Intervention de Jean-François Debat

Réunion du 8 septembre 2015 à 16h30
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Jean-François Debat, président délégué de Villes de France :

La mutualisation des compétences pourrait faire gagner çà et là un poste ou deux, mais j'évoquais tout à l'heure un chiffre global. Je reprends l'exemple de mon intercommunalité : 850 agents travaillent à temps plein pour la ville et 250 pour la communauté d'agglomération, dont les trois quarts dans les domaines de l'environnement, des déchets, des transports publics et de la gestion des équipements communautaires. L'effort de mutualisation souhaitable ne s'est pas forcément fait au cours des dix dernières années : la communauté d'agglomération, bâtie après la loi Chevènement, a bénéficié de l'effet fortement intégrateur de la taxe professionnelle, et un certain nombre de postes ont été créés alors qu'on aurait sans doute pu s'en passer. Il peut ainsi exister des doublons entre la ville-centre et l'agglomération dans le domaine de la politique de la ville ou dans celui de la politique sportive d'intérêt communautaire. La mutualisation est donc nécessaire, mais je confirme notre analyse : elle ne suffira pas au regard l'effort d'économies nécessaire.

Un autre aspect de la mutualisation est de permettre aux communes non dotées des services de la ville-centre de bénéficier d'une partie de ces services en en finançant leur part. Cela se traduit, non par une diminution globale de la dépense publique, mais par une autre organisation du travail. Pour l'instruction des permis de construire, par exemple, des villes dotées d'un service de l'urbanisme, au lieu de supprimer un poste ou un demi-poste, peuvent affecter celui-ci au travail destiné à rendre ce service dans des communes qui n'en disposent pas. En fin de compte, cependant, une partie de la dépense est financée par des communes qui bénéficiaient du service gratuit de l'État : c'est donc ce dernier, et non le bloc communal, qui fait des économies.

Nous appelons de nos voeux – sauf peut-être ceux de nos adhérents qui sont en première couronne d'une métropole – la convergence fiscale, dans la mesure où elle permet de faire contribuer davantage d'habitants au financement de services dont ils bénéficient dans des conditions à peu près équivalentes. Certes, une part des services publics rendus dans les villes-centres, ou dans les villes de première couronne d'une certaine taille, restera supportée par ces dernières, car elle correspond à un surplus de service que les autres communes n'ont pas les moyens ou l'envie d'offrir. En revanche, il faut que la convergence porte sur les services mutualisés, car la politique tarifaire ne peut à elle seule, compte tenu de la part modeste payée par l'usager, contribuer à l'équilibre. Plutôt qu'une réduction du service, il faudra soit partager le financement, soit le réduire pour tout le monde. La convergence fiscale sur les impôts ménages est donc une nécessité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle elle ne se fait pas : dans le cadre des pactes financiers et fiscaux, elle est le premier sujet qui achoppe entre la ville-centre et les communes périphériques.

J'ajoute que le phénomène d'extension des agglomérations, engagé par la réforme de la carte intercommunale, ne facilite pas l'exercice. En effet, plus les agglomérations s'étendent en milieu périurbain, voire rural, moins le poids politique de la ville-centre est fort, et plus les habitants sont éloignés des services publics, moins la convergence fiscale est aisée à négocier. Dans ces conditions, elle risque de se faire uniquement sur les taux des intercommunalités : lorsque les communautés d'agglomérations fusionneront avec des communautés de communes, les dix ans qui suivront seront consacrés à harmoniser les taux des EPCI, et c'est seulement ensuite que l'on commencera à envisager l'harmonisation des taux des communes. Par conséquent, au vu de la réalité politique actuelle, le chantier de la convergence doit être conduit par le législateur.

Enfin, concernant la réforme de la DGF, nous sommes favorables à certaines évolutions afin de remédier aux inégalités. On devrait engager rapidement celles qui font consensus et sont assez faciles à mettre en oeuvre ; en revanche, nous souhaitons vérifier les objectifs de péréquation assignés à la DGF. J'ai évoqué les charges de ruralité et de centralité, sur lesquelles nous sommes ouverts au débat, mais il faut prendre le temps de définir les critères et la manière de les chiffrer. Un chef-lieu de canton de 800 habitants peut certes avoir des charges de centralité, mais elles ne sont pas les mêmes, en valeur absolue, que celles d'une ville-centre : il faut donc les calculer en euros par habitant et les rapporter à l'effort fiscal. Comme nous l'avons dit en juillet lors de la Rencontre nationale des territoires, en présence des ministres, nous sommes favorables à des évolutions, mais nous souhaitons prendre le temps de la réflexion sur une réforme qui entrerait en vigueur en 2017.

Comme personne ne connaît les incidences de cette réforme, certains espèrent y gagner et pensent qu'il faut aller vite ; les autres craignent d'y perdre et s'y opposent donc ; d'autres encore ne savent pas et jugent que, dans le contexte actuel, mieux vaut s'en tenir à ce que l'on a que de courir un risque. C'est bien pourquoi il faut prendre le temps de la discussion pour évaluer les impacts : un système comme celui que nous avons vu au début de l'été, dans lequel toutes les villes perdraient, ne peut constituer une base de réforme.

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