Intervention de Philippe Boisseau

Réunion du 11 décembre 2012 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Boisseau, directeur des branches « énergies nouvelles » et « marketing et services » de Total :

Quelles sont les réserves d'énergies fossiles ? Même si la consommation énergétique des pays de l'OCDE croît relativement peu, la demande mondiale va considérablement augmenter dans les trente années à venir et concernera essentiellement l'électricité. Dans le monde, celle-ci est principalement produite à partir de charbon et de gaz. Par ailleurs, la part du nucléaire n'augmente pas dans le bouquet énergétique mondial. Enfin, peu de pays produisent de l'électricité à partir du pétrole car cette utilisation n'est pas compétitive. Par conséquent, si la demande mondiale d'électricité augmente fortement, la part du gaz s'élèvera forcément. À l'horizon 2030, on comptera 70 % d'énergies fossiles — gaz, pétrole et charbon — contre 75 % actuellement. Certes, le pourcentage diminue mais comme la demande progresse, la quantité absolue d'énergies fossiles augmentera également.

Bien sûr, il est absolument essentiel de promouvoir les économies d'énergie et les énergies nouvelles. Nous nous attachons à le faire. Nous ne sommes pas les seuls.

Nous sommes conscients des enjeux liés au prix du CO2. Nous avons mené des actions, en tant qu'industriel et vis-à-vis de nos clients, en faveur de l'efficacité énergétique. Nous avons même spontanément, sur fonds privés, financé à Lacq un projet industriel de tests de captage et de stockage de CO2. Nous nous sommes donc préparés. Néanmoins, en tant qu'industriel, nous ne pouvons aborder seul ce sujet, car nous sommes en concurrence avec de nombreuses industries extra-européennes. Il faut être conscient que des normes unilatérales engendreront des distorsions de concurrence au détriment de l'industrie européenne, favoriseront ses concurrents étrangers et ne contribueront pas à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Autrement dit, la réduction de ces émissions constitue une priorité mais elle ne peut se faire seule. Si le prix du CO2 est bas en Europe, malgré les critères et les quotas exigeants qui ont été définis, cela traduit malheureusement le fait que l'Europe est en crise, que l'industrie européenne produit moins et qu'elle émet par conséquent moins de CO2 que ce prévoyait la trajectoire de réduction des émissions. C'est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle : bonne en ce qui concerne le CO2, moins bonne pour notre économie. La réglementation des émissions doit se faire collectivement ensemble et non de façon isolée, sinon les effets obtenus ne sont pas ceux attendus.

En ce qui concerne les réserves de pétrole et de gaz, notre compagnie dispose d'une vingtaine d'années de réserve et de quarante ans de ressources. Cette quarantaine d'années correspond à la visibilité dont on dispose au niveau mondial. Cela étant, la durée de vie des réserves progresse au fur et à mesure qu'on produit parce que l'on continue d'en découvrir de nouvelles. Néanmoins, la quantité produite va plafonner ; c'est ce qui nécessitera de trouver des énergies complémentaires.

Nous pensons que les premiers véhicules consommant deux litres d'essence pour 100 kilomètres sont faisables à l'horizon 2020, en s'appuyant sur des moteurs hybrides. Dans le cadre de nos recherches en partenariat avec les constructeurs automobiles, deux types de moteur émergent : les hybrides diesel pour les très grosses cylindrées, et les hybrides à essence pour les petites cylindrées. Néanmoins, il faudra attendre dix à vingt ans supplémentaires pour que ces deux technologies occupent une part significative dans le parc.

Différentes techniques ont été testées pour le captage et le stockage de CO2 (CCS, carbon capture and storage). Malheureusement, la technique de stockage dans des aquifères profonds est beaucoup plus complexe qu'on ne le pense, et les tailles de stockage imaginées initialement sont considérablement réduites – le grand projet dans le bassin parisien pour lequel nous étions partenaires a ainsi vu sa capacité initiale divisée par cent. Le captage et le stockage du CO2 peuvent être réalisés dans d'autres circonstances, comme nous le faisons à Lacq dans un gisement de gaz déplété. Toutefois, ce procédé n'est pas encore rentable et reste du domaine de la recherche. À cet égard, nous sommes partenaires d'autres initiatives.

Nos bateaux ne sont pas des poubelles. La justice a tranché pour l'affaire de l'Erika. Le groupe Total a mis en place, il y a plus de dix ans, des règles internes qui fixent un âge limite à tous ses navires à double coque, partout dans le monde, et qui l'obligent à n'affréter aucun navire ne répondant pas à ces critères, même s'il n'en a pas la responsabilité juridique – ce qui nous pose parfois des difficultés de transport, mais nous souhaitons développer cette démarche d'amélioration continue.

Total exploite des gisements de gaz de schiste à l'étranger. En France, le dossier gaz de schiste est clos pour nous.

L'hydrogène constitue une forme de stockage de l'énergie qui n'en est qu'au stade de l'expérimentation. Pour limiter son empreinte carbone, il doit être produit par l'électrolyse de l'eau couplée à une source d'électricité propre. Actuellement, ce procédé n'est ni rentable ni maîtrisé, et constitue donc une solution lointaine. À cela s'ajoute, comme pour toutes les nouvelles sources d'énergie, le prix des infrastructures. Le développement d'un type de carburant nécessite, en effet, des infrastructures très lourdes. Or s'il faut avoir des stations pour lancer des voitures, il faut aussi des voitures pour lancer des stations. Compte tenu de l'importance des investissements, la mise en place de ces procédés est très lente. En revanche, nous avons décidé d'être pionniers en matière d'expérimentation. C'est ainsi que nous exploitons en Allemagne une dizaine de stations hydrogène dans le cadre de notre R&D.

Enfin, le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) existe et nous pensons que la Commission européenne pourrait prendre des initiatives en la matière. Certes, au vu de sa complexité sur le plan administratif, nous ne souhaitons pas son application dans le domaine des transports. Néanmoins, pour le chauffage, il a donné lieu à un certain nombre de projets. Nous sommes devenus un des principaux promoteurs français en matière d'économies d'énergie, notamment dans l'habitat, grâce ou à cause de ce dispositif. Il constitue un des éléments de réponse à la précarité énergétique, car faire baisser la consommation des clients est une façon de diminuer leur facture.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion