Intervention de Robert Durdilly

Réunion du 11 décembre 2012 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Robert Durdilly, président de l'Union française de l'électricité :

Je vous remercie d'offrir à l'Union française de l'électricité (UFE) l'occasion de s'exprimer devant vous en ce moment crucial du débat national sur la transition énergétique.

L'UFE regroupe la plupart des industriels français du secteur électrique, parmi lesquels E.ON et GDF-Suez, et de nombreux représentants des filières des énergies renouvelables dont certains ont une dimension internationale. Nous menons depuis plusieurs années des travaux sur les questions touchant à l'évolution du système électrique. Nous les avons récemment approfondis au vu des orientations politiques qui se dessinent aujourd'hui.

Permettez-moi de rappeler, à mon tour, les deux grands enjeux de cette transition énergétique. Le premier est lié à la « performance CO2 » du bouquet énergétique français, qu'il convient de préserver voire d'amplifier. Le second est celui de la balance commerciale : lors du colloque de l'UFE, Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, a insisté sur la nécessité que la transition ne conduise pas à aggraver le déficit commercial, mais puisse au contraire contribuer à le réduire.

Nous avons travaillé sur la base des éléments du scénario dit « nouveau mix », qui est l'un de ceux étudiés par Réseau de transport d'électricité (RTE) dans son bilan prévisionnel. Ce scénario, qui pousse le plus loin le développement des énergies renouvelables, paraît proche des orientations fixées par le pouvoir politique. Il suppose de quadrupler la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique, afin de la porter à 40% avec, par exemple, 30 GW photovoltaïques, 40 Gigawatts éoliens – terrestre ou offshore – et 28 GW hydrauliques à l'horizon 2030. Ces chiffres sont importants : la puissance installée dans les énergies renouvelables devrait rapidement dépasser celle du parc nucléaire. C'est dire que nous allons assister à un bouleversement du système électrique. Se pose dès lors la question des conditions de réussite du développement et de l'intégration. Cinq facteurs clés de réussite me semblent devoir être cités, mais cette énumération n'est pas exhaustive.

Le premier facteur est celui du financement. Nous évaluons les investissements dans le système électrique exigés par ce scénario, hors investissements dans l'efficacité énergétique, à 420 milliards d'euros à l'horizon 2030, dont 180 milliards dédiés aux équipements de production d'énergies renouvelables. Ces montants sont élevés ; or le financement de ces investissements est important. Comme Jean-François Cirelli, nous insistons sur le besoin de sécurisation et de visibilité des opérateurs. Il faut un cadre réglementaire stable, des règles de marché adaptées et des tarifs qui reflètent a minima les coûts.

Le deuxième facteur est le renforcement de l'industrie française. La situation varie selon les filières, mais elle n'est pas toujours positive en termes de balance commerciale. Si nous ne nous attaquons pas à ce sujet, nous risquons d'aggraver la situation avec le développement des énergies renouvelables. Il est donc capital de renforcer notre tissu industriel. En réduisant de 50% les taux d'importation de ces équipements, nous réduirions le déficit commercial cumulé sur la période de 40 milliards d'euros.

Le troisième facteur est le suivant : un effort considérable en matière d'énergies renouvelables doit conduire à affecter prioritairement leur production à la réduction de la consommation d'hydrocarbures. Le fioul et le pétrole représentent environ la moitié de la consommation d'énergie en France : le premier est le second mode de chauffage des Français, avec 120 térawattheures par an, devant le chauffage électrique et après le gaz. Le déficit commercial s'élève à 70 milliards d'euros, dont plus de 85 % sont liés aux importations pétrolières. Il y a donc un intérêt à affecter des transferts d'usage – développement des pompes à chaleur ou des transports électriques, par exemple – pour optimiser notre bilan CO2 et réduire notre dépendance énergétique.

Un quatrième facteur tient aux infrastructures. Aucun développement des énergies renouvelables n'est possible sans un développement important des réseaux de transport et de distribution. Il faut tirer parti de la complémentarité des territoires – je pense en particulier aux régimes de vents, qui sont différents suivant les régions, mais il en va de même pour la production solaire. À cette fin, il faut permettre à la fois un développement local et une sécurité nationale, ce qui implique un renforcement des réseaux et une large interconnexion. Compte tenu des difficultés de construction des lignes, c'est une donnée à maîtriser.

Le dernier facteur que je mentionnerai est la cohérence des choix. Il convient d'éviter les conflits de règles. Prenons l'exemple de l'hydroélectricité française. Il existe un potentiel non exploité de près de 11 térawattheures, ce qui constitue une chance car c'est une énergie renouvelable, bien répartie, souple, prévisible et compétitive. Or la révision des classements de cours d'eau risque d'empêcher l'exploitation de cette ressource – au vu des projets dont nous avons connaissance, les trois quarts de celle-ci pourraient être supprimés. Assurer la cohérence de nos politiques constitue un véritable enjeu et, en la matière, la représentation nationale a un rôle important à jouer. Dans la perspective de la loi de programmation qui devrait clore le débat sur la transition énergétique, il est essentiel que vous preniez la mesure des conséquences de vos choix pour assurer la réussite de cette évolution.

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