Intervention de Jean-François Cirelli

Réunion du 11 décembre 2012 à 17h15
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-François Cirelli, vice-président de GDF-Suez :

Il est possible de maîtriser la demande – elle est d'ailleurs en passe de l'être. Si des économies d'énergie supplémentaires ne sont pas réalisées aujourd'hui, c'est parce qu'elles représentent un coût. Des financements idoines devront apparaître, car les travaux de rénovation d'une « passoire thermique » peuvent s'élever à 10 000 ou 15 000 euros, ce que ne peut assumer l'ensemble de nos concitoyens.

Dans le cadre du débat sur la transition énergétique, il faudra dépasser les intérêts catégoriels. Pour ma part, je m'en tiendrai à une position générale puisque GDF-Suez est un acteur dans tous les domaines en France, sauf dans le charbon.

Certes, les réseaux décentralisés vont se développer à l'avenir. Néanmoins, ils ne représentent pour l'heure qu'un tiers de la consommation d'énergie. Nous avons donc encore besoin de grosses structures pour assurer l'approvisionnement de l'industrie.

Il est surprenant que l'Europe, qui milite en faveur des énergies renouvelables dans le cadre de la transition, n'ait pas lancé un grand projet de recherche sur le sujet. GDF-Suez mène des travaux dans le domaine des énergies marines et a lancé un projet d'hydroliennes. Il est indéniable que la recherche publique est insuffisante dans notre pays.

Il y a dix ans, les industriels parlaient d'un « après hydrocarbures » – British Petroleum (BP) s'était même renommée Beyond petroleum, c'est-à-dire « au-delà du pétrole ». Aujourd'hui, même si cela ne va pas plaire à tout le monde, leur sentiment est qu'il y a beaucoup plus d'hydrocarbures qu'on ne le pensait. De la même manière, les réserves de gaz non conventionnel ont été réévaluées, pour passer de soixante à deux cent cinquante ans. Si c'est vrai, notre approche de l'énergie de demain est à revoir.

Nous plaidons pour une politique européenne de l'énergie. Évitons une renationalisation des politiques énergétiques ! S'agissant du carbone, une taxation peut être imaginée, mais essayons d'avoir des politiques coordonnées au sein de l'Union européenne. Avec E.ON, nous menons le dernier grand projet de captage et de stockage de CO2 aux Pays-Bas dans une centrale au charbon. Mais nous nous heurtons à deux difficultés majeures. La première est que nous ne pouvons en assumer le coût avec un CO2 à 8 euros la tonne, malgré les 300 millions d'euros de subventions reçues. La seconde difficulté a trait à l'acceptabilité sociale, car si, dans le cadre de notre projet aux Pays-Bas, le CO2 sera acheminé dans un champ déplété en Mer du Nord, la phase terrestre est difficile à faire accepter aux électeurs.

GDG-Suez est très favorable à la méthanisation. Après quelques blocages techniques, les choses ont bien avancé. Nous avons d'ailleurs passé un important accord avec le monde agricole.

La transition énergétique est possible : c'est une question de moyens, mais aussi de volonté politique. La Nation doit faire des choix.

Un trop grand nombre de ménages français vit dans une situation de précarité énergétique. Comme l'a annoncé Mme Batho, les tarifs sociaux du gaz et de l'électricité seront étendus à 830 000 personnes supplémentaires, ce dont nous nous réjouissons. GDF-Suez plaide en ce sens depuis six mois.

Il est devenu très compliqué pour un industriel de parler des gaz de schiste en France. En fait, les industriels s'adaptent. Ainsi, si GDF-Suez n'a pas d'activité dans le charbon en France, elle en a aux Pays-Bas. De la même manière, nous sommes recalés en France pour l'installation d'éoliennes en mer, mais félicités par l'Allemagne quand nous leur en livrons. Le dossier des gaz de schiste est clos en France ; nous n'allons pas le rouvrir, d'autres le feront. Pour l'heure, le seul procédé connu pour les extraire est la fracturation hydraulique ; il sera sûrement amélioré. Néanmoins, les gaz de schiste constituent une vraie révolution. Les Américains sont indépendants pour le gaz et le seront peut-être, selon le scénario élaboré par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans son rapport annuel, pour le pétrole. De surcroît, ils sont passés du charbon au gaz de schiste, et exportent dorénavant le premier en Europe. Comme cette dernière utilise le charbon américain, ses centrales au charbon fonctionnent à plein régime et émettent beaucoup de CO2, alors que ses centrales au gaz marchent un jour sur quatre. Une augmentation des émissions de CO2 dans le secteur énergétique européen est donc inéluctable. Or selon l'AIE, le gaz est le seul combustible pour lequel la demande mondiale augmente quel que soit le scénario envisagé. Je suis déçu que le gaz chasse le charbon aux États-Unis, et que le charbon chasse le gaz en Europe – mais pas trop en France qui n'est pas vraiment un pays gazier. D'ailleurs, il est impossible de construire une centrale CCG aujourd'hui par manque de rentabilité : les miennes fonctionnent un tiers du temps alors qu'elles sont neuves !

Nous n'avons pas baissé notre participation dans Suez Environnement – à hauteur 35 % – et n'avons pas l'intention de le faire, comme l'a rappelé ce matin Gérard Mestrallet. Nous en restons le principal actionnaire ; un contrat entre nos deux entreprises prévoit d'ailleurs de développer nos activités. En revanche, nous avons décidé de mettre fin à notre contrôle sur cette filiale.

Aujourd'hui, la surcapacité électrique de l'Europe est une réalité. Les centrales au gaz ont été fabriquées pour tourner 6 500 heures, mais fonctionnent 2 000 heures. Le système est plus fragile à la pointe de consommation. Il a fallu attendre 2012 pour parler du risque d'une Europe plongée dans le noir ! La décennie 2020-2030 sera difficile car nous serons vraisemblablement en sous-capacité. Mais aujourd'hui, aucun énergéticien n'est capable d'investir dans la filière thermique en Europe.

Nous ne sommes pas défavorables aux énergies renouvelables, à condition d'avoir confiance dans la capacité des pays où l'on investit à respecter leurs engagements. Seriez-vous prêt à investir dans l'éolien en Italie à 150 euros le mégawatt ?

J'ai compris l'appel sur la bioénergie. Je vais étudier la question.

Je termine par le prix du gaz indexé sur le prix du pétrole. D'abord, les contrats sont ce qu'ils sont. Ensuite, l'indexation pétrole existe à peu partout, sauf dans le monde anglo-saxon. Enfin, grâce aux renégociations de GDF-Suez avec ses fournisseurs, la nouvelle formule de calcul des tarifs du gaz en France intégrera une part de prix de marché à hauteur de 36 % au 1er janvier contre 26 % actuellement. J'espère que la représentation nationale ne me reprochera pas à l'avenir d'avoir introduit une part de marché dans le prix du gaz.

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