Intervention de Philippe Yvin

Réunion du 15 septembre 2015 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Philippe Yvin, président du directoire de la Société du Grand Paris :

Je crois pouvoir affirmer aujourd'hui que, depuis ma précédente audition devant vous, le 11 février 2014, et ma prise de fonctions, le 21 février suivant, la mise en oeuvre du Grand Paris Express s'est poursuivie à un rythme soutenu.

Lors de deux comités interministériels consacrés au Grand Paris, le 13 octobre 2014 et le 14 avril 2015, le Premier ministre a confirmé la feuille de route de la Société du Grand Paris et demandé en outre que les liaisons entre Paris et les aéroports ainsi que la desserte du plateau de Saclay soient accélérées et avancées à 2024.

Dans le même temps, plusieurs évolutions législatives et réglementaires ont accompagné la réalisation du projet. Tout d'abord la mise en oeuvre des dispositions de la loi du 27 janvier 2014, qui prévoit les modalités d'association du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) au stade de l'approbation des dossiers d'enquête publique et des avant-projets. Je rappelle ici que les dossiers d'enquête publique sont soumis à l'Autorité environnementale et au Commissariat général à l'investissement, qui procèdent chacun à une contre-expertise socio-économique.

Ensuite, les dispositions de l'ordonnance du 26 juin 2014, qui a permis à la Société du Grand Paris de contribuer au financement du plan de mobilisation régional. Plusieurs décisions de financement, pour un montant total de 455 millions d'euros ont, depuis lors, été approuvées par notre conseil de surveillance, pour contribuer au financement de la modernisation des RER – notamment le RER E à l'ouest – et du prolongement des lignes 11 et 14 du métro. Ce sont au total 2,45 milliards d'euros qui doivent être consacrés par la SGP au financement du plan de mobilisation des transports.

De plus, le Parlement a, depuis, adopté une procédure de révision du schéma d'ensemble du Grand Paris, tel qu'il avait été adopté dans la loi du 3 juin 2010. Le régime des tréfonds a également été modifié, ce qui va grandement faciliter la réalisation du projet, puisque nous ne serons plus obligés d'acheter les tréfonds mais pourrons indemniser a posteriori les propriétaires, à partir du moment où la déclaration d'utilité publique aura été obtenue. Cette disposition a été votée dans la loi relative à la transition énergétique, et nous attendons la publication prochaine de son décret d'application.

Enfin, vous avez, dans la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », étendu les compétences de la SGP, en lui permettant d'établir et de gérer désormais les réseaux de communication électronique, ce qui devrait générer à terme des ressources supplémentaires significatives.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? La ligne 15 Sud, entre Pont-de-Sèvres et Noisy-Champs, comprendra 33 kilomètres et 16 gares nouvelles, et sera la première ligne mise en service, à l'horizon de la fin 2022. La déclaration d'utilité publique a été prononcée le 24 décembre 2014, et le conseil de surveillance a approuvé, le 10 juillet dernier, le dossier d'investissement actualisé, tenant compte des études d'avant-projet. Les premiers travaux sur l'ensemble des gares de cette ligne ont commencé au printemps, et les permis de construire devraient être déposés au fur et à mesure, dans les prochains mois.

Quant aux travaux de génie civil concernant les tunnels, ils seront engagés à la fin de l'année 2016. À l'occasion de ces premiers travaux, nous mettons en place des comités de suivi de chantier avec les villes et les riverains afin de poursuivre la concertation engagée depuis de nombreux mois. Il est prévu par ailleurs de développer, dans le cadre d'une convention avec la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, des actions de soutien aux commerçants touchés par les travaux. La deuxième ligne, la ligne 16, longue de 25 kilomètres, reliera Champigny à Saint-Denis-Pleyel. Elle a fait l'objet d'un avis favorable à l'issue de l'enquête publique. Le dossier vient d'être transmis au Conseil d'État, et nous attendons la déclaration d'utilité publique pour la fin de 2015. Le dossier d'investissement a été approuvé en juillet 2014, pour un montant de 3,32 milliards d'euros. Les études avancent à un rythme soutenu, sachant que les données géologiques sont extrêmement importantes pour cette ligne qui traverse un territoire dont le sous-sol recèle de nombreuses carrières de gypse. Il faut souligner enfin que la ligne 16 revêt évidemment une importance toute particulière dans le cadre de la candidature de la France aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, puisque sa mise en service est prévue pour la fin 2023.

