Intervention de Philippe Boisseau

Réunion du 11 décembre 2012 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Boisseau, directeur des branches « énergies nouvelles » et « marketing et services » de Total :

Je vais m'efforcer de vous décrire la vision énergétique qui est celle de Total, avant de vous exposer comment nous exerçons notre responsabilité : celle-ci consiste non seulement à fournir de l'énergie à nos clients, mais aussi à nous comporter en acteur responsable vis-à-vis des grandes communautés dans lesquelles nous travaillons, en particulier en France.

Nous avons une approche mondiale de l'énergie, puisque nous sommes présents dans de très nombreux pays. À ce titre, nous constatons que la demande d'énergie croît faiblement en Europe, et cette tendance est appelée à perdurer du fait des économies d'énergie. En revanche, elle est extrêmement forte dans le reste du monde : dans les vingt prochaines années, 80 % de la demande viendra de pays extérieurs à l'OCDE.

Comment répondre à cette demande, en particulier à la demande pétrolière ? Pour lutter contre le déclin naturel des champs pétroliers, il faut toujours accroître la production ; or c'est de plus en plus difficile. Nous allons arriver à un plateau énergétique que nous estimons à 95 millions de barils par jour à l'échelle mondiale, sachant que nous en produisons et consommons aujourd'hui 90 millions. Nous allons donc être confrontés à une raréfaction de l'énergie dans la décennie qui vient. Nous devrons nous adapter à ce contexte.

Nous déduisons de cette analyse que l'énergie est un bien rare et que la seule façon de répondre à l'ensemble des besoins de la planète consiste à combiner toutes les formes d'énergie possibles, car elles seront toutes nécessaires – au même titre que l'efficacité énergétique ou les économies d'énergie. Notre première responsabilité est donc de continuer à investir. Nous allons consacrer, cette année, près de 20 milliards d'euros au développement de ressources énergétiques faisant partie de notre coeur de métier, à savoir le pétrole et le gaz, mais aussi aux nouvelles sources d'énergie. Nous avons retenu deux options fondamentales : les biocarburants et l'énergie solaire, dans lesquels nous avons investi de manière importante.

Dans ce cadre, l'énergie sera forcément chère, et ceci entraîne des conséquences. Nous devons apporter à nos clients des solutions qui leur permettent de consommer moins et mieux. Cela peut apparaître comme un paradoxe, mais c'est une nécessité : dans la mesure où les clients trouvent le produit cher, notre responsabilité de producteur, de fournisseur et de distributeur est de les aider à réduire leur consommation. Nous avons pris plusieurs initiatives pour répondre à ces préoccupations, à commencer par la recherche et développement. Nous y investissons environ 800 millions d'euros par an, dont environ une centaine de millions sur la seule qualité des carburants et plus d'une centaine de millions sur les énergies nouvelles.

Pour ce qui est de la France, nous avons répondu au souhait de nos clients d'avoir accès aux carburants les moins chers possible en lançant l'an dernier le programme Total Access. Il s'agit d'investir dans l'augmentation de la capacité d'un certain nombre de stations, en faisant le pari – à l'instar de nos principaux concurrents, les grandes surfaces – que la multiplication par trois des volumes écoulés dans ces stations compenserait une baisse tarifaire. Cette stratégie fonctionne : elle concerne aujourd'hui plus de 250 stations en France ; nous en visons 600 l'année prochaine, voire davantage en 2014.

Telle était la première réponse que nous devions à nos clients : des carburants de qualité, qui assurent aux moteurs une durée de vie supérieure, en touchant le plus grand nombre. Ainsi, nous partons à la reconquête des clients particuliers, dont nous ne détenons aujourd'hui que 18 % du marché. 85 % de nos clients sont en effet des professionnels.

Notre responsabilité ne s'arrête pas là. Il faut mettre au point des produits qui permettent de consommer moins. L'Excellium, par exemple, est spécialement conçu pour réduire la consommation des moteurs.

S'agissant des économies d'énergie, notre action est double. En tant qu'industriels, nous cherchons d'abord à réduire notre propre consommation. Nous avons pris l'engagement de la diminuer chaque année de 1 %, ce qui exige des investissements très significatifs. Nous devons ensuite apporter à nos clients des solutions qui leur permettent de consommer moins ; je vous ai parlé des mesures que nous avons prises en ce sens.

J'en viens aux biocarburants. Nous sommes le premier distributeur de biocarburants en France. Il s'agit, pour l'instant, de mélanges de bioester et de diesel ou d'éthanol et d'essence. Mais nous conduisons aussi des recherches beaucoup plus en amont, qui consistent à produire des biocarburants à partir de la biomasse, en explorant deux voies technologiques. D'une part, il y a la filière thermochimique, avec le projet BioTfuel conduit dans le nord de la France. D'autre part, les filières biotechnologiques, avec des partenariats dans de nombreuses petites entreprises de biotechnologies, permettent de produire, par la fermentation de sucre – et demain de la partie non alimentaire des plantes – des produits tels que des lubrifiants, des carburants pour l'aviation, des parfums, ou encore des médicaments. Les biotechnologies constituent depuis une dizaine d'années une véritable révolution.

Je terminerai par l'énergie solaire. Parce que nous sommes convaincus de l'importance de toutes les sources de production, nous avons choisi d'investir massivement dans le photovoltaïque. Après avoir passé en revue deux cents entreprises de par le monde, nous avons pris le contrôle d'une société américaine. Ses activités ont fusionné avec les nôtres, afin de former la première compagnie mondiale d'énergie solaire non asiatique – les trois premiers opérateurs de ce secteur sont chinois, le quatrième coréen, et vient désormais Total SunPower, avec une capacité de production annuelle de 1 GW. Nous réorganisons cette activité pour la concentrer en Europe, en particulier en France : nous faisons de notre centre de Lyon, Tenesol, le centre d'ingénierie mondial de développement de cette activité hors des États-Unis, et nous allons moderniser nos usines de Carling et de Toulouse. Nous poursuivons également des recherches en la matière, et nous sommes partenaires de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France, qui sera l'un des cinq plus grands centres mondiaux de recherche solaire. C'est pour nous un engagement considérable, qui atteint un milliard d'euros. Nous souffrons bien sûr, comme tous les acteurs du secteur dont la plupart déposent le bilan, mais nous avons la capacité de résister et nous sommes convaincus que le solaire – qui progresse certes lentement, car extrêmement capitalistique – a un véritable avenir. Les sociétés qui gagneront cette bataille seront celles qui disposent d'une couverture industrielle, de la taille mondiale et de l'assise financière leur permettant de faire face à la concurrence.

Non seulement nous exerçons notre métier d'industriel en investissant et en préparant les productions de demain, mais nous entendons le faire de façon responsable, en limitant autant que faire se peut l'impact écologique de nos activités et en préparant les énergies de demain par un effort d'investissement.

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