Intervention de Jacques Rapoport

Réunion du 12 décembre 2012 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jacques Rapoport :

Je vous remercie de ces questions.

Malgré les lourds défis que vous avez également soulignés, je ne peux pas m'empêcher d'être serein, sans pour autant être naïf, pour une raison fondamentale : les Français aiment le train. L'histoire a montré que l'on finit par trouver les solutions lorsque l'on est déterminé à faire en sorte qu'un pôle d'excellence français le demeure et se développe. Je ne doute donc pas que nous les trouverons.

J'ai d'autant moins de doutes que les évolutions de ces dernières années, avec les Assises du ferroviaire, la création de RFF, la modernisation de la SNCF ou la régionalisation des TER, montrent que beaucoup a d'ores et déjà été fait. Si les défis sont immenses, les leviers qui ont été mis en place et qui continueront de l'être doivent permettre d'y faire face.

Il n'en est pas moins vrai que la question de la dette est considérable. Nous sommes confrontés à un déséquilibre qui n'est pas comptable mais économique entre les 7 milliards de coût du réseau et les 6 milliards de ressources puisque, parmi les 7 milliards, nous comptons un milliard de frais financiers. L'équilibre économique, en réalité, n'est pas loin d'être assuré, les péages et les subventions qui s'y substituent, notamment pour le fret, parvenant à couvrir à peu près les coûts du réseau à proprement parler, hors le financement des 30 milliards de dette. Cette réponse ne résout rien, j'en suis bien conscient, mais il faut l'avoir à l'esprit. Le système produit un milliard de dette chaque année, c'est exact, parce que la dette crée de la dette, mais il peut grosso modo fonctionner.

Pour faire face à la dette, je n'entrerai pas dans le débat qui consiste à se demander s'il faut faire payer le contribuable ou l'usager. Je suis en tout cas convaincu qu'une partie de la réponse se trouve dans le système ferroviaire lui-même. Certains d'entre vous ont souligné avec raison qu'il comporte des gisements de productivité. Comme nous l'avons constaté avec La Poste, des gains de productivité sont en effet possibles dans toutes les grandes organisations publiques ou privées, non parce que les salariés se reposeraient trop ou ne travailleraient pas assez mais parce que l'évolution des méthodes de travail et des technologies permet que des activités traditionnelles changent tout en améliorant le service rendu aux usagers, aux clients ou aux administrés, et en favorisant ainsi une plus grande productivité. Les méthodes de maintenance, par exemple, peuvent évoluer. La maintenance prédictive – et non plus curative – repose par exemple sur des techniques très complexes qui nécessitent de disposer d'ingénieurs de très haut vol, et nous les avons.

S'agissant des modes de financement, l'expérience des dernières années a montré qu'une contribution du secteur privé constitue un mécanisme régulateur à condition qu'il s'inscrive dans le cadre d'une mainmise publique. Il n'est pas question de déléguer le cahier des charges mais une partie de son exécution.

Enfin, je souscris à l'idée selon laquelle la concurrence est un aiguillon favorisant la mise en place de dynamiques plus efficaces mais, là encore, à condition qu'elle soit régulée. J'insiste : la régulation de la concurrence concerne certes l'aspect social mais, également, l'aspect technique. Dans des activités de très long terme comme le ferroviaire, il est possible de réaliser de la productivité à court terme, que l'on engrange, mais qui se répercute plus tard.

Quoi qu'il en soit, le système ferroviaire pose une question de finances publiques.

S'agissant des choix d'investissement et des priorités d'action, nous avons des besoins importants en matière de rénovation dans les zones urbaines mais, également, en matière de modernisation, afin de faciliter le trafic fret. Nous devons veiller à l'équilibre des territoires en maintenant des circulations ferroviaires dans les zones qui en ont vraiment besoin et en développant des lignes nouvelles.

M. Gilles Savary a souligné combien il est difficile de concilier rénovation et modernisation d'un côté et développement de l'autre. Ma conviction de technicien, c'est que la préservation du patrimoine est la première des priorités. Nous devons également trouver le bon équilibre entre les milieux urbain et rural, l'aménagement du territoire et la préservation des zones les plus fragiles. Tout le monde sait que de graves problèmes se posent en région parisienne, notre réseau étant complètement saturé alors que le trafic ne cesse d'augmenter. C'est d'ailleurs assez étonnant puisque, lorsque je travaillais à la RATP, nous considérions que ce dernier était indexé sur le PIB alors qu'il augmente plus vite, ce qui soulève des problèmes considérables parce que les ressources, elles, dépendent évidemment du PIB. J'ajoute que la rénovation des lignes en zones urbaines est particulièrement délicate puisque cela suppose d'interrompre le trafic dans des zones très denses.

En ce qui concerne le GIU dans le PPU, Madame Lignières-Cassou, il est évidemment hors de question d'attendre 2015. Le projet de loi, selon le ministre, sera déposé à l'été 2013, après la mission de M. Jean-Louis Bianco et les discussions qui s'en suivront entre le Gouvernement et toutes les parties prenantes. On peut raisonnablement penser, selon votre serviteur, qu'il sera définitivement voté en 2014 et qu'il sera appliqué au début de 2015. Il est donc absolument exclu que nous restions l'arme au pied pendant deux ans. Le ministre a demandé à M. Guillaume Pepy et au futur président de RFF que j'espère devenir de formuler des propositions d'améliorations immédiates préfigurant le GIU et le PPU.

En outre, tous les domaines ne requièrent pas une loi : Dieu merci, pour que la SNCF et RFF travaillent ensemble, il n'est pas nécessaire de lire le Journal officiel ! Il en va ainsi, par exemple, de différents travaux, de la maintenance, du plateau commun avec RFF, de l'intégration des circulations.

Mme Geneviève Gaillard s'étant gentiment félicitée de la politique de La Poste, j'apporterai à RFF toute mon énergie postale ! L'essentiel du PPU et du GIU peut donc être préfiguré dans le cadre de la législation existante, même si une adaptation législative s'imposera.

Le service annuel 2012, décidé au mois de décembre 2011, a été l'occasion d'un psychodrame. Or, tout s'est bien mieux passé que d'aucuns le prédisaient. Je note, d'ailleurs, que l'on n'entend pas parler du service annuel 2013, qui a pourtant commencé ces jours-ci.

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