Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 16 septembre 2015 à 15h00
Accueil des réfugiés en france et en europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, le 20 mai 2015 déjà, lors d’une séance de questions, je vous interpellai, monsieur le Premier ministre, sur le rejet par la France de la proposition du Président Juncker visant à répartir équitablement des migrants.

Construire une ligne Maginot – c’est l’expression que j’avais alors employée – contre des civils fuyant la guerre, la persécution et la misère était totalement illusoire et voué à l’échec. Les drames de l’été viennent malheureusement de me donner raison.

La France approuve désormais le principe d’une répartition équitable des réfugiés. C’est un pas positif pour lequel il a fallu une photo choc d’une des multiples tragédies qui se jouent en Méditerranée. Mais la France s’engage, c’est l’essentiel.

Depuis le début de l’année, 500 000 personnes ont rejoint l’Europe et plus de 2 700 ont trouvé la mort en chemin. Ces personnes fuient majoritairement la dictature en Érythrée, la guerre en Syrie et les exactions de l’État islamique en Libye.

Cet afflux sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale touche principalement trois États membres : la Grèce, l’Italie et la Hongrie. Pourtant, l’Italie et la Grèce, dès le mois de janvier, ont appelé au secours dans une certaine indifférence.

Malgré tout, ce n’est pas l’Europe qui est en première ligne. Quatre millions de réfugiés syriens, auxquels il faut ajouter un million d’Irakiens, sont en ce moment dans des camps au Liban, en Turquie ou en Jordanie.

Le Président Juncker a rappelé à juste titre que ces pays déployaient « des efforts herculéens » alors que l’Europe est prête à accueillir des réfugiés qui ne représentent que 0,1 % des 500 millions d’Européens – cela n’a pas encore été dit.

Repli égoïste du groupe de Visegrád, frilosité des autres pendant des mois, voilà la réponse à ceux qui fuient les bombardements et la terreur, qui ne cessent de s’amplifier.

Pourtant, au cours de l’histoire, la France des droits de l’Homme a su faire vivre le droit d’asile qu’elle a créé en 1793. Elle a accueilli 500 000 républicains espagnols, 130 000 boat people….

Aujourd’hui, la France propose d’ouvrir sa porte à 24 000 nouveaux réfugiés d’ici 2017. Proportionnellement à sa population, c’est moins que ce que propose l’Estonie. Nous pourrions et nous savons faire mieux.

Le Président de la République a indiqué lundi que 60 000 migrants demanderont la protection de la France contre un million en Allemagne. Cette différence s’explique certes par la santé économique et le déficit démographique de nos voisins mais, aussi, par l’image brouillée d’une France qui perd sa générosité, image qui est en train de gagner malheureusement sur la scène internationale.

Il faut aussi souligner des dysfonctionnements de l’asile en France : durée de traitement des dossiers, pourcentage de déboutés, interdiction de travailler alors qu’en Allemagne ce droit est accordé au bout de trois mois.

Je regrette d’ailleurs que la proposition du Président Juncker permettant aux réfugiés de travailler dès leur arrivée en Europe ait été rejetée alors que cela est pourtant essentiel pour leur intégration.

Je le répète, seule l’action commune nous permettra d’avancer. Les parlementaires européens, à une large majorité, l’ont compris : ils ont voté en faveur d’un système de relocalisation obligatoire des réfugiés, ce qui constitue une grande avancée qui pourrait d’ailleurs être accompagnée par la mise en place de gardes-frontières et de gardes-côtes européens, système dont votre commission des affaires européennes s’est toujours déclarée partisane.

Au lieu de cela, on voit à nouveau se dresser des barrières entre les pays de l’Union. Or, lorsque l’on construit des barrières en Hongrie, les migrants passent par la Croatie.

De fait, lors de la réunion extraordinaire des ministres de l’intérieur, avant-hier soir, la Hongrie, la Slovaquie, la République tchèque et la Roumanie ont bloqué la dynamique.

