Il ne faut pas se méprendre sur le champ de notre travail. Nous ne sommes pas compétents sur certains des points que vous avez évoqués, notamment en matière de pédagogie. Notre objet, c'est la problématique des moyens, la conformité aux objectifs des politiques publiques, la recherche des incohérences et des dysfonctionnements. Si nous nous risquions sur le terrain de la pédagogie, nous serions vite rattrapés par les syndicats d'enseignants et la Société des agrégés réunis. Nous n'y survivrions pas !
Nous ne sommes pas non plus compétents sur certains champs qui ont un lien avec la problématique. Ainsi, la formation professionnelle tout au long de la vie est un grand sujet, mais il n'est pas de la compétence de la 3e chambre. Si nous le regardons un peu, c'est du point de vue du rôle que peuvent jouer les établissements d'enseignement supérieur dans la formation continue. Dans un marché très important de 35 milliards d'euros, ils ont sans doute une place à prendre dans le domaine de l'aide au rebond face aux accidents de la vie et aux nécessités de reconversion. C'est un aspect du sujet, nous en sommes conscients, mais nous ne pouvons pas le traiter.
Nous ne pouvons pas plus traiter de l'apprentissage en dehors de la responsabilité de l'éducation nationale.
Les objectifs quantitatifs constituent un grand sujet de fond que vous allez devoir aborder lorsque vous vous saisirez du projet de loi sur la refondation de l'école. Nous n'avons pas d'opinion sur ces objectifs, simplement ils font partie du cadre dans lequel il faut évaluer les outils à notre disposition. Historiquement, ils sont liés aux objectifs de Lisbonne, au grand mouvement européen, et ils servent de référence à chaque fois que nous sommes regardés de près par les institutions internationales. En particulier, nous avons été contactés par l'OCDE qui prépare, pour le mois de mars, un focus sur la France, avec tout un volet sur la jeunesse et l'éducation. À propos du redoublement, nous avons indiqué que le sujet était pris en compte en raison de notre situation atypique par rapport aux autres pays de l'OCDE. Nous devons donc faire avec les objectifs quantitatifs.
Le plus difficile à atteindre est celui de 50 % d'une classe d'âge à un diplôme de l'enseignement supérieur, c'est-à-dire à bac + 3. Les BTS, DUT et bachelors délivrés en deux ans par Sciences Po aux étudiants étrangers sont certes des diplômes de l'enseignement supérieur, mais ils ne sont pas pris en compte dans l'objectif quantitatif par convention, pas en raison d'une réticence de notre part. Il y aura des mesures à mettre en oeuvre pour atteindre cet objectif de 50 % et, sachant que des moyens supplémentaires vont être programmés sur cinq ans, il ne faut pas se tromper sur le diagnostic.
Plusieurs d'entre vous ont insisté sur le système allemand qui privilégie une orientation précoce par la voie de l'alternance ou de l'apprentissage. Toute comparaison avec notre grand voisin nécessite d'être replacée dans un contexte historique, et il faut savoir que l'orientation précoce est un élément de la logique du Mittelstand. Nous n'avons pas le même poids industriel, le nôtre ayant sensiblement baissé au cours des dix dernières années. Si cette voie peut procurer des options, notre souci à nous c'est de nous assurer que l'éducation nationale ne se décharge pas de ses responsabilités.
Pour réaliser les objectifs, la question est clairement de savoir si on laisse le système s'autoréguler en écartant ceux qui ne sont pas dans le flux commun ou si on traite les difficultés scolaires et, le cas échéant, comment. C'est dans cette optique que nous avons prodigué les recommandations numéros 7 et 10. La première est de faire prendre en charge au maximum les difficultés scolaires au sein des classes ordinaires afin de réduire le nombre d'élèves en situation d'échec scolaire, tant dans le premier degré qu'au collège. C'est un point fondamental. Monsieur le président, vous avez dans votre arrondissement l'exemple d'un collège où la mixité sociale est encore pratiquée et où les bons élèves aident ceux qui sont en retard, ce qui permet à chacun de progresser. C'est une pratique que les Japonais ont adoptée depuis longtemps. Sauf exception, la difficulté scolaire doit donc être traitée à l'intérieur de la classe et ne pas être renvoyée sur des voies de garage, qui constituent pour l'éducation nationale un moyen de se décharger de ses responsabilités. Cela n'est pas possible compte tenu de l'effort budgétaire de la nation en faveur de l'éducation nationale.
La recommandation attachée à celle-ci, qui a fait réagir plusieurs d'entre vous, peut-être en raison d'une formulation ambiguë, est d'évaluer la performance des collèges au regard des résultats de leurs élèves. Ce qui est visé là, c'est l'évaluation collective. C'est essentiel au regard de la logique que nous développons dans le référé sur l'allocation des moyens et l'égalité des chances. À Louis le Grand ou Henri IV, compte tenu du système de sélection et de recrutement, ce n'est pas difficile d'avoir de très bons résultats. Je précise que nous excluons les classes préparatoires aux grandes écoles, qui relèvent d'une problématique distincte et que nous traiterons plus tard dans notre programme triennal. Entre l'entrée d'un élève dans l'un de ces lycées et sa sortie, la valeur ajoutée de la pédagogie dispensée mérite d'être regardée. Elle n'est pas une donnée immédiate de la conscience. Au contraire, nous avons des exemples assez nombreux de collèges où, grâce à des principaux très actifs, l'équipe pédagogique met en place un projet d'établissement et traite de la difficulté scolaire. Lorsque le professeur principal procède à son évaluation, il s'interroge à la fois sur les progrès qu'il a réussi à faire faire à ses élèves et sur l'interaction entre l'enseignement disciplinaire et le traitement de la difficulté scolaire.