Intervention de Jean-François Debat

Réunion du 8 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Jean-François Debat, président délégué de Villes de France :

Merci d'auditionner Villes de France, ex-Fédération des villes moyennes. Caroline Cayeux, présidente, n'a pu se joindre à nous aujourd'hui ; Jacques Lamblin, maire de Lunéville et membre du conseil d'administration, regrette de ne pas être présent, mais il m'a fourni quelques éléments concernant sa propre ville.

Sans dire que les villes de 20 000 à 100 000 habitants, fédérées avec leurs agglomérations au sein de l'association, s'en tireraient mieux que les autres ou seraient en avance, notre expérience nous permet de livrer quelques éléments de réflexion sur les questions posées par le mouvement engagé de réduction significative des dotations de l'État, qui aura forcément des incidences dans les années à venir.

J'articulerai mon propos liminaire autour de quatre points, avant de répondre à vos questions, monsieur le président.

D'abord, la presse indique que c'est seulement depuis l'année dernière que les collectivités territoriales sont affectées par la baisse des dotations. Or la stabilisation des dotations de l'État au cours des cinq années précédentes, avec le mécanisme de l'enveloppe globale, s'est elle-même traduite par des baisses de dotations pour un grand nombre de villes dont la population n'a pas progressé. C'est particulièrement vrai pour les villes-centres – grandes, moyennes ou petites –, contrairement à la plupart des communes périurbaines ou rurales qui, elles, ont connu une augmentation démographique. Pour ma propre ville, j'ai chiffré la baisse des dotations enregistrées depuis 2009 à l'équivalent de six points d'impôt. Dans ce contexte, des efforts ont déjà été consentis par des villes, en particulier par une stabilisation des effectifs – en baisse de 3 % dans ma propre collectivité sur la période 2009-2014 –, ce qui réduit d'autant la marge de manoeuvre dont elles disposent pour répondre aux problèmes posés par la baisse des dotations aujourd'hui.

Ensuite, les messages sur lesquels sont fondés les commentaires de la presse sont parfois erronés, ou partiels, lorsqu'ils laissent entendre que les collectivités territoriales n'auraient nullement été affectées dans les années précédentes. Pour ce qui est de la région Rhône-Alpes, dont je suis vice-président délégué aux finances, le budget 2015 est identique, en valeur absolue, à ce qu'il était en 2009. C'est bien la preuve que nous n'étions pas dans un contexte d'augmentation continue des budgets locaux, qui aurait été à contre-courant de la politique budgétaire nationale et qui justifierait aujourd'hui de la part des collectivités des efforts plus importants que ceux accomplis par l'Etat.

Troisièmement, la réduction des dotations laisse augurer, dans le meilleur des cas, une stabilisation budgétaire en volume, et, dans certaines situations, une réduction budgétaire. Autrement dit, les efforts consentis par les collectivités sont calculés, non à partir d'une évolution normée que l'on tend à réduire, mais sur la base d'une baisse en valeur absolue des concours accordés. À titre d'exemple, sur un budget de fonctionnement de 62 millions d'euros, la ville que j'administre perd 1,5 million d'euros tous les ans – soit 9 millions en cumulé –, ce qui représente une diminution de 5 % sur trois ans.

Quatrièmement, toujours selon certaines analyses erronées, mais pourtant largement reproduites par des commentateurs « avisés », l'évolution des recettes fiscales, qu'elles soient spontanées ou décidées, compenserait plus que largement la baisse des dotations. C'est évidemment faux. Nous ne connaissons pas encore tous les chiffres pour 2014, mais au vu des éléments partiels dont nous disposons concernant les villes, il est clair que la baisse des dotations ne sera compensée qu'aux deux tiers, dans le meilleur des cas, par l'évolution des recettes. Nous savons d'ores et déjà, grâce aux informations communiquées sur les taux votés, que les évolutions spontanées des bases ou celles liées à la réévaluation en loi de finances, cumulées avec les efforts fiscaux qui pourraient être consentis par certaines collectivités, seront loin de compenser le volume de baisse des dotations. Pour reprendre l'exemple de ma ville, 1,5 million d'euros représente 6 points d'impôt ; or les évolutions cumulées des recettes, des bases et des taux votés pourraient représenter entre un et deux points maximum, mais certainement pas six.

Au chapitre des conséquences de la baisse des dotations de l'État, monsieur le président, vous avez évoqué deux aspects : la baisse de l'investissement et la remise en cause des services publics rendus aux usagers.

Sans doute est-il prématuré de s'appuyer uniquement sur les chiffres de 2014, et même sur ceux de 2015, pour avoir des certitudes quant à l'impact de la baisse des dotations sur l'investissement. En effet, le recul de 15 % des investissements doit être corrélé avec le fait que nous sommes en première année de mandat – la première année des mandats municipaux connaît traditionnellement une baisse de l'investissement, en raison du temps nécessaire à la mise au point des nouveaux programmes en cas d'alternance. La baisse de l'investissement constaté pour 2015 se situe donc dans la moyenne haute des premières années de mandat, mais l'honnêteté intellectuelle pousse à dire que l'on ne peut pas se fonder sur cette seule donnée pour annoncer une forte baisse de l'investissement. En revanche, les projets d'investissement étant, en règle générale, calibrés selon un montant prévisionnel sur la durée du mandat, les déclarations de nos adhérents montrent que l'on risque fort d'atteindre le point bas dans les grandes villes et les villes moyennes. Ainsi, en se fondant sur l'hypothèse que la baisse des dotations s'arrêtera à compter de 2017, et compte tenu de la baisse de l'autofinancement, mais aussi des efforts d'économies sur les services publics, les projections laissent penser que la diminution des budgets d'investissement se situera dans une fourchette comprise entre 20 % et 30 % sur la durée du mandat, avec un impact qui se fera sentir dès 2016, mais surtout en 2017.

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