Si la crédibilité de notre signature posait problème, l’Égypte et le Qatar auraient-ils signé ces contrats commerciaux avec la France ? Jamais ! Et que dire des perspectives de contrats avec la Malaisie, les Émirats Arabes Unis ou le Qatar ? La crédibilité de la signature française n’y suscite pas davantage le doute ! En fait, cet argument se retourne aisément : loin de faire de la France un partenaire indigne de confiance, refuser de livrer ces bâtiments dans un tel contexte renforce la fiabilité de notre signature aux yeux de ceux qui savent lire une situation stratégique.
Tout d’abord, nous faisons la démonstration que le commerce et la recherche de devises ne sont pas les seuls objectifs de ces contrats. Une vente d’armes n’est pas une transaction comme les autres. Elle a pour objectif de vendre des produits destinés à la destruction et à la guerre. Elle ne peut s’affranchir de l’analyse du contexte régional ni de leur destination et de leur usage potentiel. On ne saurait ignorer que vendre un navire, un avion ou un missile, c’est aussi nouer une alliance avec un partenaire et créer les conditions d’une étroite collaboration entre nos armées respectives, en termes de formation et de suivi mais aussi de connaissance réciproque des matériels et des techniques. Cela consiste à créer de la confiance et des échanges entre les troupes. C’est aussi cela, un contrat d’armement : une relation stratégique durable.
Tel était le sens de la signature du contrat Mistral avec la Russie le 25 janvier 2011, malgré ce qui s’était passé en Géorgie en 2008 et malgré la mobilisation active et effrénée du Président de la République d’alors. Il s’agissait apparemment de créer un pont, d’établir un lien avec notre voisin russe afin de l’arrimer un peu plus à l’Europe – c’est ainsi du moins que j’ai compris la signature de ce contrat. Mais le contexte géopolitique a radicalement changé depuis 2014. L’offensive russe en Ukraine n’est pas un épiphénomène, l’annexion de la Crimée encore moins.