Intervention de Élisabeth Guigou

Séance en hémicycle du 16 septembre 2015 à 15h00
Accueil des réfugiés en france et en europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, chers collègues, je crois, comme l’a dit le Premier ministre, qu’il convient d’aborder ce sujet grave avec lucidité, humanité, cohérence et constance.

Tout d’abord, il faut prendre la mesure du phénomène. Les migrations de populations sont un phénomène mondial, dont l’ampleur ne cesse d’augmenter et qui va durer. Il y a aujourd’hui 60 millions de réfugiés dans le monde, soit presque deux fois plus qu’il y a dix ans : des hommes, des femmes, des enfants, chassés de chez eux par la faim, la guerre, les persécutions, l’accumulation jour après jour de souffrances et l’absence totale d’espoir en l’avenir.

Une terrible image, celle d’un petit enfant mort sur une plage, a secoué les consciences. Mais combien d’autres drames, sur les routes, dans la mer ou dans ce camion arrêté au bord d’une route avec soixante et onze personnes dans quatorze mètres carrés ? Il y avait des enfants parmi elles !

Il est vrai que l’Europe est débordée par un afflux d’urgence. Elle est bordée par un arc de crises, et les capacités d’accueil des pays voisins des zones de guerre, comme en Syrie, sont aujourd’hui saturées. La Libye est un chaos, un arsenal à ciel ouvert. En Syrie, la population est prise en étau entre, d’un côté, un dictateur qui bombarde son peuple quotidiennement avec des barils d’explosifs et, de l’autre, Daech, une organisation criminelle qui prospère par la mise en scène des pires cruautés et qui est la négation même de la civilisation. En Irak, des minorités présentes depuis deux millénaires sont menacées de disparition. Et plus loin encore, il y a l’Afghanistan, l’Érythrée, martyrisée par un dictateur de la pire espèce, le Soudan. Et puis – ne l’oublions pas – l’Afrique subsaharienne, où sévissent également les persécutions, avec Boko Haram, la maladie, la misère, la corruption. Pour ces populations persécutées, qui engendrent des réfugiés, pour ces populations sans espoir, d’où viennent des migrants économiques, l’Europe est un eldorado, une terre promise. Bien, sûr, il y a encore trop de pauvreté, de chômage et de précarité chez nous, mais il reste que, vu de l’extérieur, la majorité de la population en Europe bénéficie d’un travail, d’un logement, d’hôpitaux, d’écoles et, surtout, il y règne le droit à l’égalité, à la liberté et le respect des valeurs de l’humanité. N’oublions pas que l’Union européenne est le seul espace politique au monde où la peine de mort est interdite.

Face à ces phénomènes, notre compassion n’a de sens que si nous agissons avec rapidité, humanité, cohérence et responsabilité. Nous devons aux victimes et à nous-mêmes de refuser les faux-semblants, les simplifications abusives, et à plus forte raison la démagogie qui exploite les peurs et laisse croire que des murs de barbelés sont la solution.

Alors, comment faire pour maîtriser ce phénomène – car il faut maîtriser les mouvements de population – en respectant nos valeurs, celles de la République et celles de l’Europe ? Le Premier ministre et le ministre de l’intérieur l’ont dit : il faut agir sur plusieurs plans.

Au plan national, le Gouvernement, par la voix de Bernard Cazeneuve, a fait adopter une réforme du droit d’asile qui va considérablement améliorer l’efficacité de notre système : réduction des délais d’examen – neuf mois au maximum contre deux ans en moyenne en 2013 ; des milliers de places d’accueil supplémentaires pour les réfugiés et les migrants ; une meilleure répartition sur les territoires afin d’éviter les concentrations ; et l’engagement pris d’accueillir, grâce à cette politique, 24 000 réfugiés supplémentaires.

Mais quels que soient les efforts nationaux, il est illusoire de penser s’en sortir par l’isolement ; c’est d’une action coordonnée à l’échelle européenne dont nous avons besoin – et c’est d’ailleurs, le Premier ministre l’a rappelé, le plan proposé par la France qui a inspiré, lors des réunions des ministres de l’intérieur, les propositions européennes. Non, les mesures nationales ne suffisent pas : il nous faut plus d’Europe. Il est vrai qu’au plan européen, plusieurs directives ont amélioré les procédures et les normes, mais une dimension essentielle manque : la solidarité au plan européen.

Schengen a eu l’immense mérite d’instaurer la liberté de circulation pour les citoyens européens comme pour les étrangers autorisés à y entrer et à y séjourner. Et si vous voulez établir une distinction entre les citoyens européens et les étrangers que nous avons autorisés à être chez nous, qu’ils soient réfugiés ou migrants économiques, madame Pécresse, ayez la lucidité et le courage de reconnaître que cela reviendrait à rétablir les frontières à l’intérieur de l’Union européenne !

2 commentaires :

Le 18/09/2015 à 17:05, chb17 a dit :

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« La population syrienne est prise entre deux feux », constate Mme Guigou.

Elle précise, du haut de son piédestal d'humanité supérieure, que le « dictateur bombarde son peuple quotidiennement avec des barils d’explosifs ».

L'emploi, par notre présidente de la Commission parlementaire des Affaires étrangères, de ce poncif éculé de la propagande la plus vile, sert sans doute à masquer la responsabilité immense de notre pays dans le long martyre des citoyens syriens.

Notre diplomatie n'a-t-elle pas mis de l'huile sur le feu de ce qu'on a nommé printemps syrien ? N'a-t-elle pas promu les « manifestants pacifiques » devenus terroristes sanguinaires, dans l'espoir d'un coup d'état ? Ce fut fait, qui plus est sous couvert des « représentants légitimes », les exilés 5 étoiles. N'a-t-elle pas aidé certains de ces groupes, les formant et les armant jusqu'à ce que troupes et matériels (comme en Libye et au Sahel!) passent à l'ennemi ? N'a-t-elle pas fait ronds de jambe et passe-droits aux pétrodictatures ? N'a-t-elle pas acheté du pétrole syrien volé puis vendu en contrebande par Dash ?

La liste est longue des crimes et mauvais coups mis en place par la France et ses alliés, pendant que toute exaction là-bas était attribuée au « régime », sans enquête sérieuse. Voilà l'un des feux qui brûlent la Syrie.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 18/09/2015 à 17:13, chb17 a dit :

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La langue de bois est difficile à supporter, parfois. Parmi les perles de Madame Guigou, enfilées pour nous donner le beau rôle dans l'accueil de quelques milliers des victimes de notre diplomatie néo coloniale,

 « l’Union européenne est le seul espace politique au monde où la peine de mort est interdite. »

Et combien de « terroristes » et « inévitables dommages collatéraux » seront pourtant exécutés par la France en Syrie, sans procès ? Parmi eux, des français qui avaient été encouragés à partir au jihad contre l'alaouite « illégitime ».

Combien de migrants, contraints à fuir leurs pays du fait de nos OpEx et de notre confiscation des richesses locales, vont pourtant rencontrer la mort en route ?

Combien de libyens ont été bombardés, tués ou blessés pendant notre guerre « humanitaire », combien des survivants ont perdu par notre agression leur emploi, leur village, leur université leur système de santé... ?

L'UE (prix Nobel!) n'en a pas moins décidé de soutenir les putschistes ultra violents d'Ukraine, et de participer à la remorque de l'OTAN au redécoupage et dépeçage de pays entiers, et de laisser martyriser le peuple grec par des banquiers rapaces, sous prétexte de solidarité européenne encore.

Pas de quoi se vanter !

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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