En troisième lieu, la ligne 14 fait l'objet d'un prolongement à partir de Paris jusqu'à la gare d'Orly. L'enquête publique, qui s'est déroulée au printemps dernier, n'a pas soulevé de difficulté particulière. Cette ligne 14, tout comme la ligne 17, qui desservira l'aéroport de Roissy, traverse des territoires à très fort potentiel de développement économique et présente donc un intérêt stratégique majeur pour l'attractivité de l'Île-de-France. Nous avons délégué la maîtrise d'ouvrage des travaux à la Régie autonome des transports parisiens (RATP), qui est l'exploitant actuel de la ligne, sauf pour la gare d'Orly, qui sera réalisée par Aéroports de Paris. Le conseil de surveillance de la SGP a approuvé le dossier d'investissement le 10 juillet dernier, pour une somme de 2,14 millions d'euros, et sa mise en service est prévue pour le premier semestre 2024.

Le quatrième tronçon, la ligne 15 Ouest, qui traversera les Hauts-de-Seine, entre Boulogne-Billancourt et Saint-Denis-Pleyel, fait l'objet d'une enquête publique qui commence le 21 septembre prochain et durera jusqu'au 29 octobre. Cette ligne qui compte 20 kilomètres et comporte 11 gares sera mise en service en deux temps : d'abord en 2025 à Nanterre, puis en 2027 à Saint-Denis-Pleyel. Le conseil de surveillance a également approuvé le dossier d'investissement au cours de sa réunion du 10 juillet dernier, pour un montant de 3,15 milliards d'euros.

La concertation vient de s'achever sur la ligne 18, longue de 35 kilomètres et dotée de 9 gares, qui traverse le plateau de Saclay. Ce cluster de la recherche et de l'enseignement supérieur représente un enjeu national capital, et nous ne pouvons, à cet égard, que nous réjouir de la première rentrée de l'université Paris-Saclay, qui vient d'avoir lieu, avec ses quelque 10 000 enseignants et 60 000 étudiants, et dont l'ambition affichée est de figurer dans le haut des classements internationaux. Le tracé de cette ligne, partiellement en viaduc, nécessite une parfaite insertion paysagère. C'est pourquoi un concours d'architecture international a été lancé pour la réalisation de cet ouvrage. La mise en service de la ligne 18 est prévue en 2024 pour la partie Orly-Saclay et en 2030 pour la partie Saclay-Versailles. Son coût est estimé à 2,73 milliards d'euros, et l'enquête publique aura lieu au début de l'année 2016.

La ligne 17 Nord, quant à elle, longue de 27 kilomètres et pourvue de 9 gares, reliera Le Bourget à Roissy, et se prolongera jusqu'au Mesnil-Amelot. Elle sera également en partie en viaduc, lequel fera également l'objet d'un concours d'architecture. La mise en service de cette ligne est prévue en 2024, l'enquête publique devant être réalisée au début de l'année 2016. Son coût prévisionnel est aujourd'hui de 2,546 milliards d'euros. Conformément à la décision du Gouvernement, le site de maintenance pour les lignes 16 et 17, originellement prévu à Gonesse, sera finalement implanté sur le site des anciennes usines Peugeot à Aulnay-sous-Bois.

Enfin, dernier tronçon, la ligne 15 Est, sera longue de 23 kilomètres et comportera 10 gares. La SGP en a repris la maîtrise d'ouvrage au STIF en février 2015. Elle reliera Saint-Denis-Pleyel à Champigny, en desservant la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne. Sa réalisation est prévue en deux temps : d'abord jusqu'à Rosny-sous-Bois, puis jusqu'à Champigny ; son coût est estimé à 3,179 milliards d'euros. L'enquête publique se déroulera également au premier semestre 2016.

Les trois derniers dossiers d'investissement – ceux des lignes 17 Nord, 18 et 15 Est – devraient être approuvés lors du prochain conseil de surveillance de la SGP, en novembre, de façon à ce que l'ensemble du projet puisse être engagé avant la fin de l'année 2015. Toutes les enquêtes publiques seront réalisées d'ici la fin du premier semestre 2016.

Nous avons aussi, durant ces derniers mois, consolidé le financement du projet. Compte tenu de l'avancement des études et des travaux, ainsi que des versements de la Société au plan de mobilisation de la région, il est vraisemblable que nous devrions commencer à emprunter en 2017. C'est pourquoi nous avons conclu deux accords de prêt : le premier avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sur le fonds d'épargne, pour 4 milliards d'euros, dont une première enveloppe d'un milliard d'euros, au titre de la croissance verte ; le second, également d'un montant d'un milliard d'euros, avec la Banque européenne d'investissement (BEI). Sous réserve d'approbation ultérieure de son comité de direction, la BEI devrait intervenir à la même hauteur que la CDC pour les deux premières lignes, pour un montant total d'environ 9 milliards d'euros.

