Il s'agit plutôt de villes disposant d'une marge fiscale importante et d'un revenu par habitant élevé.
Quel que soit le degré de généralité de l'analyse, on parvient à un même résultat : l'épargne brute a tendance à baisser jusqu'en 2017.
Venons-en à l'investissement. À dette constante, de 2015 à 2017, il baisserait d'environ 20 % par rapport à ce qu'il était pendant les trois années précédentes. Nous avons cependant retenu aussi l'hypothèse d'un recours assez prononcé à l'endettement, avec une hausse de 1,5 milliard d'euros, soit 2,6 % de progression annuelle. Mais comme la capacité d'endettement des petites villes n'est pas du tout uniforme, une telle hausse ne peut concerner que la moitié des communes ; certaines villes doivent s'engager dans la voie du désendettement – dans notre modèle, s'entend – quand d'autres peuvent recourir à la dette de manière relativement importante. L'endettement permet ainsi d'obtenir un volume moyen de 6,6 milliards d'investissement, soit un décalage de 7 % par rapport à la période précédente. Autrement dit, l'investissement ne baisse pas fortement dans les communes qui peuvent recourir à l'endettement. Bien sûr, l'objectif n'étant pas pour nous de faire augmenter substantiellement la dette des collectivités locales, ce n'est pas l'hypothèse que nous avons le plus mise en avant ; mais cela montre bien les différences qui peuvent exister entre des collectivités géographiquement ou démographiquement comparables, mais dont la situation financière à l'instant t n'est pas la même.
La disparité entre petites villes tient aussi à d'autres facteurs, à commencer par la place qu'occupe l'intercommunalité. Pour 2014, nous avons estimé que l'intercommunalité pèse pour un tiers dans les 32 milliards de dépenses d'investissements directs des communes et de leurs groupements, budgets annexes compris – chiffre peu souvent pris en compte. À titre de comparaison – hors budgets annexes, cette fois-ci –, cette proportion était de 10 % dans les années 1990. Cela dit, ce poids varie en fonction du type d'intercommunalité : il atteint 50 % dans les communautés urbaines, dotées de structures souvent plus anciennes, et tombe à 25 % dans les communautés de communes.
Je serai très direct : dans nos simulations, il nous est très difficile de faire des projections sur l'épargne et l'autofinancement des collectivités locales sans imaginer un changement dans les services publics, qu'il s'agisse de l'investissement comme du fonctionnement. Du temps de la stabilité des dotations, les communautés avaient déjà tendance à consulter des tiers – associations, partenaires privés – pour réfléchir à la façon de redéfinir les services publics. Les évolutions récentes, si elles ont l'avantage de remettre sur la table certaines questions en incitant les collectivités à revoir leurs habitudes, les contraignent à opérer des choix difficiles en matière de finances publiques.
Autre enjeu, difficilement chiffrable, à prendre en compte : l'implication d'un acteur dont on n'a pratiquement jamais parlé dans les débats sur les conséquences de la baisse des dotations d'État : le citoyen. La sollicitation fiscale et la sollicitation tarifaire sont des ressorts connus ; ce qui l'est moins, c'est l'arbitrage avec l'appui, voire la participation du citoyen, qui jusqu'alors s'exerçait classiquement dans le cadre des associations. Le citoyen a été déconnecté du service public pendant trop longtemps : on en a fait un simple utilisateur en ne mettant en avant son rôle actif que le temps des élections. La contrainte budgétaire va nous obliger à aller au-delà dans ce domaine.
Enfin, il est intéressant de constater que la contrainte financière qui s'impose aux collectivités s'exerce au moment où sur certains sujets, leur contribution aux politiques publiques est attendue de manière impérative : politique du handicap, normes de sécurité, vieillissement de la population, transition énergétique, transports, formation et insertion professionnelle, tout récemment accueil des réfugiés ; sans oublier tous les réseaux, qui devraient constituer – on ne le répète pas assez – une fierté pour les collectivités, qu'il s'agisse de l'eau, de l'assainissement, des routes ou des circuits numériques.