Je souhaite, si vous le permettez, défendre ensemble les amendements AC347 et AC333, ce dernier étant rédactionnel.
Vous savez combien le Président de la République et le Gouvernement sont mobilisés contre les atteintes au patrimoine commun de l'humanité, commises en ce moment en Syrie après que ce fut le cas en Irak, au Mali ou en Afghanistan. Le chef de l'État a confié une mission à M. Jean-Luc Martinez, président-directeur de l'établissement public du musée du Louvre, sur la protection du patrimoine lors des conflits armés, et je me suis moi-même entretenue sur ce sujet durant de nombreux mois avec lui et avec d'autres professionnels – archéologues, scientifiques, représentants des marchés de l'art… Dans un contexte d'intensification du trafic mondial de biens culturels, et étant donné la situation dramatique, sur le plan patrimonial, de certaines zones de conflit, il apparaît nécessaire à tous de renforcer notre législation en matière de circulation illicite des biens culturels et de lutte contre ce fléau. À cette fin, quatre mesures vous sont ici proposées.
Actuellement, les contrôles exercés en France sur les mouvements internationaux des biens culturels sont orientés vers l'exportation, principalement par souci de protection du patrimoine national, et ne prennent pas spécifiquement en compte l'importation. Il est donc proposé de compléter le code du patrimoine en créant une faculté de contrôle douanier à l'importation spécifique pour les biens culturels. L'introduction de ce contrôle à l'importation permettra à la France de se conformer pleinement à ses engagements internationaux, en particulier à la Convention de l'UNESCO du 17 novembre 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels. Ce dispositif s'appliquera aux biens culturels en provenance des États parties à ladite convention, non-membres de l'Union européenne, et qui ont mis en place un dispositif de certificat ou d'autorisation à l'exportation de biens culturels. Parallèlement, je souhaite lancer une initiative auprès de mes homologues européens pour étudier les voies et moyens de renforcer les contrôles à l'importation de biens culturels pour les flux intra-européens.
La deuxième mesure consiste en l'interdiction de la circulation de biens culturels ayant quitté illicitement un État lorsqu'une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU a été prise en ce sens. Seront ainsi concernés les biens culturels irakiens et syriens enlevés illégalement d'Irak depuis le 6 août 1990 et de Syrie depuis le 15 mars 2011, conformément à l'article 17 de la résolution 2199 du Conseil de sécurité des Nations unies. Les résolutions du Conseil de sécurité sont contraignantes pour les États, mais les règlements déjà adoptés par l'Union européenne comportant des interdictions d'importer, d'exporter et de transférer des biens culturels qui en sont illicitement issus demandent en outre aux États membres de prévoir des sanctions dans leur droit interne pour rendre ces mesures de restriction effectives.
La troisième mesure est très novatrice en ce qu'elle permet la création en France de refuges pour les biens culturels menacés. La Convention de l'UNESCO du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, dite convention de La Haye, prévoit la création de refuges pour abriter des biens culturels mobiliers, en cas de conflit armé, par chaque État partie à la Convention sur son propre territoire. Dans cet esprit, et sur le modèle de la loi fédérale suisse sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé, de catastrophe ou de situation d'urgence, il s'agit d'étendre ce concept de refuge en prévoyant la possibilité de mise à disposition, en France, de locaux sécurisés pour recevoir en dépôt les biens culturels se trouvant dans une situation d'urgence et de grave danger en raison d'un conflit armé ou d'une catastrophe sur le territoire d'un État étranger qui les possède ou les détient. Un tel dispositif d'accueil permettrait à la France d'offrir une protection temporaire à des éléments du patrimoine mobilier des pays concernés par des conflits, exposés à de graves menaces de destruction ou de disparition. Elle pourrait aussi trouver à s'appliquer dans des situations de catastrophe naturelle.
Enfin, la provenance des biens composant les collections publiques doit être irréprochable. Afin de mieux appliquer les engagements de la France qui a ratifié en 1997 la Convention de l'UNESCO du 17 novembre 1970, je vous propose de prévoir un dispositif législatif permettant aux propriétaires publics de biens acquis de bonne foi, mais dont il s'avérerait qu'ils ont en réalité été volés ou exportés illicitement dans un autre État partie à la convention, de demander au juge judiciaire l'annulation du contrat ou du legs par lequel il en a fait l'acquisition. Le contrat ou legs étant annulé par le juge judiciaire, un déclassement du domaine public ne serait pas nécessaire puisque l'acte civil qui avait constitué la première étape de la procédure d'intégration du bien dans le domaine public mobilier en raison de son intérêt public culturel serait anéanti.
Ces deux amendements seront complétés, à l'article 30, par l'amendement AC341 visant à habiliter le Gouvernement à inclure dans l'ordonnance prévue audit article la réorganisation de la partie du code du patrimoine dans laquelle s'inséreront ces dispositions, ainsi que par l'amendement de coordination AC340 après l'article 32.
Nous ne serons jamais trop vigilants sur ces questions de trafic illicite de biens culturels. Vous lisez régulièrement des articles, dans la presse, montrant que ces trafics prospèrent, fournissant une grande partie de ses ressources au terrorisme djihadiste et mettant en danger le patrimoine. Grâce au vote de ces amendements, la France deviendra un pays exemplaire.