Par ailleurs, je signale que la Commission européenne vient d'attribuer à la Société du Grand Paris une subvention de 31 millions d'euros, au titre du mécanisme européen d'interconnexion, pour financer les études des lignes 14, 17 et 18, l'objectif de ce nouveau programme européen étant de promouvoir des liaisons plus efficaces entre le coeur des agglomérations et les terminaux internationaux d'aéroports ou de lignes ferrées à grande vitesse.

Le Grand Paris Express est évidemment un grand projet de métro, mais c'est aussi une formidable chance de porter de nouvelles ambitions en matière d'environnement, d'aménagement, de développement économique et numérique, comme en matière d'emploi.

Cela passe au premier chef par le développement de l'intermodalité et des interconnexions. Le maillage entre les lignes de transport existantes et les lignes en projet constitue donc un enjeu majeur pour la réussite du Grand Paris Express. Par exemple, toutes les 16 gares de la ligne 15 Sud assureront une correspondance avec le réseau lourd ou avec une ligne de surface structurante, comme un tramway. Le tronçon sera ainsi maillé avec l'ensemble des lignes radiales de transport en commun qui arrivent à Paris. Pour assurer une interconnexion optimisée entre les différents réseaux, les études de conception des gares ont été menées en lien étroit avec les opérateurs de transport concernés, au premier rang desquels la RATP et Réseau ferré de France (RFF), en concertation avec le STIF.

Réciproquement, les opérateurs mènent les projets d'adaptation de leurs gares et stations, qui seront financés par la SGP mais aussi – et c'est un élément important dans la consolidation du projet – par les crédits mobilisés dans le cadre du contrat de plan État-région (CPER) qui vient d'être signé.

Au-delà, les études doivent se poursuivre afin que le plus grand nombre possible de Franciliens et de salariés des départements limitrophes de l'Île-de-France qui empruntent chaque jour le Transilien aient accès demain à une correspondance avec le Grand Paris Express.

Autour des 68 gares de ce projet, l'intermodalité constitue un enjeu majeur. Afin de répondre aux exigences de notre xxie siècle, c'est-à-dire une intermodalité numérique et électrique. Au-delà de la réorganisation des réseaux de bus, le voyageur qui empruntera demain le Grand Paris Express pourra, grâce à un réseau fluide et à une tarification intégrée, effectuer facilement son dernier kilomètre, en vélo, en véhicule électrique ou en bus. À cet effet, il est tout à fait essentiel de bien travailler les espaces publics autour des gares. La Société du Grand Paris leur accorde une très grande attention et a donc décidé de doter chaque projet de gare d'une enveloppe de 100 000 euros, afin de permettre, sous l'égide des collectivités locales, la réalisation d'études destinées à mettre en place une intermodalité de qualité.

En ce qui concerne la dimension environnementale du projet, nous avons à considérer trois aspects, étant entendu que le développement durable est sous-jacent à l'intégralité du projet : la gestion environnementale des chantiers, la gestion de l'énergie et la gestion des déblais. Sur ce dernier point l'ambition de la SGP se développe autour de trois objectifs : traçabilité, transports alternatifs et valorisation.

Assurer la traçabilité totale des déblais du Grand Paris Express constitue une grande première pour un chantier de cette envergure : il sera possible de suivre précisément le cheminement des déblais depuis leur extraction jusqu'à leur traitement final.

Il s'agira également de développer au maximum des moyens alternatifs à la route pour acheminer ces déblais. Des négociations ont pour cela été engagées très en amont avec Ports de Paris et RFF. Pour la ligne 15 Sud, deux plateformes ferroviaires sont d'ores et déjà prévues, l'une à Issy-Vanves-Clamart, l'autre à Champigny. La Seine sera également empruntée – deux plateformes fluviales sont prévues à Sèvres et à Vitry –, de même que les canaux de l'Ourcq et de Saint-Denis.

Concernant la valorisation des déblais, il faut savoir que le chantier produira environ 43 millions de tonnes de déblais, ce qui représente certes une contrainte mais peut-être aussi, demain, un atout économique, grâce au développement de filières de valorisation avec l'ensemble des industriels du bâtiment et des travaux publics, ainsi que des filières de recyclage. Le tri ne pouvant toujours se faire immédiatement sur le chantier, des plateformes de transit seront créées pour assurer ce tri en vue de la valorisation des déblais. Par ailleurs, un travail est mené avec l'Association des maires d'Île-de-France afin de permettre l'utilisation des déblais du Grand Paris Express pour des aménagements paysagers. Plusieurs maires ont d'ores et déjà fait part de leur souhait d'accueillir des terres propres – elles représentent environ 45 % des déblais – pour réaliser de tels aménagements paysagers. L'idée est donc de mettre en place un cycle complet de traitement et de valorisation des déblais, qui aille bien au-delà du stockage traditionnel.

