Intervention de Patrice Bessac

Réunion du 8 septembre 2015 à 18h00
Commission d'enquête visant à évaluer les conséquences sur l'investissement public et les services publics de proximité de la baisse des dotations de l'État aux communes et aux epci

Patrice Bessac, vice-président de l'Association des maires Ville et Banlieue de France :

À titre personnel, j'avais salué l'initiative du Premier ministre, il y a un an et demi, lorsqu'il avait indiqué qu'il s'engagerait en faveur des maires bâtisseurs. À mon avis, il faut éviter la complexité et un fléchage précis des financements vers des objets particuliers. Dans les zones où le marché immobilier est tendu, en Île-de-France et ailleurs, il faut construire des logements pour répondre aux besoins à couvrir dans les vingt ans à venir. Il faut donc aider les maires à créer des crèches et des écoles au même rythme. C'est pour ces investissements basiques que nous avons aujourd'hui des difficultés à faire de bonnes prévisions.

Les villes franciliennes ont aussi été confrontées à la longueur des débats sur le Grand Paris, qui a compliqué leur politique d'investissement. Certains collègues ont été plongés dans l'expectative, éprouvant des difficultés à établir des programmes pluriannuels d'investissements. Les maires ne savaient pas quelles compétences leur resteraient au-delà de 2016, ni de quels moyens financiers ils disposeraient. Si une partie de la problématique s'est éclairée, il reste des incertitudes. Prenons l'exemple du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) : si la loi n'est pas modifiée, toutes les communes d'un même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pourraient devenir des contributrices nettes, ce qui pourrait en particulier conduire toutes les communes du Grand Paris à devenir contributrices nettes de ce fonds de péréquation.

Pour analyser l'investissement des communes, nous devons aussi tenir compte de l'impact de la baisse des subventions accordées par l'État et surtout par les régions et les départements qui sont des acteurs de la plupart des programmes. Or, en préparant cette audition, je n'ai pas trouvé de données tangibles permettant d'évaluer la manière dont les régions et les départements vont modifier leurs concours. Nous avons là un sujet à défricher.

Les villes cherchent des économies dans leur administration en rationalisant, en modernisant, en mutualisant. C'est ainsi que Montreuil a adhéré à la plateforme Maximilien, créée par la région Île-de-France pour mutualiser les marchés publics franciliens. Nous pouvons recourir à la mutualisation dans d'autres domaines également : maîtrise d'ouvrage, partage d'outils numériques, etc. Les associations d'élus, les partenaires institutionnels et l'État doivent s'interroger sur notre capacité à réellement partager des projets innovants, forts et intéressants pour le bien commun. Cependant, cela ne peut pas être considéré comme une solution immédiate pour compenser les coups de rabot : ces investissements et les efforts qu'ils supposent, notamment en termes de formation des personnels et de travail de conviction, demandent du temps avant d'arriver à maturité et de porter leurs fruits. Au départ, ils peuvent même avoir un léger effet négatif sur le budget.

Face à la baisse de leurs ressources, les maires ont d'abord réduit les fournitures consommables, les fêtes, les feux d'artifice, etc. Ces restrictions ont parfois été ressenties douloureusement par les habitants. Cela peut sembler tout bête, mais la suppression de décorations de Noël, qui permet à telle ou telle commune d'économiser 200 000 ou 300 000 euros, peut être vécue par les habitants comme une nouvelle étape dans le délaissement, dans le rejet hors de la communauté nationale en période de fêtes.

Depuis cette année, les communes les plus touchées par la baisse des dotations en viennent à réviser le périmètre même de leurs politiques publiques. Certaines villes de Seine-Saint-Denis vont jusqu'à appliquer des taux d'effort de plus de 15 % sur leurs dépenses d'activité non rigides, c'est-à-dire les subventions et tout ce qui concourt d'une manière ou d'une autre à la vie locale et au vivre ensemble. Dans leurs lettres de cadrage budgétaire, certains maires de notre association appliquent des baisses de 3 % à 5 % aux secteurs jugés prioritaires par les équipes municipales et des réductions de 10 % aux autres.

Les recherches d'économies visent aussi les dépenses de personnel, et les communes subissent un phénomène extrêmement injuste : la baisse des dotations fait croître de manière mécanique la part relative de la masse salariale dans le budget, même lorsque celle-ci est maintenue à l'identique en valeur absolue. Or certains critères permettant d'évaluer la capacité de la commune à assumer ses engagements, notamment en matière d'investissement, sont établis sur la part relative de la masse salariale. L'effet est immédiat sur l'appréciation des finances des collectivités locales, ce qui se traduit par la limitation des renforts et par la dégradation de certains services. Les maires revoient leurs pratiques et prennent des mesures telles que la réduction des horaires d'ouverture des services publics, notamment des équipements culturels. Les arbitrages sont difficiles.

Reste le recours massif au levier fiscal, c'est-à-dire ce que j'appelle le transfert de l'impopularité fiscale sur les maires.

Quand les communes auront fait le tour de toutes ces possibilités, les problèmes s'accentueront fortement, en 2016 et surtout en 2017. Les maires se persuadent qu'ils vont réussir à tenir mais, en réalité, ils ne savent pas comment ils vont pouvoir résister à long terme.

D'aucuns nous expliquent que l'augmentation de la péréquation compense les baisses de la DGF. Un sondage effectué auprès de nos adhérents montre que, à quelques exceptions près, la baisse de la DGF n'est pas compensée par la dotation de solidarité urbaine (DSU) ou le FPIC. Le panel comprenait vingt communes représentatives, bénéficiaires ou non d'une dotation politique de la ville (DPV), dotées ou non de quartiers en projet de rénovation urbaine (PRU) ou en nouveau programme de renouvellement urbain (NPRU), situées en grande métropole ou en province. Nous avons constaté une augmentation de ressources de dotation pour la seule ville de Liévin, dans le Pas-de-Calais, et une légère baisse de ressources pour Vaulx-en-Velin dans le Rhône, Mainvilliers en Eure-et-Loir et Trélazé en Maine-et-Loire. Dans les seize autres communes, les ressources provenant des diverses dotations ont baissé de manière significative. À Montreuil, les dotations de péréquation ont progressé de 300 000 euros en 2015, tandis que la DGF baissait de 3,7 millions d'euros, ce qui aboutit à une diminution nette de 3,4 millions d'euros de nos ressources de fonctionnement.

Souvent décriée, la péréquation est le seul moyen d'équilibrer le budget de certaines villes. Claude Dilain, l'ancien président de notre association, aurait eu beaucoup à dire sur le sujet. Il aurait pu rappeler la bataille qu'il a fallu mener, en 2011, pour la création d'un fonds national de péréquation. Comme Victor Hugo, il était persuadé que « vivre pour soi seul est une maladie ». Il faut trouver les moyens d'une péréquation à la fois horizontale et verticale.

Selon nos adhérents, la DGF doit être réformée dans le cadre d'une loi distincte du projet de loi de finances, sous l'égide du ministre en charge des collectivités locales, et au terme d'un travail avec les grandes associations d'élus.

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