Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur,
mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement, en application de l’article 53 de la Constitution, a l’honneur de vous soumettre aujourd’hui, après l’avoir présenté au Sénat, qui l’a adopté, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord signé entre notre pays et le Secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto.
Cet accord a pour objet la tenue de la vingt et unième session de la conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ainsi que la onzième session de la conférence des parties agissant comme réunion des parties au protocole de Kyoto et les sessions des organes subsidiaires, événement plus connu sous le nom de « COP21CMP11 » ou « Conférence Paris Climat 2015 », qui se déroulera du 30 novembre au 11 décembre 2015 sur le site de Paris-Le Bourget.
Signé par le Secrétariat de la convention-cadre puis par le gouvernement français à Paris le 20 avril 2015, il est de nature essentiellement technique : il fixe le cadre des relations entre la France et le Secrétariat et définit les modalités pratiques d’organisation de la Conférence. Ces enjeux pratiques sont déterminants pour la réussite de la Conférence.
Comme le Président de la République a eu l’occasion de le rappeler la semaine dernière, l’enjeu de cette conférence est sans précédent : les 196 délégations concernées doivent adopter un nouvel accord sur le climat qui prendra le relais du protocole de Kyoto à compter de 2020, et sera applicable à tous les pays, dans l’objectif de contenir le réchauffement climatique en deçà de 2 degrés.
Les enjeux pour la vie des populations et des territoires, des biosystèmes en général, sont tels que nous n’avons pas le droit à l’échec. L’accord de Paris devra, en outre, poser les jalons d’une transition vers des économies bas carbone, permettre des avancées sur le financement de la lutte contre le dérèglement climatique et ouvrir des opportunités de création d’emplois.
À ce titre, les initiatives sectorielles des différentes composantes de la société civile contribueront à l’élaboration d’un « agenda des solutions » qui viendra utilement compléter les engagements des États.
La responsabilité de notre pays est double. Il s’agit, d’une part, d’accueillir pendant deux semaines, dans les meilleures conditions, des milliers de délégués et d’observateurs sous les auspices de l’Organisation des Nations unies ; et, d’autre part, de jouer pleinement le rôle de facilitateur auprès des parties prenantes pour la conclusion d’un accord universel et contraignant pour maintenir l’augmentation de la température globale en deçà de 2 degrés.
C’est en vertu de sa responsabilité d’hôte de la Conférence que la France a conclu avec le Secrétariat cet accord soumis aujourd’hui à votre approbation par le projet de loi correspondant. L’accord définit l’ensemble des règles, conditions et modalités liées à l’organisation et l’accueil de la Conférence sur le territoire français. Il comporte des dispositions matérielles, techniques, logistiques et financières, ainsi que des dispositions relatives aux privilèges et immunités, à la responsabilité des parties, ou encore au règlement des différends éventuels.
En ce qui concerne les enjeux financiers, un budget de 179 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de 43,5 millions d’euros de crédits de paiement a été ouvert en loi de finances pour 2015 sur le programme 341, intitulé « Conférence Paris Climat 2015 », pour couvrir les coûts de l’événement. Ce budget est complété par des contributions de mécènes – des entreprises privées – et de partenaires – des acteurs publics –, en nature ou en numéraire, qui permettront de couvrir environ 20 % du coût total de l’événement.
L’accord prévoit notamment, en son article 11, le versement d’un budget de 6 millions d’euros au Secrétariat, correspondant au surcoût estimé induit par l’organisation de la conférence au Bourget plutôt qu’à Bonn, où le Secrétariat a son siège. Ce budget de 6 millions couvre, notamment, les frais d’hébergement et les indemnités versées au personnel des Nations unies mobilisé pour la Conférence. Bien évidemment, le Secrétariat fournira au Gouvernement français, avant le 31 août de l’année prochaine, un rapport financier sur les dépenses effectives provoquées par l’organisation de la Conférence hors de son siège, ce qui permettra, le cas échéant, d’ajuster le montant qui sera effectivement versé par la France.
Une négociation poussée a permis à notre pays de réduire de près d’un million d’euros les demandes initiales du Secrétariat, ce qui représente un effort important. Par ailleurs, l’administration française a obtenu que ce budget soit versé en euros plutôt qu’en dollars américains, ce qui a permis d’annuler tout risque financier lié aux fluctuations du taux de change entre les deux monnaies.
À ce budget prévisionnel s’ajouteront les dépenses liées à l’organisation matérielle de la Conférence elle-même, dans le respect du cahier des charges fixé par l’ONU.
Le site de la Conférence correspond à une superficie totale de 160 000 m2. Il accueillera près de 40 000 participants – environ 20 000 participants accrédités et 20 000 visiteurs dans les « espaces Générations climat » –, auxquels s’ajouteront les nombreux journalistes qui couvriront l’événement. Il sera découpé en deux zones : une « zone bleue » dans laquelle auront lieu les négociations, et une zone destinée à la société civile, accessible à un large public, et intitulée pour l’occasion « espaces Générations climat ».
L’accord dresse pour l’essentiel la liste des prestations matérielles et de service attendues du Gouvernement français, notamment en ses articles 3, 5 à 8 et dans une partie des annexes.
Il pose également, en son article 4, le principe de « neutralité climatique » de cette conférence. À l’évidence, une conférence relative au changement climatique ne saurait contribuer au phénomène qu’elle vise à réguler et à endiguer ! Le Gouvernement doit donc réduire et compenser les émissions de gaz à effet de serre liées à l’accueil de la Conférence.
Cette exigence est au centre des préoccupations du Secrétariat général chargé de préparer et d’organiser la Conférence – le secrétaire général est du reste présent à mes côtés aujourd’hui. Pour parvenir à la « neutralité climatique » de la Conférence, un marché public a été conclu afin de calculer le bilan des émissions de gaz à effet de serre liées à l’accueil de l’événement.
En outre, les organisateurs mettent tout en oeuvre pour limiter l’impact de l’événement sur le plan des consommations de ressources naturelles – eau, énergies, déchets. L’objectif est d’organiser une conférence exemplaire. Un processus de certification dans le cadre de la norme dite « ISO 20121 » a été engagé à cette fin.
Par ailleurs, nous ne devons pas négliger les enjeux sécuritaires de la Conférence, traités dans l’article 9 et l’annexe XII. Dans un contexte international très préoccupant où, vous le savez, notre pays est une cible pour le terrorisme, il convient de déployer un dispositif de sécurité à la hauteur de cet événement diplomatique mondial.
Les responsabilités de chaque partie ont à cet égard été définies avec rigueur, précision et exigence. La zone de conférence du Bourget, dite « zone bleue », sous statut d’inviolabilité, sera placée sous la responsabilité du département de la sûreté et de la sécurité de l’ONU – les autorités françaises n’interviendront que sur réquisition –, tandis que l’extérieur des locaux de la Conférence, zone de droit commun, restera sous la seule responsabilité du Gouvernement français. Le dispositif de sécurité reposera sur une extension, par décret, des compétences de la préfecture de police sur le site du Bourget pour toute la durée de l’événement.
Le dispositif de sécurité s’articulera autour de trois périmètres et inclura divers volets relatifs à la gestion de l’ordre public, à la gestion de la circulation, ou encore à la sécurisation des transports ferroviaires. Il faudra également compter sur le concours de l’autorité militaire pour la prise en compte de certains points sensibles, en particulier les réseaux d’eau, d’énergie et de télécommunications.
Là encore, la recherche d’efficience permettra de réduire les coûts engendrés par la mise en oeuvre de cet important dispositif de sécurité.
Permettez-moi d’en venir plus précisément à la question des privilèges et immunités évoquée à l’article 10.
En vertu des conventions internationales en vigueur, les représentants des États parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et des parties au protocole de Kyoto, les représentants des États observateurs, les représentants de l’Organisation des Nations unies et de ses institutions spécialisées bénéficieront d’immunités de juridiction et de diverses facilités, notamment liées à l’entrée sur le territoire français. Bien évidemment, ces immunités sont fonctionnelles et ne sauraient être considérées comme un avantage accordé à titre personnel.
Un mot en ce qui concerne les autres personnes accréditées. Il s’agit essentiellement du personnel technique mis à disposition par le Gouvernement, des représentants des organisations ayant le statut d’observateur – environ 1 600 organisations non gouvernementales et une centaine d’organisations intergouvernementales – et des « autres personnes invitées par le Secrétariat ». Ces personnes bénéficieront d’une immunité de juridiction pour ce qui concerne les propos et actes accomplis par elles dès lors qu’ils seront en rapport avec leur participation à la Conférence.
Elles disposeront par ailleurs de facilités d’entrée sur le territoire, notamment la gratuité du visa de court séjour et un allégement des formalités.
La France a par ailleurs négocié une clause destinée à prévenir l’abus des immunités et privilèges, en rappelant qu’ils ne sont accordés que pour assurer le bon déroulement de la Conférence et qu’ils peuvent être levés dans tous les cas où ils seraient susceptibles d’entraver le cours de la justice. Cette dernière formulation, large et non restreinte à des cas limitativement énumérés, laisse la possibilité aux autorités françaises d’apprécier les éventuels contentieux pour lesquels une levée d’immunité serait nécessaire.
Enfin, les participants non accrédités se verront appliquer les dispositions de droit commun.
Mesdames et messieurs les députés, vous l’avez compris, vous le savez, cet accord est absolument indispensable à la tenue de la COP21CMP11. Il n’appelle aucune modification du droit interne français. Il n’y aura, en principe, pas davantage de mesures d’application d’ordre législatif ou réglementaire : certaines modalités d’application de l’accord pourront, le cas échéant, être arrêtées par arrangement administratif entre les autorités françaises compétentes et le Secrétariat de la Conférence.
Conformément à son article 16, il entrera en vigueur lorsque le Gouvernement de la République française informera, par écrit, le Secrétariat de la Conférence de l’accomplissement des procédures requises pour son entrée en vigueur. Aux termes de l’article 1er, des réunions se tiendront à compter du 23 novembre 2015. Le présent accord doit donc impérativement entrer en vigueur avant cette date. Il demeurera en vigueur pendant toute la durée de la Conférence, de même que, par la suite, pour la durée nécessaire au règlement de toutes questions afférentes à l’une quelconque de ses dispositions.
Tel est l’objet de l’accord que le Gouvernement a l’honneur de soumettre à votre approbation et qui conditionne le bon déroulement de la Conférence de Paris pour laquelle le Président de la République, la diplomatie française et tout le Gouvernement, ainsi que la représentation nationale, sont totalement engagés. Je vous remercie.