Sur la question de l'énergie, plusieurs approches sont envisagées. L'innovation technologique d'abord, avec l'emploi de nouveaux matériels consommant beaucoup moins d'énergie, mais aussi avec la récupération d'énergie via la chaleur produite dans les gares. Les dernières études montrent que les travaux de génie civil de cinq des seize gares de la ligne 15 Sud pourront ainsi être mis à profit pour le déploiement d'installations de géothermie, qui bénéficieront au fonctionnement des gares elles-mêmes ainsi qu'aux quartiers alentour.

Le projet numérique figure également parmi les priorités de la Société du Grand Paris, qui a pour ambition de créer le métro le plus digital du monde. Il s'agira d'assurer une couverture totale du réseau en téléphonie mobile et internet, qui permette le développement de nouveaux services sur le réseau et dans les gares. Nous travaillons également à la possibilité d'implanter des data centers dans certaines des futures gares, de façon à participer à la stratégie d'aménagement numérique du territoire francilien.

En matière de construction de logements, la SGP sera attentive à développer sur son propre foncier des programmes de logements dans le cadre d'opérations connexes sur les gares. C'est déjà le cas sur la ligne 15 Sud, où des appels d'offre ont été lancés avec les villes de Créteil, Bagneux ou Issy-les-Moulineaux pour la construction de logements au droit des gares. Des démarches analogues seront poursuivies avec les autres villes.

Au-delà de la construction de logements sur le foncier de la SGP et des villes, au-dessus ou à proximité immédiate des gares, l'enjeu est bien de rentabiliser au mieux cet investissement public majeur que représente le Grand Paris Express, pour faire naître d'ambitieux projets urbains. Ainsi, si l'on considère un rayon d'intervention de 800 mètres autour des gares, ce sont 140 kilomètres carrés, soit plus que la surface de Paris intra muros, qui pourraient faire l'objet d'opérations de renouvellement urbain et de construction de logements d'envergure.

Si tous les métros du monde ont une histoire culturelle, l'ambition de la Société du Grand Paris est d'aller au-delà de la simple commande artistique pour les stations du métro, en valorisant tout au long du chantier les ressources qui existent sur le territoire francilien. Deux cent cinquante équipements ont déjà été repérés autour des 68 gares du Grand Paris Express, afin d'associer à ce grand chantier les Franciliens, en particulier les jeunes, qui seront les premiers usagers de ce nouveau réseau de transport. C'est pourquoi la SGP va, tout au long des travaux, accorder une attention soutenue à l'offre de formation et d'emploi, notamment de formations en alternance. Des clauses d'insertion ambitieuses seront ainsi mises en oeuvre dans tous les marchés passés par la Société, et une action conjointe développée avec les nouveaux territoires de la métropole du Grand Paris et les communautés d'agglomération en grande couronne.

Le Grand Paris Express sera un projet innovant. Nous parlons d'innovation technologique, grâce au renouvellement des techniques de construction – suivi des travaux souterrains grâce à l'interférométrie par satellite et à la fibre optique, utilisation de nouveaux matériaux –, mais aussi d'innovation environnementale, grâce à l'abaissement du bilan carbone des chantiers, à l'optimisation des compensations écologiques et grâce à une gestion économiquement productive des déblais. Nous parlons d'innovation sociale, enfin, grâce au développement de la participation citoyenne et à des gares conçues comme des espaces de travail partagés et des lieux de création culturelle, grâce aussi au développement de l'intermodalité électrique, des usages et services numériques.

C'est pourquoi je suis convaincu que la réalisation du Grand Paris Express constitue une chance pour les entreprises françaises. Ce grand projet représente un enjeu majeur pour l'exportation. L'Union internationale des transports publics prévoit que le nombre de kilomètres de métro automatique dans le monde sera multiplié par six dans les dix ans qui viennent. C'est une occasion à ne pas laisser passer, non seulement pour les sociétés d'ingénierie, non seulement pour nos champions de l'exploitation du métro, non seulement pour nos entreprises de travaux publics et de services urbains mais, bien au-delà, pour proposer un modèle français de la ville intelligente et durable.

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