Au nom des membres de l'AMVBF, je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir pris l'initiative de créer cette commission d'enquête, dont le titre correspond à une forte préoccupation des maires que je représente. Dans un contexte marqué par la baisse des concours de l'État, par des changements institutionnels dans l'organisation territoriale et par la volonté affichée par le Gouvernement de réformer la dotation globale de fonctionnement (DGF), il est important que les parlementaires et les maires puissent se saisir de ces questions essentielles.
L'AMVBF a beaucoup oeuvré auprès des institutions pour promouvoir le développement des quartiers les plus fragiles et mettre fin aux inégalités territoriales. C'est une petite association d'élus, comparée à l'Association des maires de France (AMF) ou à l'Association des maires ruraux de France (AMRF). Autour notamment du regretté Claude Dilain, elle a néanmoins permis aux maires de banlieue de se réunir.
Lors des précédentes auditions, vous avez déjà recueilli beaucoup de chiffres, désormais largement connus, notamment sur la baisse des investissements constatée en 2014. Plutôt que de vous faire un exposé technique, je vais donc vous parler des difficultés auxquelles les élus locaux sont confrontés.
Après le prélèvement de 1,5 milliard d'euros effectué en 2014 et les 11 milliards d'euros d'économies imposées aux collectivités territoriales dans le cadre du plan de réduction des dépenses publiques, la baisse de la DGF a eu des conséquences importantes sur l'investissement des communes que l'AMVBF représente. Je n'ai pas l'impression de vous révéler un scoop en vous disant cela…
Au lendemain des élections municipales, c'est-à-dire d'une échéance un peu particulière en termes d'investissement, les maires de l'association ont montré une prudence inhabituelle : ils se sont quasiment bornés à financer les seuls « coups partis », adoptant une position attentiste, accentuée par les débats sur le Grand Paris, en matière d'engagements nouveaux. Aux budgets de fin de mandat dont chacun connaît la spécificité et le caractère volontariste, ont succédé des budgets plus prudents.
C'est ainsi qu'à Montreuil, après une année 2014 faste qui avait vu l'inscription au budget de la ville de 55 millions d'euros de dépenses d'investissement, nous avons dû revenir à des réalités autrement moins souriantes. Les conseils du cabinet Klopfer et notre propre analyse des comptes nous ont conduits à réduire de près de 20 % les investissements à venir par rapport à la moyenne de ceux réalisés par l'équipe municipale précédente. Pour Montreuil, la baisse des dotations annoncée se traduirait par un autofinancement amputé de près de 100 % d'ici à 2017.
Dans ces conditions, c'est à un cadrage financier extrêmement serré que nous avons dû nous résoudre pour préparer notre budget 2015 : maintien au même niveau des charges de personnel ; diminution globale de près de 10 % de toutes les autres dépenses de fonctionnement ; un crédit de dépenses pour notre programme d'investissement plafonné à 30 millions d'euros. La préparation du budget 2016 s'annonce tendue, laissant présager une nouvelle diminution de notre programme d'investissement, même si j'ai l'intention de tout faire pour que celui-ci reste compatible avec le développement, notamment démographique, de la commune.
Tous les maires de l'association sont peu ou prou confrontés au même effet de ciseaux. La conjugaison de la hausse de leurs dépenses – notamment celles qui sont liées à la réforme des rythmes scolaires – et de la baisse de leurs recettes les conduit à réfléchir sur le périmètre de leurs politiques publiques, c'est-à-dire sur la nature même de leurs interventions. Plusieurs de mes collègues assistent à une rupture fondamentale dans l'histoire budgétaire de leur collectivité : pour la première fois, les comptes administratifs enregistrent une diminution nette des recettes réelles de fonctionnement d'un exercice à l'autre.
À Montreuil, cette réduction s'explique pour plus de 40 % par la baisse inédite des dotations et participations de l'État et des autres financeurs institutionnels. Vous connaissez les effets de report : nos financeurs traditionnels – régions et départements – mènent le même type de réflexion et nous annoncent une baisse de certains de leurs concours. Il existe aussi une corrélation entre les recettes de fonctionnement et les dépenses d'investissement. Pour un investissement classique, l'effet de levier est d'un pour dix : chaque baisse d'un euro de l'autofinancement ampute de dix euros la capacité d'emprunt. Dans ces conditions, les villes de banlieue se retrouvent dans des situations très difficiles. Les banquiers appellent certains collègues pour solliciter de nouveaux rendez-vous et demander des explications un peu plus pressantes que par le passé.