La seule avancée tangible est l’acceptation de la proposition du 27 mai de transférer 40 000 réfugiés issus de Syrie, d’Irak et d’Érythrée massés en Italie et en Grèce.

Ainsi, certains gouvernements européens continuent de faire la sourde oreille à l’urgence humanitaire et il faudra attendre une prochaine réunion des ministres de l’intérieur et non un sommet européen, dans quatre semaines. Combien d’enfants, de femmes et d’hommes vont-ils encore périr en Méditerranée pendant ce temps-là ?

Les pays du groupe de Visegrád semblent oublier – je ne suis pas la première à le dire – que l’adhésion leur a permis de se développer et qu’ils se sont engagés désormais à faire vivre la solidarité européenne dans toutes ses phases.

Lundi encore – lundi noir pour l’Union – la phase 2 de l’opération Eunavfor a été lancée, autorisant des opérations militaires contre les embarcations de fortune où s’entassent les migrants. Il est plus facile de s’entendre pour faire la guerre que pour ouvrir les bras, ce qui est tout de même dommage.

Il faut rappeler à ces pays européens que l’Europe a des valeurs et qu’elle n’est pas qu’un grand marché. Des sanctions ont été envisagées. N’étaient-elles pas nécessaires ? Les migrants ne sont ni un fléau, ni une menace, bien au contraire, ils viennent de raviver le rêve européen !

Face à la montée des défis de tous ordres, nous avons besoin de plus d’Europe, pas de replis nationalistes. Les présidents des assemblées nationales française, italienne, allemande et luxembourgeoise viennent d’ailleurs de le répéter et de répéter la nécessité d’une plus grande intégration, ce dont je les remercie.

L’élan citoyen de ces derniers jours montre que les valeurs de solidarité, de fraternité, d’humanisme, sont bien vivantes dans le coeur de nos peuples et, en particulier, du peuple français.

Donnons donc une chance à cette Europe-là ! Il en va de notre responsabilité à tous !

1 commentaire :

Le 20/09/2015 à 12:05, chb17 a dit :

Avatar par défaut

Des sources israéliennes accusent [Une source non fiable dans cette guerre-Ndlr] Erdogan de provoquer intentionnellement une vague de migration vers l’Europe du Nord :

Dans un premier temps, la Turquie a tout fait pour bloquer les routes maritimes de l’immigration clandestine vers l’Europe. Mais ensuite, du fait que l’OTAN a refusé de prendre des mesures pour renverser Assad et que l’Etat islamique n’a pas réussi écraser le leader alaouite comme l’espérait Erdogan, la Turquie a décidé de rendre les choses difficiles à l’Europe en y transférant une partie de la pression. Au cours des derniers mois, la Turquie a cessé de bloquer le mouvement des réfugiés vers l’ouest. Selon la source israélienne, il est tout à fait possible que les mêmes forces de sécurité turques qui ont soutenu l’EI, aident maintenant les passeurs.

Le 11 septembre, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a suspendu le consul honoraire de son pays à Bodrum après avoir appris qu’elle avait aidé les réfugiés à partir illégalement pour l’Europe. Dans une conversation filmée en caméra cachée pour France 2, la consul qui vend aux réfugiés des canots pneumatiques destinés à être utilisés dans une piscine et non en haute mer, pour rejoindre l’île grecque de Kos, a déclaré : « La municipalité collabore au trafic [des réfugiés par mer]. La capitainerie collabore au trafic. Le gouverneur du district collabore au trafic ».

La source israélienne accuse également Erdogan de financer l’État islamique. Personnellement, je ne le crois pas. Mais l’accusation d’avoir causé la vague de migrants est probablement justifiée. Cependant, Erdogan agit-il seul ou est-ce une action organisée par l’OTAN pour persuader les populations européennes de soutenir une guerre de changement de régime en Syrie?

... Extrait de http://arretsurinfo.ch

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion