Intervention de Malek Boutih

Réunion du 12 décembre 2012 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMalek Boutih :

L'orientation est vécue par certains jeunes comme une sanction non seulement scolaire mais sociale. Beaucoup la ressentent comme le moment où ils ne sont plus pris en charge par la collectivité, le moment où, ayant évalué leur valeur, celle-ci décide de les abandonner. C'est pourquoi l'orientation ne peut pas être appréhendée seulement comme une évolution au sein du système scolaire ; elle doit être élargie à sa dimension sociale, d'où l'importance du choix.

Le rapport cible le moment fatidique de l'orientation, sachant toutefois que des choix structurants ont été faits en amont. Attention aux solutions de facilité qui semblent répondre à une première impression mais peuvent s'avérer contre-productives. Tel est le cas du stage de découverte du monde professionnel en troisième. Je retire de mon expérience sociale et en circonscription que ce stage est la première expérience de la discrimination sociale, familiale, sexiste et raciste. Ce stage, personne ne vous aide à le trouver. En fonction des moyens de votre famille, vous trouvez le bon stage ou vous découvrez tout d'un coup votre réalité sociale et le rapport que vous aurez avec la vie professionnelle. Si l'idée du stage est intéressante en soi, je ne comprends pas pourquoi l'éducation nationale ne se charge pas de placer les élèves, ce qui éviterait que les entreprises fassent le tri, et d'évaluer le contenu des stages.

Il en est de même pour l'orientation. Le choix des familles n'est pas forcément plus pertinent que celui des enseignants. D'autres critères que celui de l'épanouissement peuvent intervenir dans le choix de ces familles. Dans certains milieux sociaux, on a parfois la tentation d'envoyer les enfants en filière courte pour raccourcir le temps de la scolarité pendant lequel ils sont à la charge de leurs familles.

Quand on regarde une école, on voit un pays. Si la filière générale est si valorisée, ce n'est pas pour des raisons culturelles, c'est parce que notre pays a progressivement abandonné toute idée d'une économie de production. Les filières professionnelles ne peuvent donc être considérées que comme des impasses ou des niches. Inciter un enfant à s'y engager sous prétexte qu'il aura du travail n'est pas forcément un argument de poids. Ce n'est pas l'école qui crée le travail. Dans le cadre de notre réflexion sur l'orientation, peut-être pourrait-on se demander si notre pays a vraiment besoin de former des travailleurs pour une industrie qu'il est en train d'abandonner. Dans l'affirmative, il faudrait alors mettre en place des filières professionnelles et technologiques d'excellence alliant savoir-faire professionnel et épanouissement culturel et intellectuel, y compris pour de futurs ouvriers. De la sorte, l'orientation professionnelle ne serait plus considérée comme un moyen de se débarrasser des élèves trop lourds à gérer pour l'éducation nationale. Elle tiendrait lieu de filière intermédiaire, qui produirait des gens diplômés destinés à l'industrie et aux métiers en même temps qu'elle permettrait à ceux-ci de continuer à grandir et à mûrir leurs choix, tant il est vrai que plus on choisit tard, mieux on choisit. La construction citoyenne doit continuer, y compris dans les filières professionnelles.

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