Nous n'avons pas eu de réel entretien sociologique avec les prostituées, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, nos échanges étaient très brefs et le cadre n'était pas celui d'un dispositif de recherche. Par exemple, lorsque nous nous sommes rendues au Desire, le club le plus petit et le plus traditionnel de la Jonquera, une prostituée d'origine roumaine est venue spontanément nous parler. Après lui avoir expliqué les raisons de ma présence, je lui ai dit que je souhaitais la revoir le lendemain dans un cadre plus neutre. Elle a répondu qu'elle ne pouvait pas. Sans doute ne pouvait-elle pas prendre ce risque, mais nous ne pouvons pas l'affirmer.
Le fait pour un chercheur ou une chercheuse de monter avec une prostituée relève d'une décision déontologique. Au Dallas, nous souhaitions interroger une prostituée ouverte à toutes les formes de sexualité – ce qui signifie qu'elle accepte de recevoir des couples. Il n'était pas envisageable, pour nous, de monter et de lui avouer au dernier moment que nous étions là pour lui poser des questions. Nous avons décidé de ne pas marchander nos entretiens de recherche, d'autant que, selon la tradition clinique, ils doivent se distinguer d'un interrogatoire réalisé dans le cadre d'une enquête sociale ou policière. Nous avons estimé que le fait d'annoncer notre statut était une contrainte et que l'entretien aurait été réalisé sans le consentement de la personne. Nous aurions pu choisir de payer, mais cela induit un rapport marchand qui peut être nuisible à la spontanéité de l'entretien.