec les dirigeants russe, allemand et ukrainien avant la session de l'Assemblée générale des Nations unies, en indiquant qu'il « plaiderait pour la levée des sanctions » si le processus de Normandie aboutissait favorablement. Je vous le dis franchement : j'ai du mal à suivre !
S'agissant du prix, nous savons compter et nous ne pouvons pas gober que cela ne coûte que 57 millions ! À quel prix réussirons-nous à refourguer – passez-moi l'expression – ces deux bateaux ? Je l'ignore, mais je doute fort que nous les revendions au même prix. En tout cas, pour le moment, le différentiel que vous avez évoqué est de 1 milliard. En comptabilité publique comme privée, lorsque l'on établit une provision, on doit tenir compte de la pire des situations, à savoir, en l'espèce, de l'éventualité de voir cet actif nous rester sur les bras !
D'autre part, pourriez-vous être plus précis sur le coût du démontage et du transport des équipements russes, puis de leur remplacement par des éléments normalisés ?
Surtout, il y a le prix du ridicule et la question de la crédibilité en tant que vendeur, à laquelle faisait allusion Laurent Fabius. Une semaine après avoir déclaré qu'il serait inconcevable que la France livre les Mistral, un ministre allemand a estimé, lors d'un déplacement à New Delhi, qu'il serait absurde que l'Inde achète des Rafale à la France, car on voyait bien qu'elle n'était pas un partenaire fiable en matière de livraison d'armes ! J'ai d'ailleurs communiqué cette information au ministre concerné.
Au moment de la vente des Mistral, en 2011, nous connaissions déjà la nature du régime russe et les difficultés qu'il pouvait créer tant sur le plan intérieur que sur le plan international. Nous ne l'avons pas découvert à l'occasion de la crise ukrainienne ! Peut-être avions-nous mal évalué les choses à l'époque, une telle évaluation étant par nature très difficile. Quoi qu'il en soit, dès lors que nous vendons des équipements militaires à des pays qui peuvent créer des difficultés dans quelques années, nous risquons de nous retrouver dans une situation analogue : avoir soit à honorer un contrat dans des conditions difficiles, soit à le rompre avec toutes les conséquences qui en découlent.